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Que n’avons-nous pas déjà dit sur la transmission maternelle ? Sur son absence, son omniprésence, la difficulté de s’en défaire ou l’envie de tout reproduire ? N’avons-nous pas pensé cent fois déjà qu’avant c’était plus facile, sans toutes ces questions sur ce que nous voulons garder ou envoyer balader ? Sans regarder sans cesse les traces du passé sur les mères que nous sommes aujourd’hui ?
Alors, que dire encore sur la transmission maternelle ?
Du latin “transmissio”, la transmission désigne un passage, un trajet, une traversée. Transmettre, c’est faire passer quelque chose d’une personne à une autre. Perpétuer. Passer le flambeau.
En famille, la transmission rime avec héritage ou tradition. On se passe des objets, des vêtements, des jouets, des bijoux, des tableaux ou des meubles anciens. On se transmet parfois des lieux, des maisons de vacances ou des appartements. Et puis, on fait surtout passer une histoire, celle de notre famille. On dit des noms plus ou moins vieux, on raconte des évènements, des généalogies, des ressemblances. La transmission est, alors, un constituteur d’identité. Une manière de pouvoir dire “nous” et de construire un réseau de valeurs autour de nous.
Lorsque nous pensons aux relations mère-fille, nous voyons d’abord notre propre mère, puis peut-être un peu plus loin notre grand-mère. Nous pensons donc d’abord à la toute première des transmissions : celle de la vie. Celle qui fait que nous sommes là aujourd’hui. Car, cette vie, depuis toujours, se transmet de la même manière.
En continuant à marcher sur ce chemin de la transmission maternelle, cette dernière se met soudain à rimer avec accouchement, allaitement, change et maternité. Comment tu faisais toi, maman ? Qu’ai-je retenu en te voyant t’occuper de mes petits frères et soeurs ? Que m’as-tu raconté de cette période ? Comment la vois-je à travers tes yeux ? Quelles images et quels mots as-tu déposés en moi malgré toi ?
Enfin, l’enfant grandissant, vient l’éducation. Et, avec elle, naît alors le plus grand défi dans le thème de la transmission maternelle. Car entre nous et nos parents se sont interposées de nombreuses choses : nos souvenirs d’enfance, notre histoire personnelle, notre couple, les neurosciences et l’éducation bienveillante. On veut reproduire ou on ne veut pas. On se rapproche de nos parents ou on prend de la distance. Et nous entrons dans un débat souvent insoluble tissé de douleurs d’enfance, de conflits mal réglés et de paroles d’experts religieusement écoutées. On fait confiance à ce qu’on a reçu ou on se méfie. On se demande sans cesse : qu’est-ce que je veux transmettre ? Quelle source dois-je continuer à alimenter pour mes enfants ? Quel barrage dois-je construire pour stopper avec moi le flot non voulu de la transmission maternelle ?
Se focaliser sur ces enjeux autour de l’éducation reviendrait à réduire la transmission maternelle à bien peu de choses. A une simple histoire de règles et de “file droit” à laquelle on croirait, ou pas. Mais si nous allons au-delà, si nous acceptons que les époques, les générations soient différentes, et les envies aussi, alors nous pouvons regarder ce que la transmission maternelle a d’autre à nous offrir.
Notre mère, notre grand-mère et la lignée des femmes avant elles, nous ont transmises une certaine manière d’être au monde. Un œil critique, un regard esthétique, une façon d’occuper l’espace ou le silence, un geste auquel on ne pense jamais, un corps qui leur ressemble. Une passion pour la lecture, le sport ou l’art, l’amour d’un lieu, d’une région ou d’un pays. Une autre langue aussi parfois. Et, à travers cela, la transmission maternelle devient un flux passant en nous. Un mouvement que nous modifierons un peu, beaucoup ou pas du tout. Quelque chose à transmettre à notre tour qui parlera de nous et de ce que nous sommes. Et qui continuera à vivre et à se modifier par delà nous.
