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Nous avons demandé à @madeleine_versailles, interne de Santé Publique à Paris de répondre à quelques questions concernant le Coronavirus Covid-19 :
2 coronavirus ont jusqu’à là entraîné des épidémies graves chez l’Homme : le SRAS-CoV (Syndrome Respiratoire Aigu Sévère-Coronavirus) en 2002-03, et le MERS-CoV (Middle East Respiratory Syndrome-Coronavirus) depuis 2012 (toujours en circulation !). De même que le SRAS-CoV et le MERS-CoV, le Covid-19 a très probablement une origine animale, avec une transmission qui s’est effectuée d’animal à humain. On a beaucoup parlé de la chauve-souris, du serpent, puis plus récemment du pangolin comme vecteur direct, sans certitude absolue. Actuellement, les données épidémiologiques disponibles indiquent que le nouveau coronavirus Covid-19 se transmet de personne à personne. Il est probable que ce coronavirus soit similaire aux autres coronavirus humains, généralement transmis lors de contacts étroits par l’inhalation de gouttelettes infectieuses émises lors d’éternuements ou de toux, ou après un contact avec des surfaces fraîchement contaminées par ces secrétions. Les coronavirus survivent quelques heures dans le milieu extérieur, sur des surfaces inertes sèches. En milieu aqueux, ces virus peuvent survivre plusieurs jours. Il est en revanche très peu probable d’être contaminé par l’ingestion de nourriture (chinoise ou italienne ^^). Les porteurs dits « asymptomatiques » pourraient également être source de contamination, mais dans une moindre mesure que les patients symptomatiques.
En l’état actuel des connaissances, l’incubation – c’est-à-dire le délai entre le contage (la contamination) et l’apparition des symptômes – serait de 2 à 14 jours, avec une période moyenne située entre le 3ème et le 7ème jour.
Le Covid-19 touche en effet également enfants et nouveaux-nés. Une étude chinoise (1) parue le 1er mars recense plus de 230 cas d’enfants contaminés en Chine (dont 3 nouveaux-nés) entre le 20 janvier et le 6 février 2020. Le tableau clinique allait de l’enfant asymptomatique, à un tableau de détresse respiratoire aigüe chez les petits patients présentant de lourdes comorbidités (pathologies cardiaques, malnutrition sévère, pathologies rénales). L’état clinique des 3 nouveaux-nés n’a pas inspiré d’inquiétude. Fait intéressant : la virulence du virus semble moindre chez les enfants que chez les adultes. Et de fait, aucun des (plus de) 230 enfants recensés n’est décédé, alors que la létalité de l’infection est estimée à 2 ou 3% en population adulte selon d’autres études (toutefois, les formes bénignes ou asymptomatiques de la maladie, plus difficiles à détecter, apparaissent fréquentes. Il est de fait très probable que la sévérité de la maladie estimée à partir des données actuellement disponibles soit surestimée).
Je rappelle tout d’abord les symptômes les plus courants d’une infection à Covid-19 : ce sont ceux d’une infection respiratoire aiguë (fièvre, toux, essoufflement), mais des difficultés respiratoires et des complications pulmonaires de type pneumonie sont également décrites. Des symptômes digestifs et oculaires (conjonctivite) ont également été observés chez certains cas confirmés.
Nous sommes actuellement au stade 2 de l’épidémie, c’est-à-dire que nous arrivons encore à retracer les chaînes de contamination (mais pour combien de temps ?).
Dans ce contexte, la notion de « cas possible » prend tout son sens. Est défini comme « cas possible » toute personne présentant des symptômes (dont une fièvre) et ayant voyagé dans une zone à risques (la liste régulièrement actualisée est disponible sur le site de Santé Publique France) dans les 14 jours précédant l’apparition des symptômes, ou bien ayant été en contact étroit avec un cas confirmé (toujours dans les 14 jours précédant les symptômes), ou bien présentant un tableau de pneumonie ou de détresse respiratoire d’étiologie inconnue.
