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« J’ai tout essayé pour y arriver et ça n’a pas marché… J’ai même mis une annonce sur un site sérieux… » me disait récemment une jeune femme. Tandis que, pour certains, la période des fiançailles s’achève avec les beaux jours, d’autres demeurent dans l’attente. Une attente parfois douloureuse… « J’ai fait des neuvaines, des pèlerinages, des soirées, des dîners… rien, toujours rien. C’est à croire que je n’existe pour personne ! »
Tout ce qui se passe avant le mariage le prépare. Il n’y a pas de rupture entre l’avant et l’après. Si l’on considère la problématique depuis l’aval, c’est-à-dire depuis la posture conjugale, on s’aperçoit que, dans le mariage, la personne ne recommence pas ex abrupto une nouvelle vie ; la nature humaine reste ce qu’elle est par-delà l’engagement. Ce n’est pas parce que je me marie que je serai meilleur en cuisine ou en jardinage. Je ne suis pas la bouture d’un cerisier greffée sur un abricotier. Le mariage est une nouvelle manière de continuer la vie, à deux cette fois, en s’appuyant sur les fameux quatre piliers : ouverture à la vie, indissolubilité, fidélité, liberté de consentement. Il s’agit d’être soi-même, par la relation à l’autre, pour devenir un tout en étant deux. La vie conjugale nous apprend que l’essence même de l’amour est don. Je me donne à l’autre et je reçois de l’autre… pour mieux me donner, je lui demande pardon …
A ceux qui aspirent au mariage et se trouvent démunis, je dirais bien volontiers que le mariage est tout ce qu’il y a de plus basique. Que, d’une certaine façon, c’est aussi naturel que de manger, dormir, marcher. Certes, il y a une différence de degré, pour autant l’appel à la vie conjugale est inscrit dans l’ADN de l’homme. Ne faut-il pas que, s’épanouissant mutuellement, les époux procréent ? « Croissez et multipliez-vous » dit Dieu à l’homme (Gn 1, 28). Depuis l’aube de l’humanité, c’est comme ça, avec des hauts et des bas, suivant les aléas du péché dans le cœur de l’Homme.
S’il est essentiel de réaffirmer la grandeur du sacrement de mariage, il faut bien dire qu’il n’est pas réservé à une élite de gens parfaitement équilibrés ou bien sous tous rapports. Se marier, c’est tout sauf insurmontable. C’est même assez simple. Eh oui ! Et cet appel concerne la plupart des êtres humains. Jusque-là, pas de danger. Tout va bien. Il ne faut pas chercher midi à quatorze heures pour construire sa vie à deux sous le regard de Dieu.
Mais alors, comment faire diront certains… Cela fait si longtemps que je prie pour rencontrer celui avec lequel je construirai ma vie… Quelle recette pour se marier ? Commençons par une histoire.
Il était une fois une forêt profonde traversée par des chemins, sentiers et passages d’animaux. Dans cette forêt, deux personnes qui semblaient perdues marchaient, cherchant leur route malgré les branches, les ronces, les culs-de-sac. Chacune avançait dans son coin, seule, sans savoir qu’une autre errait. On voyait bien qu’elles peinaient. Les outils n’étaient pas toujours bien choisis, ce qui occasionnait des retours en arrière. A d’autres moments, la voie était nette : point de doute. En prenant de la hauteur au-dessus du massif boisé, on apercevait les deux êtres qui allaient et venaient, par ici, par là. Et puis, à un moment donné, alors que rien n’était écrit quelques instants avant, ils se sont rencontrés. A deux, ils n’étaient plus perdus, et la forêt avait disparu, miraculeusement. Ils étaient seuls, avec pour toute boussole, la lumière du soleil.
Il a été dit que le don de soi et le don de Dieu sont les deux moteurs de l’amour conjugal et que ces deux réalités ne naissent pas par génération spontanée au moment précis de l’échange des consentements devant l’assemblée et le curé. Toute croissance véritable s’effectue de manière organique, même le chemin de Damas se greffe sur un mystérieux dessein de la Providence. Aussi, la meilleure façon de se préparer à rencontrer son conjoint, c’est de muscler sa capacité à se donner. Passer des heures devant son miroir ou s’évertuer à faire du bodybuilding ou la course aux « fringues » n’est pas la voie royale pour réussir son entrée en matière. Le mariage n’est pas du théâtre où faire son cinéma. C’est même tout le contraire : dans ma pauvreté, je rencontre la pauvreté de l’autre pour qu’à deux nous devenions riches d’un amour débordant autour de nous, par l’accueil des enfants, par l’engagement dans la cité.
Il est une autre manière d’apprendre à se donner, c’est de se donner quand on n’a pas envie, quand le « tout sauf ça » résonne en moi. Bien souvent, le « tout sauf ça » est la marque du démon qui veut m’éloigner du fiat de Notre-Dame. C’est par le oui qu’on entre en paradis. Serait-ce par le non que se fait la damnation ?
Les époux le savent bien, le renoncement à la volonté propre est un élément essentiel de la rencontre véritable avec l’autre. Se détacher de soi pour mieux s’attacher à l’autre. Je connais des couples qui se sont rencontrés parce qu’ils œuvraient ensemble pour des handicapés. S’ils s’étaient croisés lors d’une soirée mondaine, peut-être ne se seraient-ils pas remarqués… En se découvrant dans leur générosité réciproque, ils se sont liés d’amitié et ont fini par découvrir qu’ils avaient besoin l’un de l’autre. En se désappropriant de soi on apprend à ne pas aimer de manière fusionnelle. On ne met pas le « grappin » sur l’autre. Le service des pauvres révèle la véritable beauté, physique et spirituelle.
Pour conclure, Louis et Zélie Martin se sont reconnus en se croisant sur un pont parce que leur cœur était en veille, non pas une veille inquiète, mais un abandon total. Beau programme !
Guillaume d’Alançon