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Ma première et unique grossesse, se déroulait très bien…je pourrais même dire que j’étais sur un petit nuage d’amour. Au mois d’avril 2017, je me rends à ma consultation mensuelle du second trimestre chez ma gynécologue à l’hôpital d’Aix-en-Provence accompagnée de mon mari.
L’examen est parfait. Ma gynécologue me trouve même rayonnante. Elle me dit également « aujourd’hui il n’est pas nécessaire que je vous ausculte » et puis sans aucune raison elle s’arrête nette se retourne vers moi et me demande « Vous avez des contractions ? ». Je lui ai répondu : Non, enfin je ne sais pas, c’est quoi exactement une contraction ? ». Ni une ni deux elle pose ses mains sur mon ventre et me dit « Là ! vous avez une contraction, vous la sentez ? Votre ventre se durcit ». Et malheureusement je ne sentais rien, même pas mon ventre se durcir. C’est là que tout s’est enchaîné très vite, mon col était ouvert et il restait 7mm. Monitoring qui indiquait de grosses contractions très rapprochées, piqûre de corticoïdes dans les fesses pour accélérer la maturation du cerveau, des poumons et des intestins, du tractocile injecté en perfusion pour stopper les contractions. La gynécologue me fait une échographie en urgence et vérifie le poids de notre petit garçon si l’accouchement devait se déclencher…1 kg à 27 SA. Une ambulance vient me chercher pour me transférer à l’hôpital Nord de Marseille, en cas de grossesse prématurée, il disposait d’un service de réanimation. Je suis restée alité 3 semaines dans le service des grossesses à risque avant que je finisse malheureusement par accoucher trop tôt…
Honnêtement ce fut un véritable choc… Accoucher à 6 mois et demi c’était impensable, ça dépassait même l’entendement. Pourtant, le personnel médical m’avait parlé des risques d’un accouchement prématuré mais au fond de moi j’étais convaincu que je mènerai cette grossesse à terme.
Je m’en suis tellement voulu de ne pas avoir été capable de garder mon fils jusqu’au bout…
Comme à son habitude, il est resté très calme, maître de la situation. Il n’a rien laissé paraître.
Malgré les nombreux examens que j’ai effectué, aucune anomalie, ni bactérie ni infection ont été détectées. Le constat est que j’avais un utérus contractile (malheureusement découvert tardivement) ce qui est seulement une particularité chez certaine femme. L’utérus au moindre effort se contracte et il n’y a pas d’autre choix que de s’aliter. Ce sont des contractions sans douleurs et non ressenties pour ma part en tout cas.
Mettre un enfant au monde à 6 mois et demi de grossesse est source d’angoisse.
Est-ce-que tous ses organes vitaux ont terminé d’être développé ? Aura-t-il des séquelles ? Mais surtout, est-ce qu’il va vivre ? Ces questions me hantaient et m’angoissaient en permanence.
A ce jour, sur le plan neurologique et psychomoteur, Evan se développe normalement (c’est un enfant très suivi, 1 fois par semaine par une psychométricienne et tous les 3-4 mois par un pédiatre qui fait partie du réseau « Naître et Devenir » spécialisé dans la prématurité) mais il a beaucoup de retard au niveau de son développement.
A 14 mois, il ne s’assoit toujours pas et évidemment ne marche pas à 4 pattes.
Exposé à la douleur bien trop tôt et de façon continue, Evan ne supporte pas qu’on lui touche le visage fragilisé par trop d’interventions médicales douloureuses.
Il pleure beaucoup et ne comprend pas pourquoi je ne réponds plus à la seconde à ses moindres sollicitations comme lorsqu’il était hospitalisé. Pour éviter qu’il devienne un bébé tyran, j’essaie de lui enseigner la patience et la frustration, pas toujours évidant mais nécessaire pour l’apprentissage de la vie.
De mon côté, c’est plus sur le plan psychologique, des fois j’ai l’impression de sentir mon ventre bouger et aujourd’hui j’ai encore du mal à réaliser que je suis maman…je me sens incomplète.
Une nuit, la poche des eaux s’est rompue alors que je retournais dans mon lit d’hôpital pour continuer ma nuit…
J’ai immédiatement compris ce qui se passait et aussi surprenant que cela puisse paraître, j’étais d’un calme olympien et d’une sérénité que je ne me connaissais pas… J’ai appelé mon mari très calmement pour lui dire de venir. Ensuite, tout s’est enchainé très vite, les infirmières m’ont descendu un étage en dessous en salle d’accouchement. Pose de péridural, mon mari qui arrive, le travail qui commence. Au total, c’est une dizaine de personnes qui se retrouve autour de moi pour m’assister. Mon mari s’est montré très présent et n’a cessé de m’encourager, de me soutenir tout au long de l’accouchement.
Malgré le petit poids de mon fils de 1kg480, j’ai eu du mal à le sortir, fichue péridural… Je ne sentais plus mon corps… J’étais littéralement épuisée… Après avoir poussé une vingtaine de fois et l’utilisation de spatules par le corps médical, Evan est arrivé. Malgré la douleur physique et l’épuisement, l’accouchement pour moi a été une « formalité » dans le sens où, je savais pertinemment qu’une fois qu’il serait sorti, j’allais véritablement souffrir sur le plan psychologique et émotionnel et c’est exactement ce qu’il s’est passé…
A l’instant où Evan est sorti, une infirmière a pris mon fils et est sortie de la salle d’accouchement pour l’emmener immédiatement en service de réanimation. Je n’ai ni pu l’embrasser, ni le prendre contre moi, j’ai seulement pu qu’apercevoir le derrière de sa toute petite tête. J’ai eu la sensation qu’on me l’arrachait, c’est alors que tout s’est écroulé autours de moi.
