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Moi aussi avant, je faisais la bravache : « Quand je serai enceinte, je ne m’arrêterai pas de vivre, je ferai tout comme avant, je ne m’écouterai pas, je ne serai pas malade, je ne me regarderai pas le nombril toute la journée… ». Quelle bêtise !
J’ai eu une grossesse hyper facile, si facile que beaucoup d’amies m’ont enviée. Pas de nausées, une fatigue très raisonnable, pas de directive médicale contraignante et j’ai pu travailler jusqu’au début de mon congé maternité sans problème.
Et pourtant, j’ai été rigoureuse, j’ai fait raisonnablement attention. J’ai décliné des invitations pour dormir un peu plus, j’ai évité certains aliments pour éloigner des risques de maladie, je n’ai pas fait de vélo ni de course à pied pour ne pas tomber, j’ai fui les bateaux à moteur et les deux-roues parce qu’on m’avait dit que cela pouvait déclencher des contractions, je n’ai pas bu une goutte d’alcool ou touché une cigarette et j’ai demandé si les fromages étaient pasteurisés, si on pouvait éviter les restaurants japonais pour nos dîner de filles,…
Je ne me suis pas arrêtée de vivre mais je n’ai pas tout fait comme avant et, oui, je me suis beaucoup écoutée. Et j’ai lu dans le regard de certaines de mes amies ce même dédain que j’avais moi-même avant pour celles qui prenaient tant de précautions, quelle ironie ! J’étais devenue, pour un temps, le boulet !
J’ai compris : moi, je suis déjà mère. Cet enfant qui grandit caché de tous, je l’aime déjà, je veux déjà le meilleur pour lui et je veux déjà le protéger au maximum.
Même s’il ne recouvre aucune réalité pour les autres (et parfois même pour mon mari), j’en suis déjà folle amoureuse. Tout ce que je peux faire aujourd’hui, c’est faire attention à moi ; non pas parce que « je me prends la tête » ou parce que je suis « flippée », mais plutôt parce que, même si je ne pourrai pas tout contrôler puisque la vie reprend toujours ses droits, mon rôle est de faire attention à moi pour faire attention à mon enfant. Ça passe par des (légères) contraintes que j’impose aux autres, sous réserve de maintenir un minimum de vie sociale.
Et finalement, je me suis sentie très seule devant cette responsabilité. Pas seulement parce que j’ai eu l’impression d’être un peu un boulet, mais surtout parce qu’être enceinte c’est une responsabilité merveilleuse et gigantesque. Même si des millions de femmes ont porté des enfants avant moi, même si c’est la vie tout simplement, même si le suivi médical est formidable. Aujourd’hui, ce bébé il est unique et c’est le mien ; cette grossesse, elle est unique et c’est la mienne et je suis la seule à pouvoir faire en sorte qu’elle se passe bien et que mon enfant soit en forme. C’est à la fois superbe et terrifiant.
Alors, pardon à toutes celles que j’ai mal jugées et, vous autres, un peu d’indulgence pour vos amies, collègues, sœurs, cousines : elles ont bien plus besoin de notre soutien que de notre jugement.
©Clarisse de Lauriston