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Nous avons rencontré Soratry il y a quelques années. A l’occasion de notre mois sur les fragilités et le handicap, nous sommes allé prendre des nouvelles et demander des nouvelles de la famille.
Cette maman a toujours trois enfants qui ont maintenant 6, 10 et 12 ans dont une porteur d’un handicap « invisible ». Sa fille d’aujourd’hui 10 ans, Laura, est porteuse du syndrome MED13L, bien trop méconnu en France (@med13l.asso), merci à cette maman pour son témoignage !
Elle s’appelle Laura. Laura a 10 ans. C’est notre 2ème fille.
Ma première grossesse a été idéale. Notre première fille était facile. Et même si on m’avait prévenu que chaque grossesse était différente. Je pensais que la seconde serait tout aussi parfaite. Mais très vite, j’ai déchanté… les premiers mois étaient cauchemardesques, nausées, vomissements, fatigue, hypertension et contractions… J’ai été arrêtée à peine le premier trimestre achevé. Les angoisses ont commencé à arriver. Laura n’était pas un bébé très actif et largement en dessous des courbes de croissance. Plusieurs échographies de contrôle ont été faites. Notre bébé avait un retard de croissance mais en même temps il grandissait et les médecins n’étaient pas inquiets. Je commençais à me dire que j’allais connaître une grande aventure avec Laura… et c’est peu de le dire ! Au milieu de ma grossesse j’ai été hospitalisée pour suspicion de méningite, mise en quarantaine, monitoring tous les jours. J’ai échappé de peu à la ponction lombaire !
Je parlais à mon ventre ! Pour rire, je disais à mon bébé qu’elle m’en faisait déjà voir des vertes et des pas mûres. Puis à une semaine du terme, la sage femme m’a annoncé que Laura n’avait plus suffisamment de liquide amniotique et que comme mon col n’était pas prêt de s’ouvrir, ils allaient « me déclencher ». A ce moment là, mon moral était vraiment au plus bas. Je ne me souviens plus réellement de ce que j’ai bien pu sortir à la sage-femme tellement j’étais dégoutée de ses 8 derniers mois à en baver, à m’angoisser et là je devais digérer que je n’accoucherais pas naturellement… Mais il était hors de question qu’on me déclenche ! La cheffe du service est venue et a estimé que je pouvais rentrer à la maison sans que Laura ne soit en danger. Néanmoins, si je ne commençais pas le travail durant la nuit, je devais revenir aux aurores pour être déclenchée. La sage-femme m’a répété qu’il y avait peu de chance mon col était à 1, tant pis, j’y croyais…
Et sans qu’on s’y attende, Laura est arrivée sans aide médicale cette nuit là !
Un bon bébé de 3,1kg alors qu’elle était estimée a terme a à peine 2kg. J’étais ravie ! Elle était magnifique. Toutes mes angoisses se sont envolées d’un coup. Laura m’épatait et me surprenait déjà. Elle semblait évoluer normalement jusqu’à la diversification qui semblait être une étape compliquée pour elle. Je l’allaitais jusqu’alors. Elle refusait catégoriquement les purées, les compotes, les morceaux, tout sauf le lait maternel. J’ai à nouveau senti mes angoisses revenir. Comme j’avais repris le travail, elle allait à la crèche la journée et refusait de s’alimenter et de boire. Les matins et les soirs je l’allaitais et c’étaient les seuls moments où Laura se nourrissait. J’ai alerté les médecins car cela m’inquiétait énormément. De plus Laura était apathique, sans tonus musculaire. Elle ne cherchait pas à se mouvoir, c’était un bébé très fatigué aussi. Mais personne ne m’écoutait. Il a fallu que Laura perde énormément de poids à ses 9 mois et que le médecin se rende compte qu’elle ne grandissait plus pour tirer la sonnette d’alarme. A partir de là, les examens ont pu commencer…
Laura est porteuse du syndrome MED13L . Elle a été diagnostiquée aux environs de ses 3 ans. Trois ans de bataille pour qu’on ne me traite plus de mère angoissée, 3 ans à contredire les médecins, 3 ans à me trifouiller l’esprit sur les atypies de Laura, 3 ans de détermination pour en finir avec mes doutes… Heureusement, que je n’ai pas abandonné et que je me suis laissée guider par mon instinct. Le généticien nous a expliqué que Laura est porteuse d’une maladie génétique rare. Une anomalie d’un gène qui fait que notre Laura a un retard global de développement, une déficience intellectuelle, des difficultés du langage (dysphasie sévère), d’apprentissage, des troubles de la vision et respiratoire… et la liste se poursuit.
Ce fut un soulagement pour moi. Une énorme claque pour mon mari.
