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Merci à Axelle pour son très beau témoignage sur son accouchement, d’avoir poser les mots sur sa période de babyblues !
Près l’un de l’autre depuis l’enfance, amoureux depuis l’adolescence, en couple depuis la fin de l’université, nous formons avec Alexandre un binôme ultra fusionnel et passionné depuis cinq belles années.
Nous avons eu la chance de ne rencontrer aucune difficulté pour ma grossesse: un mois seulement après avoir pris la décision de laisser les choses se faire, nous apprenions que bébé était lancé !
La nouvelle fut accueillie avec énormément de joie, d’émotion et d’amour. Pour ma part, j’étais comblée.
Ma grossesse s’est déroulée sans trop de difficulté, Alexandre a toujours été investi et très présent, parfait comme à son habitude, mon corps lui, se modifiait plutôt agréablement et mon envie de rencontrer bébé se faisait de plus en plus réelle et pressante.
Nous nagions en plein bonheur !
Seulement voilà, l’accouchement a été un réel calvaire.
J’ai mis pas loin de onze heures pour avoir un col dilaté à deux et demi et me voir enfin administrer la fameuse péridurale.
Onze longues heures à souffrir le martyr, sous le poids de violentes contractions espacées d’une minute et trente secondes chacune. Onze heures à ne pas pouvoir prononcer un mot, tétanisée par la douleur. Le seul bruit audible qui émanait de moi étant le claquement de mes dents provoqué par la douleur et la fièvre que mon corps développait pour se défendre contre celle ci.
Et seulement deux heures pour passer de deux et demi à neuf. Il a fallu me réinjecter une dose d’anesthésie en urgence pour que je supporte l’intensité des douleurs afin de pouvoir effectuer les poussées nécessaires au moment venu.
Sous le poids des contractions incessantes, bébé a fini par monter en tachycardie et il a fallu accoucher, fort et vite, le col finalement stagné à 9.
Accouchement en quelques minutes, instrumentalisé, forceps, spatules, trois ventouses brisées sur la tête de bébé, épisiotomie, déchirure naturelle interne due à la nécessité vitale pour mon bébé de pousser sans interruption, sans limite, sans pouvoir reprendre mon souffle.
Léonard a fini par arriver, sans faire de bruit, ni pour moi, ni pour lui. Je ne l’ai pas bien vu, on l’a de suite éloigné pour lui donner les premiers soins.
Un accouchement sportif et intense, mais un bébé Léonard courageux, fort et en pleine santé.
Un papa ému, soulagé et heureux.
Une maman vidée, à bout de force, à demie anesthésiée, endolorie et découpée, qui avait à demi réussi et surtout à demi loupé.
La première nuit s’est passée sans problème, encore un peu sous l’adrénaline finale et cette péridurale tardive, nous avons passé des heures à regarder ce petit être calme et paisible, profondément endormi dans son berceau. Nous avons Alexandre et moi très peu fermés les yeux mais nous ne nous sentions pas non plus suffisamment fatigués.
Le matin se levait et les différents passages des équipes de puéricultrices se succédaient. Il fallait vérifier que Léonard allait bien. Beaucoup de contrôles de beaucoup de choses étaient réalisés.
On me parlait soin du cordon, je pensais épisiotomie, cicatrice, intimité.
On regardait Léonard, on jouait au jeu des ressemblances, je regardais mon corps, cherchais à en regagner son appartenance.
On voulait se presser de venir le rencontrer, l’entourer et le fêter, je ne désirais qu’une chose, pouvoir me retrouver seule, me cacher et me laisser pleurer.
On appelait ça le baby blues, apparemment
Je regardais Alexandre, effectuer avec beaucoup de soin et d’amour les changes, les bains et les biberons de notre fils. Je tentais d’en faire tout autant, le désirant profondément mais n’arrivant jamais à vraiment distancer cette douleur physique et cet isolement psychologique.
Je développais au fur et à mesure des jours une réelle culpabilité à ne pas me sentir aussi heureuse qu’on attendait que je le sois. Coupable de penser à moi et peut être pas assez à lui? Coupable de ne pas être à la hauteur de ce rôle pourtant décrit et pensé comme si naturel et intuitif, ancré en chaque femme.
J’ai beaucoup pleuré la première semaine, jamais en société, un peu devant Alexandre, beaucoup près de Léonard, beaucoup trop sous l’eau, sous la douche, seul endroit ou je pouvais uriner sans avoir l’impression de subir une nouvelle épisiotomie à vif, seul endroit où je me retrouvais seule, sans mon fils, sans le père de mon fils, et où je pouvais constater, sans tabou et sans pansement socio conformiste, les dégâts du miracle de la vie.
Mes pensées quotidiennes oscillaient entre les soins et attentions que je devais prodiguer à ma propre personne: mon épisiotomie, mon transit aléatoires et ma crainte d’aller aux toilettes avec mes plaies, l’apparition des hémorroïdes ou d’une fissure anale, la gestion de ma montée et perte de lait, mon acné douloureuse et fulgurante, ma difficulté à enfiler mes bas de contentions sans avoir l’impression de me réouvrir l’entrée de vagin, les pleurs imaginaires de Léonard que j’entendais régulièrement, mes mois de manque de sommeil irrattrapables qui avaient fait place à une fatigue et un épuisement chronique, mon désir inavouable de rester à la hauteur et désirable dans les yeux d’Alexandre.
Et les appréhensions que j’avais à l’égard de mon fils et de mon rôle: j’avais l’impression qu’il pleurait tout le temps quand mon entourage disait le trouver plutôt calme, j’avais peur de ne pas le comprendre, ne pas le satisfaire, ne pas prendre les bonnes décisions, le rendre malheureux, lui faire mal. Peur qu’il ne m’aime pas et lui être seulement utile. Peur de mal faire. De me tromper. De mal attacher une couche, de mal placer la tétine du biberon. De mal materner.
J’ai continué et je continue à pleurer 3 semaines après. Mais moins souvent. Mon corps va mieux. Il n’est pas réparé mais certaines douleurs s’atténuent, ou prennent moins de place.
La culpabilité et la pression de réussir restent présentes. Mais plus supportables depuis que je peux à nouveau m’asseoir, marcher, bouger, m’occuper de Léonard sans l’aide d’Alexandre.
L’amour que j’éprouve pour mon fils et son père est immense.
Contrairement à ce que ce récit pourrait laisser penser pour l’entendement collectif, je n’ai jamais douté ou remis en cause mon amour pour mon fils. Je n’ai pas non plus regretté son arrivée dans notre foyer, dans notre vie.
C’est même peut être justement par peur de ne pas réussir à me montrer digne et à la hauteur de ces deux amours de ma vie que j’ai développé autant de craintes et de culpabilité face à mon nouveau rôle de mère. Et peut être aussi parce que je m’aime également assez pour avoir peur finalement de ne pas m’y retrouver.