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Je suis sûre que beaucoup de mamans se reconnaitront… #accouchement #cesarienne
« J’ai eu une grossesse facile, c’était la 1ère. J’ai laissé de côté toutes les horreurs qu’on a subitement envie de vous raconter sur les accouchements pour me dire que ce ne serait sans doute pas le moment le plus glamour de ma vie (moi qui suis si pudique) mais que ce serait au moins une délivrance merveilleuse et une rencontre prodigieuse. Le dernier mois, j’y pensais souvent dans la journée. Je m’imaginais les 4 fers en l’air, rougeaude et anéantie par la douleur et l’effort à fournir ; avec un médecin essayant de faire sortir mon bébé et me disant que je ne fais pas ce qu’il faut. Ca c’était la pire vision que je m’en faisais et j’essayais de m’y préparer. Mais finalement, ça ne s’est pas passé comme ça.
Nous sommes arrivés à l’hôpital, le travail s’est très bien passé, a été rapide rapide ; et finalement, j’étais étonnée d’avoir moins mal que ce à quoi je m’attendais, même avant la péridurale. Les choses se sont gâtées lorsque la sage-femme a commencé à faire quelques aller-retours en trombe pour vérifier le rythme cardiaque de mon bébé. Puis, qu’un obstétricien est rentré sans me dire bonjour, sans me dire un mot et a regardé le monitoring en s’adressant à la sage-femme tout bas. Puis, qu’il a dit sans aucune conviction « Préparez la quand même pour une césarienne en urgence. On ne sait jamais ». Mais là encore, lorsque j’ai demandé à la sage-femme, elle semblait confiante, me disant de ne pas m’inquiéter, que le cœur de bébé repartait très bien…
Puis, sans crier gare, 6 personnes sont rentrées en riant dans ma chambre : une femme, qui devait être l’auxiliaire puéricultrice, 2 brancardiers, 2 sages-femmes et l’obstétricien. Mon mari s’était absenté 5 minutes. Aucune de ces personnes ne s’est adressée à moi. On m’a attrapée comme un bout de viande, en agitant des câbles qui sortaient de mon corps et en disant « Bon alors ça, ça va où ? ». « Ben oui, on vous embarque en césarienne madame »… Et là, mon monde s’est effondré. J’ai supplié qu’on attrape mon mari qui arrivait à l’autre bout du couloir pour au moins le prévenir et l’embrasser. Je n’arrivais plus du tout à retenir les larmes dans ma gorge, je croyais que mon bébé allait mourir et ces gens-là autour de moi parlaient comme si je n’étais pas là, sans m’accorder aucune attention.
Je n’ai jamais été opérée, je ne savais pas à quoi ressemblait un bloc, comment se déroulait une césarienne.
J’entends qu’il y a énormément de bruit dans cette pièce, il y a au moins 5 ou 6 personnes et je n’en connais aucune. Enfin, la sage-femme que j’ai vue avant arrive à côté de moi et me prend la main, me dit qu’elle est là. Elle demande au médecin de me laisser essayer d’accoucher par voix basse, au moins de pousser une fois pour voir si le bébé supporte bien. Mais là, je ne suis plus capable de rien, mon esprit est vidé de tous ces bons conseils disséminés pendant les cours de préparation. J’ai beau essayer, il ne se passe visiblement rien. Le médecin secoue la tête « Bon, ça sert à rien, préparez-la ».
Et là, je me sens complètement seule, le corps entièrement nu au vu de toutes ces personnes qui s’agitent en parlant entre eux, sans m’expliquer quoi que ce soit. On dit que je vais sentir une légère pression. Mais je n’ai pas senti une légère pression, je me suis sentie mourir, j’ai eu l’impression qu’on me coupait en 2 et j’ai totalement paniqué. Une infirmière de bloc s’est penchée sur moi, m’a caressé les cheveux et m’a demandé très gentiment ce qui n’allait pas. Puis elle m’a proposé de m’endormir en anesthésie générale et j’ai dit oui. On m’a endormie parce que je n’ai pas résisté, je n’étais pas préparée à cette douleur, à ce niveau de stress soudain, à cette agression… Sur le coup, j’ai préféré ne plus rien sentir et de fait, je n’ai pas réalisé que je n’assisterais à rien.