J’étais rongée par le chagrin, la culpabilité et aucune parole de la part de mes proches ne m’a réellement soulagé.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, ça m’a fait énormément de mal d’être félicité par mes proches pour cet accouchement bien trop tôt. Comment pouvait-on me féliciter alors que nous ne savions pas si notre fils allait vivre ?
Quant au corps médical, ils m’ont énuméré tous les risques qu’encours un prématuré à 30 SA… : pas franchement réconfortant.
De faire confiance à ces petits bouts… Ils sont plus forts qu’on ne le pense, ce sont des battants et ils ont la rage de vivre.
Et quoi qu’il puisse arriver, surtout ne jamais perdre espoir !
A 1,480kg pour 38,5cm, Evan n’avait pas la force de se réchauffer et a été placé immédiatement en couveuse.
Il n’avait pas non plus la force de respirer de façon automne (syndrome de détresse respiratoire), une CPAP lui a été placé directement sur le nez et l’aidait à respirer en lui envoyant de l’oxygène.
Une sonde nasogastrique lui a également été posée car il n’avait pas la force de téter mon sein, il a reçu du lait maternel de don d’autres mamans, je me souviens que cette sonde ressortait de sa bouche et mon dieu que ça m’a fait mal de le voir avec ça en plus de tout le reste.
Il avait attrapé la jaunisse, très fréquent chez les prématurés, seule solution : la photothérapie (lumière bleue).
Il souffrait également d’anémie car environ 80% des réserves de fer sont accumulés pendant le dernier trimestre de la grossesse. Evan recevait des injections d’érythropoïétine (EPO, ce même produit qui est utilisé par les sportifs lors des dopages).
L’immaturité du rythme cardio-respiratoire, qui entrainait des bradycardies (ralentissement du cœur) et des désaturations (pauses respiratoires par des apnées), le scope sonnait et s’emballait, autant dire, tous les jours et plusieurs fois par jours… Un autre coup dur qu’il a fallu endurer.
Lors de son hospitalisation, il a attrapé 2 virus, un Rhinovirus et le VRS (virus de la bronchiolite), ce qui anéantissait tous ces efforts pour réussir à respirer de façon autonome, à chaque fois c’était retour à la case départ… J’étais désespérée.
J’étais anéantie…être privée de la chaleur de son enfant alors que vous venez de le mettre au monde a été une véritable torture. Je n’arrivais plus à manger et encore mois à dormir. Le manque de mon fils m’obsédait…je ne me suis jamais sentie aussi seule face à une telle douleur.
Mon mari n’a rien laissé paraître mais je savais qu’il avait peur. La mort était très présente dans son esprit… Une des premières questions qu’il a posé au personnel médical lorsqu’ils ont emmené Evan : « Est-ce qu’il est vivant ? Nous ne l’avons pas entendu pleurer ? »
« Rassurez-vous monsieur, il a pleuré dans le couloir… »
Je ne pourrais jamais oublier cette phrase qui résonne encore dans ma tête et que le médecin nous répétait lorsque mon mari et moi leur posions des questions sur l’état de santé d’Evan… « Il est stable ». On devait se contenter de cette maigre phrase.
Les infirmières quant à elles se montraient bienveillantes et beaucoup plus humaines.
Pendant ces 2 mois et demi d’hospitalisation, il n’y a pas un jour où je ne suis pas allée voir mon fils… Et le temps où je devais rentrer chez moi, je téléphonais le matin et la nuit aux infirmières pour savoir comment il allait… Certains jours les nouvelles étaient bonnes, d’autres jours ça n’allait pas du tout.
Plusieurs heures après la mise au monde d’Evan, j’ai immédiatement fait du peau à peau avec mon fils et je lui chantais des chansons encore et encore. C’était notre moment à nous, notre seul réconfort… Un jour, il faisait du peau à peau avec son père et le jour d’après c’était avec moi.
On était tellement en osmose qu’Evan oubliait même parfois de respirer quand il était sur moi…
Rien de ce que l’on ne pouvait me dire ne m’a apporté un véritable réconfort… Ma seule et unique obsession était que mon fils soit avec nous dans notre appartement comme ça aurait dû se passer dans mon idéal, c’est tout ce qui comptait à mes yeux.
Toutefois, je me souviens d’une aide-soignante qui m’a prise dans ses bras et qui m’a réconforté alors que je pleurais… Son grand cœur et son humanisme m’ont beaucoup touché.
Surtout, écoutez-vous ! Si vous vous sentez fatiguées, accordez-vous du repos aussi souvent que nécessaire.
Enfermez-vous dans une bulle d’amour et filtrer toutes contrariétés, stress, enfin, tout ce qui pourrait être néfaste pour vous et votre bébé.
Porter la vie n’est pas un acte anodin… Alors faites-vous chouchouter comme des princesses, vous le méritez.
DE Amandine DURAND
Crédit photo : Nathalie Coster pour Maman Vogue