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Témoignage – "Perdre un proche pendant sa grossesse ou quand les sentiments se mélangent…"

 
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Perdre un proche pendant la grossesse : « L’année 2016 devait être la plus belle de ma vie avec l’arrivée de mon fils, mais c’est aussi celle où j’ai perdu mon papa.

Après avoir gardé le secret quelques temps, nous décidons d’annoncer ma grossesse à ma famille le jour de Pâques, quelques jours avant la première échographie. Une surprise accueillie avec joie, le premier petit-enfant allait arriver en novembre ! Mon papa avait hâte d’être grand-père. Il nous glissait de temps à temps des petites phrases anodines « Je ferai ça avec mes petits-enfants » , « Quand je serai grand-père… ». Je revois encore son SMS après la première échographie quand je lui ai dit que tout allait bien « Bonne nouvelle. Reste zen. Bisous ».

Une fois le cap des trois mois franchis, je me dis que ça ne sera que du bonheur, le plus inquiétant étant passé.

La grossesse évolue bien, on apprend que l’on va avoir un petit garçon. Chez moi, nous sommes 4, 4 filles. On a toujours demandé à mon père s’il ne regrettait pas de ne pas avoir eu de garçon, mais je pense que cela lui était égal. Il était heureux d’avoir un petit fils tout comme il aurait été ravi que ça soit une fille.

Le 7 août 2016, je suis dans mon sixième mois de grossesse. Je pars travailler comme d’habitude, je suis de bonne humeur car ce soir je suis en vacances, les dernières que nous sommes censés passer à deux avant l’arrivée de bébé !
Nous avons passé une bonne soirée chez mes parents hier soir et nous avons même dormi là-bas. Aujourd’hui, mes parents partent en excursion avec l’une de mes sœurs et mon mari. On se dit « à ce soir »…

À midi, je n’ai pas de nouvelles. D’habitude, mon amoureux m’envoie un message pour me dire qu’ils sont bien arrivés, mais ça arrive qu’il oublie. Inquiète, je finis par envoyer un SMS à ma sœur, l’imaginant en voyant mon message en train de se moquer de moi et de ma faculté à m’inquiéter pour un rien. Pas de réponse.

Et puis, tout bascule. Mon mari arrive sur mon lieu de travail, je sais qu’il se passe quelque chose, il est censé être à des centaines de kilomètres de là. C’est très net comme souvenir dans ma tête et en même temps surréaliste.

Il me raconte : « Ton papa a fait une crise cardiaque… ».

Je ne comprends pas, il allait très bien ce matin. Je veux aller le voir à l’hôpital, sauf que c’est trop tard ; il n’a pas pu y aller, c’était trop tard. Après c’est plus flou, j’essaie de comprendre comment on en est arrivés là. Ce matin, j’étais une future maman heureuse et me voilà orpheline de père.

Je pense à moi au départ, à ma tristesse de ne plus voir mon papa, puis à ma mère, mes sœurs, mon amoureux et à toute ma famille. Puis, je pense à ce petit bébé en moi. Il ne connaîtra jamais son grand-père maternel. Avec la peine, un sentiment m’envahit, celui de l’injustice pour mon père et mon fils. Pourquoi ? Alors que son papy l’attendait avec une telle impatience… Il n’aura jamais la chance de lui apprendre à faire du vélo ou lui faire manger ses fameuses crêpes. C’était quelqu’un de bien, il aurait dû faire partie de la vie de mon fils.

Le lendemain, une peur m’envahit. Perdre mon père était quelque chose que je n’imaginais pas, que je n’avais jamais envisagée. On se dit que ça arrive chez les autres, mais jamais chez nous. Et si je perdais maintenant mon bébé ? Il doit sentir ce qu’il se passe en moi, et si je faisais une fausse couche ?

Il donne moins de coups de pieds que d’habitude. Je me dis que n’importe quoi peut nous arriver maintenant. Une sage-femme adorable calme mes peurs entre un rendez-vous pour le cimetière et un aller au funérarium. Elle nous fait entendre le cœur du bébé et me rassure, quelques instants de vie dans toute cette tristesse. Il va bien, mais il faut que je me repose aussi.

Perdre un proche : je me dis désormais qu’il faut tenir pour ce petit bébé.

Tout le monde me parle de ma grossesse. Du sexe, du prénom que nous avons choisi… C’est la seule chose joyeuse dans ces instants. Nous révélerons à notre famille que c’est un garçon au funérarium. « Ton père devait être content… ». Ça me rend triste de parler du bébé, toujours ce sentiment d’injustice, de me dire qu’il ne connaîtra pas son grand-père. Je n’arrive plus à me projeter sur sa naissance, sur sa chambre, sur les merveilleux moments qui nous attendent. 

L’enterrement se passe. Ce jour-là, le bébé me donnera beaucoup de coups. Comme s’il voulait me faire sentir qu’il était là. Nous restons ensuite quelques jours en famille pour rester ensemble. Une amie me propose de faire les magasins pour le bébé. Une semaine après un enterrement, peut-on aller faire du shopping ? C’est finalement libératoire. Je dépense beaucoup, mais je pense enfin à l’avenir à trois.

La suite de la grossesse se passe bien malgré tout. Je gère mon deuil et l’arrivée du bébé plutôt bien. Une sage-femme me prévient du risque de dépression post-partum qui peut m’attendre à la naissance. Notre fils arrive avec trois semaines d’avance, à notre plus grande surprise. On lui donne le prénom que nous avions choisi depuis des mois et en second prénom, celui de son grand-père. Un peu comme un hommage.

Le retour chez moi

Mon fils a quand même reçu un cadeau de celui qu’il ne connaîtra pas, probablement le plus précieux des présents. Bizarrement, ce n’est qu’à mon retour à la maison que je réalise que mon père n’est plus là pour me voir devenir une maman et que les larmes arrivent. Ensuite pendant plusieurs semaines, m’occuper de ce petit bébé a accaparé mes pensées, comme si le travail de deuil était en pause.

La fin de mon congé maternité et le fait de laisser mon bébé à une nourrice a réenclenché le processus.

Depuis, il y a des moments avec et d’autre sans. Il y a les premières fois « sans » mais en même temps « avec ». Le premier noël sans mon papa, mais le premier avec mon fils. La première fête des pères sans mon papa, mais la première avec mon mari. Je suis partagée entre la tristesse et la joie.

Et puis je vois ce petit bout, qui change chaque jour, qui arrive à rendre le sourire à toute une famille endeuillée. Je me prépare à lui parler de son grand-père, de comment il était et surtout à quel point il avait hâte de le rencontrer. Même si la vie en a décidé autrement. »

Ludivine

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