Je me suis réveillée quelques heures après, sans savoir si j’avais une fille ou un garçon et sans vraiment réaliser ce qui venait de se passer…J’ai trépigné pour qu’on me redescende dans ma chambre où j’ai découvert ma merveille de petit garçon, tout bien et tout en forme, tout endormi dans les bras de son papa. Nous avons pu lui donner un prénom, ce pauvre petit avec son bracelet « Mâle xx ». J’ai été directement happée par le bonheur de découvrir mon fils, de pouvoir enfin vivre en vrai avec lui, l’embrasser et m’en occuper. Les médecins avaient super bien fait leur travail, je me suis remise facilement de cette opération… physiquement en tous cas.
Il ne m’a fallu que quelques jours pour commencer à ressentir des émotions très fortes et très négatives… Je me surprenais à pleurer toute seule dans la rue, tous les jours… Et j’ai pu enfin mettre des mots sur cet état : j’ai le sentiment de ne pas avoir fait mon boulot jusqu’au bout. J’ai l’impression de ne pas avoir accouché, d’avoir été faible, de ne pas avoir été capable de donner la vie. Cet échec final a anéanti tous ces mois passés à préparer l’arrivée de mon fils, à l’attendre dans la joie ; et surtout, il a diminué le bonheur de ces 1ers jours, semaines de vie avec lui.
J’en ai parlé. J’ai entendu dire « De quoi te plains-tu, tu n’as pas eu le corps mis en lambeaux par un accouchement douloureux », « Tu vois bien que ton fils va super bien, c’est le plus important » ou encore « Oh une césarienne c’est tellement plus confortable qu’un accouchement par voix basse ! »… Peut-être, peut-être que tous ces arguments sont justes ; mais finalement, je me moque de tous ces arguments, je n’arrive pas à remonter la pente. Je n’arrive pas à surmonter cette douleur, je revis certains moments et je pleure pour rien. Bien sûr que je suis heureuse avec mon fils et bien sûr que l’équipe médicale a fait ce qu’il fallait mais moi, je souffre et je voudrais juste que ça s’arrête. Je voudrais juste effacer ces souvenirs et cette culpabilité.
Pour quelqu’un – comme moi – qui veut bien faire, il est difficile d’accepter d’avoir perdu le contrôle, qu’à un moment, on n’était pas préparée, qu’on n’a pas pu anticiper, qu’on a composé avec ce qu’on avait et qu’on a fait un choix. Je n’ai toujours pas le sentiment d’avoir mis au monde mon enfant. Mais je l’ai porté pendant 9 mois et je m’émerveille chaque jour de ce qu’il devient. Nous n’avons pas rencontré de difficultés à nous attacher l’un à l’autre. Malgré cette douleur, tout a été très instinctif entre nous.
Aujourd’hui, j’attends mon 2ème enfant. Je suis infiniment heureuse que notre famille s’agrandisse mais je retrouve mes vieux démons à mesure que la date du terme approche.
J’ai appris avec le temps qu’un accouchement ne ressemble jamais à un autre, qu’il y a autant de ressentis que de femmes qui donnent la vie. Je dois accepter ce que je ressens et ce qui s’est passé et accepter que parfois, la vie reprend ses droits et que tout n’est pas à ma main. J’espère que ce 2ème enfant, je le verrai naître et que je pourrai lui donner un prénom tout de suite avec mon mari. D’ici là, je me donne le temps de me familiariser avec toutes les éventualités. » Hélène
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© Crédit photo Stéphanie Martin Photo
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