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« Aaah j ‘en ai trop marre qu’ils ne m’écoutent pas, c’est de plus en plus difficile, alors tant pis j’ai craqué, j’ai puni »
« Je vais les punir, y a rien qui marche »
« Pffff ça marche pas, alors tant pis, f*** la parentalité positive, j’ai fait / je vais faire [tel ou tel truc plutôt pas du tout en adéquation avec les principes de la parentalité positive] »
« ça me désole de renoncer à mes idéaux, mais faut être réaliste donc…«
Du coup, moi, adepte de la parentalité positive, je me retrouve face à un choix.
(NB je parle de mamans parce que dans 95% des cas ce sont elles qu’on va retrouver sur ce genre de groupes, ou sur notre canapé / banc du parc en train de vider leur sac; mais bien évidemment c’est tout à fait valable avec un papa… y compris et surtout si, hasard, ledit papa est notre conjoint, lui même un peu découragé)
Quelle horreur ! c’est super pas bienveillant ! Nan mais c’est n’importe quoi ! Ça déresponsabilise / casse la connexion / apprend la violence à ton enfant /… au choix selon la situation.
Nan mais c’est hyper violent envers lui ! Il peut pas comprendre ! Il va pas comprendre ! Le pauvre !
Ce qui aboutit peu ou prou aux mêmes réactions que le scénario A.
Au fond, quand on est en train de cheminer en parentalité positive, c’est vraiment compliqué de lire ce genre de trucs. C’est en contradiction complète avec ce qu’on essaye de vivre soi-même, ça met toutes nos sirènes d’alarme en alerte… et notre réaction peut être d’autant plus virulente que la situation vient titiller en nous la voix du découragement.
Chère maman découragée, c’est difficile de lire ton découragement, parce que
Si toi aussi tu abandonnes le navire, est-ce que ça veut dire qu’en fait c’est vraiment impossible ?
Je vais me retrouver toute seule !
NORMALEMENT l’humanité est en train d’avancer « dans le bon sens » mais là on ferait machine arrière ?
Vais-je même finir par faire pareil et lâcher…?
1er constat : quand je te vois qui lâches, j’ai peur que ça m’incite à lâcher, moi aussi.
Maintenant, 2ème étape avant d’être prête à l’option D ; « je te vois qui lâches »….?
Prenons un peu de recul par rapport à ton discours
la situation telle qu’elle apparaît au premier regard c’est : une maman qui veut tout envoyer balader et faire quelque chose de paaas bieeeen
Et EN PLUS, tu viens narguer d’autres parents sur un groupe de parentalité positive, ou m’en parler, à moi, fervente partisane de ce mode d’interaction avec les enfants ! Tu te fiches de nous, hein. Si tu crois qu’on va t’applaudir et te soutenir dans ton projet, ou valider ta décision d’une quelconque manière : tu te mets les doigts dans l’œil.
Et si je pars de ce principe là, je risque de te le dire tout net :
et de fermer la discussion (en ayant peut être rajouté toute une série de trucs issus du scénario A et/ou B). Mais l’important c’est que la discussion serait fermée.
Mais en fait, chère maman-découragée, je vais t’avouer un truc : quand je lis ta publication, ou quand tu me dis un truc du genre (ce qui n’est pas rare, notamment, mais pas seulement, au cours des ateliers Faber et Mazlish que j’anime), je suis
Admirative.
Hyper touchée.
Ravie.
Je trouve cela très très beau.
Parce que la situation telle qu’elle m’apparaît c’est : une maman tentée de tout envoyer balader mais qui vient pleurer dans les jupes de gens orientés parentalité positive.
Tu aurais pu faire ça toute seule dans son coin.
Tu aurais pu aller sur un groupe FB généraliste, ou en parler à Tatie Germaine, et tu y aurais récupéré tout plein de conseils sur « les punitions qui marchent » et autres remarques à la
Mais non.
Non non non.
Tu es venue en parler à des gens orientés parentalité positive.
C’est énorme ça !
En fait dans ce genre de cas j’ai mes souvenirs de cours de philo de Terminale qui remontent
(NON non : ne partez pas tout de suite !!!).
Un truc qui m’avait marquée dans mon cours sur la liberté, était (je crois que ça venait de Sartre) que même et surtout quand on demandait un conseil, on exerçait déjà notre liberté.
Parce que
le choix de la personne à qui on va demander conseil,
c’est déjà un pas de fait dans une certaine direction.
Bien sûr, on peut avoir des surprises
D’ailleurs certaines de ces mamans vivent de belles surprises, et peut-être que ce sera ton cas : tu pourras enfin t’entendre dire que tu as raison de penser à toi et de ne pas piétiner tes propres limites – même si il y a manière et manière de le faire, hein -, là où tu avais l’impression que parentalité positive était synonyme de sacrifice total et souriant (SVP) sur l’autel des désirs de tes bambins.
Mais plus globalement, toi, une maman désespérée qui vient dire qu’elle abandonne sur un groupe de parentalité positive, c’est juste merveilleux !
Tu es une maman qui vient appeler à l’aide.
Peu importent les mots que tu utilises, peu importe la véhémence avec laquelle tu affirmes que « c’est pourri, je lâche », ce qui en dit plus long que tes mots, c’est ta présence au sein du groupe ce jour-là.
Tu dis peut-être que tu lâches, mais au moment où tu écris / dis cela, en fait, tu as encore une main sur la bouée. A moi de ne pas taper sur cette main, ta main, qui a déjà assez morflé merci.