J’avais enfin une réponse à la question que je me posais depuis 3 ans. J’ai eu le sentiment qu’enfin les choses allaient avancer. Mon mari quant à lui se demandait ce qu’on avait mal fait, pourquoi son enfant… Nous avions mis un nom sur la maladie de Laura certes mais le reste était encore à venir. Les paroles du généticien sont ainsi : « Laura a une maladie qui ne se soigne pas avec des médicaments ». On a alors compris que finalement le chemin n’était pas fini. Il avait juste pris un autre tournant…
Laura a 10 ans cette année. Elle est reconnue en situation de handicap à plus de 80%. L’acquisition de la propreté est en cours mais on le sait prendra du temps. Elle commence tout juste à dire certains mots. Ses prises en charge se passaient au CAMSP jusqu’à ses 6 ans et puis nous sommes partis vivre en Guadeloupe pour fuir ce quotidien qui devenait trop oppressant en métropole. Laura a pu faire son CP en dispositif ULIS, mais l’intégration en classe hors du dispositif devenait trop difficile à vivre pour elle. L’inclusion n’est en réalité qu’une illusion. La vie en Outre-mer n’est pas plus douce pour les enfants et parents au quotidien rythmé par le Handicap. Les difficultés sont les mêmes voir plus compliquées car moins de spécialistes. L’attente est aussi longue, voir plus, pour les examens médicaux. Notre couple s’est déchiré, d’autres ont réussi à surmonter les épreuves en étant plus soudés, tandis que pour nous cela nous a fragilisé et la séparation a été inévitable.
Laura comprend très bien les consignes simples mais oralise très peu, nous avions mis en place avec son orthophoniste en métropole, le Makaton (mode de communication utilisant la parole, signes et pictogrammes) pour qu’elle puisse se faire comprendre et gérer au mieux ses frustrations et troubles du comportement. En Guadeloupe, nous avons investi dans une tablette de communication (TD Snap) et Laura arrive à s’exprimer, à faire des phrases grace a ce logiciel de communication. Un traitement a été mise en place (Abilify) pour adoucir les crises d’agressivité de Laura. Cela n’a pas été une étape évidente de médicamenter son enfant. Mais nécessaire pour protéger les autres mais surtout Laura qui commençait à se faire du mal.
Comme l’éducation nationale n’ait pu accueillir Laura, elle a rapidement intégré un IME. Laura bénéficie d’une prise en charge en institut ainsi que d’un temps scolaire adapté. Bien qu’elle y soit bien épanouie. J’ai ressenti beaucoup de colère et de désespoir. Pourquoi Laura ne pouvait-elle pas rester à l’école ordinaire ? Pour quelles raisons les écoles ne sont pas plus formées au Handicap ? Pourquoi mettre les enfants atypiques à l’écart ? Quel avenir pourra t-on lui offrir ? Depuis que le handicap est entré dans notre vie, ce n’est pas évident chaque jour. On tâtonne, on découvre, on (s’) informe, on ressent beaucoup d’injustice, on se heurte à des obstacles, on se lance des défis… Nous sommes également déterminés à faire connaître le MED13L et à contribuer à améliorer le quotidien des personnes en situation de handicap invisible.
On parle d’inclusion mais on se rend compte que la société est loin d’être inclusive. Néanmoins, Laura est une battante. Déjà in utero je savais que cet enfant allait nous étonner. Elle est déterminée à vivre comme les autres, mais finalement ce n’est pas le plus difficile ; le plus dur c’est de vivre parmi les autres tout en étant soi même.
On a souvent droit à des regards inquisiteurs voir des remarques plus ou moins désobligeantes sur le comportement « bizarre » de Laura et ce de la part des enfants comme des adultes. Les petites phrases que l’on connaît bien « enfant capricieuse, qui n’obéit pas, bruyante et mal éduquée ». Ces petites piques qui blessent et qui nous forcent parfois, souvent, à nous justifier. Puis avec du temps, on devient imperméable à ces remarques mais l’on met de la distance entre ces gens et même nos proches.
Et je l’avoue, j’ai souvent pleuré. Pour Laura, je me pose tout un tas de questions sur son présent, son futur. Pour mon ainée, la culpabilité d’être différente avec elle, d’avoir moins de temps pour elle. J’ai pleuré pour mon couple, ce quotidien ça meurtri aussi énormément. J’ai pleuré pour moi, qui ai mis de coté mes ambitions professionnelles et accepté cette nouvelle vie de maman d’enfant différent.
Puis je souris. Je souris énormément (même quand ça ne va plus). Car Laura est forte, on se doit de l’être aussi. Je vois les progrès de Laura, car c’est une victoire sur la maladie. Avec fierté, je vois ses soeurs tellement empathiques, tolérantes. Je suis aussi agréablement surprise de voir son père de nature si réservé, devenir ce papa poule protecteur et combatif à la fois. Je suis fière d’être cette maman qui appréhende la vie différemment.
Laura apprend et nous apprend également au quotidien. Elle m’a insufflé une force que je n’avais surement pas avant. On ne se voit pas sans elle et ses atypies. Laura nous apporte tellement… La différence est une richesse.
Soratry