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Parce que de nombreuses femmes connaissent cette souffrance silencieuse, ces moments où tout s’écroule, où la Vie ne tient pas, cette culpabilité au coeur de leurs entrailles…
Merci Flore, créatrice et rédactrice du blog que l’on apprécie tant MAMAN LOUVE, de nous partager ce billet si intime et de casser ce tabou autour des fausses-couches.
« Il y a des mots que je ne pensais jamais écrire et pourtant je me suis promis de le faire, quand tout cela irait mieux. Pour toutes les personnes qui vivent ça et pour les autres qui ne comprennent pas forcément cette douleur…
L’été dernier, nous avons fêté les 1 an de notre little G et cela nous est apparu comme une évidence : nous voulions un deuxième enfant. Deux ans d’écart, c’est ce qu’on s’était fixé, c’était parfait. Pour little G, je suis tombée enceinte le premier mois, alors pour ce bébé là, j’ai visé deux mois d’attente et ce fut le cas. Je suis tombée enceinte fin août de l’année dernière, une immense joie que cela re-fonctionne si vite ! Mais, très vite, ce rêve s’est évanoui, en une après-midi, et la prise de sang confirma mon pressentiment : une fausse couche. Quelque chose que je ne pensais, pour être honnête, jamais vivre…
Cela a été très difficile pour moi à accepter et je me suis confondue en excuses auprès de mon amoureux qui n’a évidemment pas compris pourquoi. Ce sentiment ressenti, c’est la culpabilité, elle venait de naître en moi et n’allait malheureusement pas me quitter de si tôt. J’ai pleuré, beaucoup, et puis j’ai relativisé. Comme des personnes de mon entourage ont pu me dire, certes un peu maladroitement, ce ne sont « que des cellules », ce n’était pas un « bébé », ou le fameux « la nature est bien faite ». J’étais enceinte de trois semaines. C’était le début, cela montrait que ça marchait quand même, j’ai décidé de prendre le bon côté des choses, malgré ce premier petit caillou sur notre chemin.
Nous avons beaucoup parlé, nous avons décidé évidemment de ne pas se laisser abattre et que la prochaine serait la bonne. Deux mois plus tard, je retombe enceinte. Nous apprenons ma grossesse lors des attentats de Paris, dans ce contexte si triste et si angoissant, c’est notre petite lumière. Nous nous lançons dans cette nouvelle grossesse avec beaucoup d’entrain, malgré une certaine forme de prudence. Mais celle-ci se passe bien et au bout d’un peu plus d’un mois, nous l’annonçons à nos proches et à little G. Un choix qui s’est imposé à nous car j’ai vécu un début de grossesse vraiment très fatiguant, j’avais du mal à m’occuper de little G et il me voyait malade, donc nous avons préféré lui dire la vérité plutôt qu’il s’inquiète. Mais au bout de deux mois, lors d’une échographie, le cauchemar.
Je l’avais entendu quelques jours auparavant, mais vous le savez, c’est un son dont on ne se lasse pas. Et puis là, la recherche, le silence, le ton grave, la bouche qui se pince et des yeux qui se tournent vers nous avec cet air qui veut tout dire. J’ai brisé ce silence en une question, qui n’en était même pas une : il n’y a plus de cœur ?
La suite s’est enchaînée à une vitesse folle, nous laissant à peine le temps de respirer. Un tourbillon de rendez-vous médicaux pour programmer le curetage, qui aura lieu 2 jours et demi plus tard. Deux jours et demi à pleurer, à ne pas comprendre ce qui a bien pu se passer, à tenter de dissimuler notre peine devant little G, à sentir ma carapace se fissurer et mon coeur se briser. 2 jours et demi à toucher mon ventre et en même temps à ne vouloir qu’une chose : qu’on me le retire et vite.
Cette opération, je l’ai très mal vécu. J’ai beaucoup de colère contre ce système qui veut que l’on vive une aspiration au sein d’une maternité, que l’on fasse le rendez-vous avec l’anesthésiste aux côtés de femmes enceintes de 8 mois dans la salle d’attente, et enfin d’attendre son tour pour passer au bloc en entendant des bébés naître dans les salles voisines. Je vais passer tout cela sous silence car c’est un autre sujet bien trop dense et qui aura sûrement sa place ailleurs que sur le blog…
Les « ce n’était pas un bébé », « la nature est bien faite », ne sont alors plus audibles pour moi qui ai entendu son cœur battre en moi, qui ai vu ses petits bras et jambes, cette vie en construction… Il a fallu alors plier bagages et partir, vite, car je pense que je ne pouvais juste plus communiquer, avec personne ; et les fêtes de noël ont été des plus douloureuses, malgré toute la délicatesse de ma famille que je remercie du fond du cœur.
Nous sommes partis tous les trois, sur un coup de tête, comme ça. Nous avons loué un petit appartement au bord de la mer, je ne voulais que ça : respirer. Et nous avons fêté le nouvel an en amoureux, juste ensemble, c’était si parfait. Après avoir beaucoup parlé et pleuré, on a compté 3-2-1 et on s’est promis que cette année 2016 serait l’année de notre bonheur. De ces quelques jours, j’ai écrit mon billet « Et être heureux », comme une promesse écrite de ce qu’on s’est dit pendant cette parenthèse.