Maintenant qu’on a fait un détour par le scénario C et par mes cours de philo de Terminale, regardons un peu ce que permet le scénario D.
elle n’a paaas besoin du B non plus : sa capacité d’empathie réelle avec son enfant est HS ! Même si théoriquement elle est capable de comprendre que l’effet sur son enfant serait pas top, émotionnellement elle est à sec, elle n’est pas capable de prendre en compte cet aspect, là, juste maintenant. Les besoins émotionnels de son gamin, qui d’ordinaire lui tiennent à cœur, là elle s’en fiche ! Elle est en mode survie sur ses besoins émotionnels à elle.
Bien entendu, il ne faut pas nous attendre non plus à ce qu’elle soit en mesure de faire valoir l’option C.
Dis-moi si j’ai tort, maman découragée, mais au stade où tu en es, tu es totalement hermétique à nos besoins émotionnels à nous, qui auraient nécessité que tu dises ou écrives doucettement
Cf point précédent : tes besoins émotionnels à toi sont dans le rouge, alors ta capacité d’empathie est à zéro.
Si nous mêmes nous réagissons en mode émotionnel, ça part au clash, et dans tous les cas… tu es encore plus seule et démunie qu’avant.
Alors que ce dont tu as besoin, toi, maman découragée-mais-qui-justement-vient-crier-son-desespoir-à-des-parents-sensés-être-orientés-parentalité-positive, est-ce que ce ne serait pas tout simplement qu’on t’applique ces principes de parentalité positive, à toi ?
on accueille tes sentiments, on te dit que c’est dur, on reconnaît ce que tu vis bordel
on te fait un câlin; un 2ème, un 3ème. Ou on te met des smileys cœur. Moins efficace mais… Si présente physiquement, je pourrais aussi te tendre une tisane ou un biscuit (voire un mojito). Sinon il y a un smiley tisane et biscuit, ou barre de chocolat. Bref on s’occupe en priorité du remplissage de ton réservoir d’amour à toi. Qui en a bien besoin, d’être rempli.
on te demande de parler de ton problème, on souligne qu’on voit que ça franchit tes limites, on reconnaît ton angoisse : parce que si tu en es là, c’est que tu as l’impression de faire fausse route, tu es paniquée à l’idée de ce que va devenir ton enfant, ta relation à lui, toi,-dans-tout-ça, tu veux bien faire mais tu doutes et le doute c’est l’angoisse.
et ensuite seulement, on réoriente le comportement, on voit avec toi le côté concret des solutions alternatives.
Bien entendu, parfois ton problème est « juste » lié au développement de l’enfant : il faaaaait pas seeeees nuiiiiits parce qu’il a 4 mois.
Oui, beaucoup de bébés ne font pas leurs nuits à 4 mois.
ÇA N’EMPECHE PAS de trouver ça dur en tant que parent.
Donc on compatit longuement puis on voit ce qu’on aurait en stock comme idée pour gérer le besoin de l’enfant mais aussi ton besoin à toi de parent : conjoint qui prend la relève; tester le cododo; arrêter le cododo pendant 2 nuits, 2 semaines ou plus si affinités ; grand-mère, tante ou copine compatissante prête à gérer une nuit ; la même, prête à gérer une journée passée à dormir, et à faire le ménage dans le même temps pour qu’on puisse vraiment dormir….
Idem sur l’enfant qui met 3 plombes à se préparer (j’ai un billet en cours sur ce sujet) :
oui le jeune enfant est dans un autre rapport au temps,
mais te dire juste ça, ça va pas t’aider pas a gérer ton stress de personne qui vit dans une société avec des horaires, des RDV, et accessoirement, ressent l’envie de ne pas passer la moitié de sa matinée à superviser de l’enfilage de chaussures (quelle envie étrange).
Donc on reconnaît que c’est dur, et on voit ensemble comment, quand même, limiter les débordements temporels.
Bref, maman-désespérée, je voudrais te dire que j’ai le choix, et je veux faire le choix, de voir notre interaction comme l’occasion pour toi de déballer ton sac, de recharger tes batteries, voire d’avoir un espace pour faire le point sur la manière dont tu as positionné le curseur entre tes besoins à toi et ceux de tes enfants.
Car cette maman prête à punir / taper / vendre sa progéniture sur leboncoin, il y a 99% de chances pour qu’elle ait eu tendance à trop sacrifier de choses importantes à ses enfants, d’où épuisement chez elle, et rancœur envers lesdits enfants. Tu crois pas ?
Enfin, et surtout, surtout, je m’engage à une chose : quelles que soient les pistes qu’on abordera ensemble, je te promets que je ne prétendrai pas que « normalement avec ces conseils tout devrait parfaitement se passer« ; ce n’est pas vrai.
Toute publication estampillée parentalité positive affirmant ce genre de trucs devrait être brûlée en place publique.
Appliquer ces 1000 conseils, ce n’est pas la garantie d’une vie sans heurts. C’est juste un moyen pour une vie avec beaucoup moins de heurts. Qui soit, le plus souvent, du côté du supportable, voire du sympa. Mais qui de temps en temps fait quand même quelques incursions du côté de l’insupportable.
Parce que l’éducation de petits êtres humains, de mensch, comme dit Haïm Ginott, parfois, c’est juste beaucoup. Voire trop.
Et à ce moment, tu as bien besoin (j’ai bien besoin / il/elle a bien besoin / nous avons bien besoin /…) qu’on ressorte le scénario D. Autant de fois que nécessaire.
Gwendoline auteure du blog
https://petitbout-petitbout.blogspot.com/2019/08/gerer-la-maman-debordee-decouragee-par.html
Son livre « 200 moments de parentalité positive (ou pas) » paraîtra mi octobre 2019
Credit photo ©Blue Cicada photography x Dear Ananas pour Maman Vogue