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Vous avez les traits tirés, le teint gris, les yeux cernés et la larme facile alors que vous êtes censée être la mère la plus heureuse du monde avec votre nouvelle merveille dans les bras…Oui mais voilà ! Vous ne dormez plus depuis… sa naissance, les fameux 100 jours, six mois voire plus. Et vous êtes au bord de la crise de nerfs, de la dépression, d’ailleurs vos amies vous le font remarquer : « tu nous ferais pas une petite déprime post-partum toi ? » Oui ? peut-être ? Mais surtout, mon bébé pleure toutes les nuits depuis des lustres et je n’en peux plus.
T. Berry Brazelton, célèbre pédiatre américain, a identifié 6 types de pleurs, dus à :
Plus proche de nous, le docteur Pierre Foucaud, pédiatre au Chesnay, au cours d’une émission des Maternelles en 2013, rappelait le sens du pleur : c’est un appel, un « cordon ombilical sonore » établi avec les parents pour se faire entendre, et il faut savoir qu’un nourrisson pleure toujours beaucoup les trois premiers mois (3h par jour en moyenne).
Le pleur lui sert de moyen de communication mais n’est « ni un symptôme, ni une maladie » !
Il témoigne d’un besoin qu’il faut savoir écouter, décoder, et y apporter une réponse, surtout entre 0 et 6 mois.
En effet, Catherine Gueguen (également pédiatre) a expliqué dans une interview au Point qu’on devrait répondre à ces pleurs et notamment aux pleurs nocturnes, car cela apporte une sécurité affective à l’enfant, absolument nécessaire à sa croissance.
Si ce n’est pas fait, alors le bébé développe un stress, ce qui produit en lui cortisol et adrénaline, et détruit des neurones dans des zones essentielles. Bref, on ne joue pas avec les pleurs d’un nourrisson ! Au delà des six mois de l’enfant, c’est autre chose.
Concernant vos nuits hachées, il faut savoir qu’un fœtus dort 80% du temps in utero, alors quand il naît, il dort encore beaucoup, puis petit-à-petit ce sommeil évolue avec la mise en place des rythmes circadiens, c’est-à-dire le rythme biologique autour des 24 heures auquel est soumis tout être humain.
C’est là que le bât blesse : les parents voudraient que leur bébé apprenne à se caler rapidement sur le rythme des adultes, avec une nuit de 8h environ.
Malheureusement, il faut attendre un peu et prendre son mal en patience. Les scientifiques estiment pour leur part qu’un bébé dormant 5h d’affilée fait ses nuits, même si elles démarrent à minuit pour vous tirer du lit à 5h du matin.
Forcément, la définition de « faire sa nuit » n’est pas la même aux yeux des parents…
Il convient en premier lieu d’éliminer les causes organiques : mon enfant a-t-il faim ? A ce sujet, mon bébé prend-il toujours correctement son biberon, en quantité suffisante ? Il ne faudrait pas qu’il soit sujet à du reflux gastro-œsophagien, à des allergies ou des coliques. Éprouve-t-il une douleur, une gêne ? Présente-t-il de la fièvre ? Toute mère sait se poser la bonne question.
Ensuite, il faut éliminer les causes affectives. L’envie d’être câliné, le sentiment d’être un peu seul après avoir vécu en symbiose totale avec sa mère pendant 9 mois, un besoin de sécurité affective.
Le docteur Philippe Grandsenne, pédiatre et auteur de « Bébé, dis moi qui tu es » (Marabout, 2011) évoque « l’adolescence du bébé » : cet état où le nourrisson se perd un peu dans son processus de maturation et a seulement besoin d’être rassuré. C’est à ces heures-là – souvent 3h du matin – que le petit est inconsolable, et que le papa va « user le tapis » à faire des rondes pour calmer son petit !
Le pédiatre soutient également que le bébé fait ses nuits dans les cent jours suivant sa naissance… En attendant, il invite à répondre à l’appel des bras, sans hésiter, sans penser que le bébé va faire un caprice, vous manipuler, ou exercer un chantage affectif ! Tout ceci lui est bien étranger, alors oublions les dictons et autres proverbes populaires infondés.
Enfin, si votre bébé grandit bien, il se peut que la cause de ses réveils nocturnes soit alors psychique : pour traduire cela simplement, l’enfant-ne-lâche-pas-sa-mère-qui-ne-lâche-pas-son-enfant, et tout le monde se lève toutes les nuits…
Dans ces cas-là, il convient sûrement de se faire aider. Souvent, les bébés se sont mis à dormir une fois que leurs parents ont évoqué leurs situations, vies, secrets particuliers devant lui chez le psy.
Pour les réfractaires au sommeil, de nombreuses mères ont essayé :
Pour le docteur Michel Lecendreux, pédopsychiatre à l’Hôpital Robert Debré à Paris et spécialiste des troubles du sommeil, l’enfant a besoin avant tout de conditionnements à l’endormissement, et c’est ça toute la différence pour lui.
Comment couchez vous votre enfant ? Quel rituel lui donnez vous, dans quelles conditions...
Par exemple, il déconseille l’endormissement au sein pour les mères qui allaitent sinon cela deviendra la condition sine qua non pour dormir.
Il déconseille de laisser un biberon systématiquement pour s’endormir ; il évoque le besoin de silence, le besoin de noir, le coucher doit se faire à heure fixe car le bébé a besoin de sa longue phase de sommeil profond pour bien commencer sa nuit réparatrice.
Le lit du bébé doit aussi être un endroit de calme, donc retirez toutes les peluches et autres jouets pour ne pas provoquer de stimulation ou d’éveil cognitif.
Mais le docteur Lecendreux veut surtout insister sur l’apprentissage de la séparation petit à petit de l’enfant avec sa mère. Il faut montrer à son bébé qu’on lui fait confiance, qu’on est là, que lui aussi est là, et qu’il doit acquérir de l’autonomie.
Il indique qu’un bébé au delà des six mois doit voir ses phases d’éveil plus longues dans la journée pour favoriser un bon sommeil la nuit – indiquez donc à la crèche qu’il ne faut pas laisser dormir bambin 4h d’affilée l’après-midi afin qu’il dorme correctement le soir.
Et les réveils sont donc nombreux et naturels au cours de l’établissement du rythme circadien.
Les parents doivent donc apprendre à leur enfant à se rendormir sans aucune autre habitude que sa propre capacité, sa propre autonomie à le faire par lui-même. « Oui mon chéri, tes parents sont là, ils savent que tu vas bien dormir maintenant »…et retournez dans votre chambre ! Et là, ce sera le début de vos nuits à vous !!
En résumé, le temps et les rites sont des alliés, ils font leur œuvre, votre tout petit grandit, se sépare chaque jour un peu plus de vous pour gagner en autonomie et faire de nombreux apprentissages.
Quant aux parents, soyez patients, aimants, faites-vous confiance, parlez beaucoup à votre bébé et agissez en fonction de votre intuition comme toujours ! Et si c’est l’enfer sur terre, trouvez la copine, la nièce, la belle mère voire même la professionnelle qui vous soulagera, et n’hésitez pas à solliciter les conseils d’un psy pour voir plus en profondeur si la situation perdure…
Victoire MASSART
Quelques livres :
GRANDSENNE, P. « Bébé, dis moi qui tu es » Editions Marabout, 2011
LANGEVIN, B. « Le sommeil du nourrisson » Editions de Mortagne, 2011
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