Et puis, et puis, tout reprend son rythme. Ce projet de bébé, rien ne pouvait nous arrêter à le réaliser, malgré la douleur du corps et de l’esprit. Si j’ai souvent douté, mon mari, lui, a toujours cru pour nous deux en ce bébé qui se faisait tant désiré. Et je suis retombée enceinte, 3 mois après mon opération, en mars dernier. Manifestement, notre enthousiasme est à toute épreuve, nous sommes si heureux, il ne peut plus rien nous arriver à présent. Nous avons la trouille au ventre mais on veut y croire. Nous nous trompons, encore une fois… Pour la troisième fois de suite, en si peu de temps… Que se passe-t-il ? Avons nous un problème ? Comment avons-nous pu avoir little G du premier coup et ne plus y arriver.
Et puis, il y a les proches, les gens que l’on croise, que l’on connaît de près ou de loin et qui nous posent sans cesse la même question : « Bon alors c’est pour quand ce deuxième ? Il serait peut-être temps de s’y mettre, là ! » – Et toujours la même déchirure interne et cette colère, juste envie de leur hurler de se mêler de leurs affaires, c’est suffisamment difficile comme ça. On ne sait décidément pas ce qu’il se passe dans un couple, il faudrait peut être faire attention à ne pas être si intrusif… Et toutes ces annonces de grossesse qui foutent un pieux dans le cœur et dont on n’arrive pas à se réjouir. Et au milieu de tout ça, tenir un blog sur la maternité, alors qu’on s’en sent dépossédée. J’ai eu la « chance » de vivre tout cela après avoir eu un enfant, cela m’a aidé à tenir. Little G a été mon soleil, ma raison de me lever chaque matin avec un sourire à toute épreuve, il m’a fait rire, il m’a émue aux larmes. Il est mon tout ; s’il savait comme il a aidé sa maman a gardé espoir de revivre tout ceci un jour.
Faire une fausse couche précoce, c’est avoir quand même eu le temps de faire un projet de vie à 3, à 4 ou à plus, de se projeter ; et c’est ce rêve-là qui se brise en une fraction de seconde, sans comprendre, juste parce que « c’est comme ça ». C’est vivre une épreuve dans son couple, c’est inviter une culpabilité en soi, c’est se demander si son corps est défaillant, c’est se demander si notre maternité est toujours à portée de main, c’est se sentir un peu moins femme. C’est fou, hein, tout ce que ça peut chambouler mine de rien ? Est-ce toujours si banal ?
Faire des fausses couches à répétitions c’est entrer dans un cercle vicieux, c’est se demander s’il y a une issue à tout cela. C’est maudire son corps, incapable de porter la vie. Et c’est se demander qu’est ce que l’on fait de mal. C’est se sentir si seule, si incomprise, dans cette douleur silencieuse. Et c’est baisser les bras tant de fois et rebondir tant de fois.
Après cette troisième fausse couche, c’était trop pour moi, j’ai voulu tout arrêter, incapable d’encaisser encore une fois un échec. J’étais paralysée, je ne pouvais plus avancer et sentir sur moi les regards de « ah, encore une fausse couche, bon on a l’habitude avec elle ». Il y a eu une autopsie de pratiquée sur le fœtus, tout était « normal ». J’ai passé plusieurs examens pour tenter de comprendre si j’avais un problème mais non, tout était parfait, j’ai dû me débrouiller avec un « vous n’avez juste pas de chance ».
J’ai ainsi voulu me battre mais plus de la même manière, j’ai voulu essayer de relayer ce projet en second plan dans mon esprit. C’est ainsi que je me suis lancée à fond dans le travail, j’ai accepté plein de piges, j’ai décidé de créer mon eshop et de continuer mon blog, je me suis surchargée de boulot mais c’était la seule manière de ne plus penser. Mes journées commençaient à 7h pour se terminer à 2h du matin à faire mes colis, je ne pensais plus et je m’amusais à créer les choses dont j’avais toujours rêvé. Je n’ai jamais oublié ce bébé mais je ne voulais plus que cela me fasse souffrir. Et puis, je suis retombée enceinte, et cette fois-ci vous connaissez l’histoire.
Vous comprendrez peut être mieux pourquoi je suis si émue de cette grossesse, même si elle est loin d’être simple dans ma tête ; mais nous y reviendrons plus tard.
Enfin, dans ce billet fleuve qui prend fin, je voulais vraiment dire à toutes les femmes qui vivent une fausse couche, ou plusieurs, de continuer à marcher droit. Bien sûr on flanche, bien sûr on désespère, l’espoir diminue et notre confiance en soi est toute chamboulée, mais ça vaut le coup de s’accrocher fort. Après ma troisième fausse couche, j’ai demandé à ma gynécologue si je faisais bien de continuer ou si je ne devais plutôt pas tout arrêter. C’était sur le pas de sa porte. Elle m’a serré la main fort, m’a regardé droit dans les yeux et m’a dit fermement :
Quel que soit son parcours, les épreuves à passer : ne jamais rien lâcher, le dénouement heureux est là, quelqu’en soit sa forme. Fermer ses oreilles devant toutes les personnes qui peuvent vous blesser, s’entourer des amis les plus fidèles et des proches qui font du bien. Enfin, rester solidaire avec sa moitié et l’écouter aussi, c’est fou comme les hommes peuvent souffrir, souvent plus silencieusement.
C’est le billet le plus douloureux que j’ai eu à écrire mais j’espère qu’il pourra réchauffer le coeur de certaines personnes. Et parce que les fausses couches ne doivent pas être un sujet tabou, je me devais d’abattre une barrière et d’en parler, ici, maintenant. »
*** Flore ***
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