Si votre enfant répond à ces critères, il vous faudra appeler le centre 15, qui vous orientera au mieux selon les capacités d’accueil et les stratégies « du moment » mises en œuvre.
Si votre enfant présente « des symptômes » mais sans répondre à cet ensemble de critères, il est fort probable qu’il ne s’agisse que d’un rhume ou d’une « banale » grippe saisonnière. Je vous orienterais donc chez votre pédiatre ou médecin traitant.
Le Covid-19 est un nouveau virus, les connaissances restent donc parcellaires. Cependant, il n’a jamais été prouvé de transmission in utero pour les précédentes épidémies de SRAS-CoV et MERS-CoV. Il est peu probable que notre Covid-19 se comporte différemment, et que le bébé naisse porteur. Cependant, le fait d’être infectée majore le risque de complications liées à la grossesse. Ainsi, une étude (« review ») américaine parue le 24 février 2020 (2) recense 2 séries de femmes (chinoises) enceintes contaminées : les nouveaux-nés issus de la 1ère série de 9 femmes ne présentaient pas de particularité à la naissance, les scores Apgar (permettant d’évaluer la vitalité et l’état clinique d’un nouveau-né à la naissance) étaient bons ; sur la 2ème série de 9 femmes, il a été noté une détresse fœtale in utero dans 6 cas, et 6 femmes ont accouché avant terme. Le 5 février 2020, de nombreux médias se sont fait l’écho du cas d’un bébé né à Wuhan et testé positif 30 heures après sa naissance, ce qui remettrait en cause l’idée de non-transmission intra-utérine. Ces informations sont toutefois à manipuler avec des pincettes (3) : rappelons en effet que le bébé peut être infecté en per partum, c’est-à-dire au moment de l’accouchement (par l’environnement plus que par le passage par le tractus vaginal, le virus étant respiratoire).
Il est par ailleurs actuellement difficile de dire si le fait d’être enceinte au moment de la contamination majore ou pas la sévérité de la maladie pour la maman.
Encore une fois, voici un nouveau virus dont nous ne connaissons pas les caractéristiques. Il existe des virus excrétés dans le lait maternel (le VIH, par exemple), pour lesquels l’allaitement est déconseillé, sauf mesures spécifiques (couverture antirétrovirale efficace par exemple). Dans le cas du Covid-19, la revue américaine précédemment citée (2) conclut à encourager l’allaitement, pour peu que la mère soit considérée « guérie ». Il est bien entendu nécessaire de suivre les conseils de votre obstétricien/pédiatre, plus à même de se tenir informé de l’actualité et des nouvelles études parues.
En l’absence de vaccin ou de traitement validé, les mesures de protection « phares » sont des mesures hygiéniques simples dites « barrière » : se laver fréquemment les mains et éviter de se toucher le visage (en particulier si le lavage de mains est impossible), tousser ou éternuer dans son coude, utiliser des mouchoirs à usage unique en évitant de les entasser dans sa poche. J’ajouterais : ne pas hésiter à se promener avec un flacon de soluté hydro-alcoolique dans son sac !
Il existe d’autres comportements « de bon sens » pour limiter les chaînes de transmission : éviter ou limiter les poignées de mains/les embrassades entre collègues.
Et évidemment, si l’on héberge une personne particulièrement fragile à domicile (immunodéprimé, personne âgée, personne avec lourdes comorbidités…) : peut-être éviter au maximum les contacts rapprochés avec les jeunes enfants (qui sont des éléments actifs et reconnus des chaînes de transmission).
Le port de masques « préventifs » est actuellement réservé aux professionnels de santé, en première ligne de l’épidémie.
On rappelle les gestes simples de précaution :
Questions-réponses écrites par @madeleine_versailles, interne de Santé Publique à Paris
Sources :
Photo : @AnnaClick