deux.coeursdansuncorps, c’est le récit autobiographique plein d’humour d’une grossesse vue par un homme. L’auteur nous explique ce qui l’a poussé à prendre la parole pour donner la vision masculine de ces 9 mois intenses.
Mes amis ne comprennent pas. Pourquoi écrire sur la grossesse ? Pourquoi exposer ce cadre intime par excellence qu’on aimerait sans doute plutôt garder pour nous ? Quel est ce « sentiment d’urgence »?
Des livres sur la grossesse, il y en a des tonnes. Des conseils, des témoignages. Avant, pendant, après. Beaucoup d’entre eux peuplent notre étagère du salon et relèguent petit à petit Victor Hugo et Harry Potter dans des vieux cartons. Ils sont tous écrits par des femmes, pour des femmes. Vous me direz, normal. Finalement, jusqu’à preuve du contraire, on n’a pas encore vu un homme enceint ou allongé en salle d’accouchement.
Quand je regarde autour de moi, je sens que bon nombre de mes amis ont été bouleversés, surpris, pris de court par ce bouleversement total que peut représenter l’attente d’un enfant. Ils n’avaient pas les codes, ne reconnaissaient plus leur femme, se sentaient seuls et pas au niveau des enjeux.
Les femmes peuvent parler entre elles, se retrouver, échanger pendant des heures sur le sujet, suivre des comptes insta, lire des livres, regarder des émissions de télé, écouter des podcasts, etc. Et c’est génial. Et nouveau. Ma belle mère dit d’ailleurs en rigolant « avec tout ce qu’il y a maintenant pour accompagner les femmes enceintes, ça me donne presque envie de refaire un bébé. »
Mais pour les hommes, rien. Ou presque rien. C’est comme dans les rayons vêtements chez Monoprix. 95% pour les femmes, et un p’tit corner là au fond avec deux jeans et un col roulé en double XL pour les hommes. (Petite précision, malgré ma grosse couvade, je ne rentre pas encore dans ce col roulé).
Mesdames, vous avez un temps d’avance sur nous les hommes. Vous n’avez pas peur d’extérioriser vos émotions, de vous confier à vos copines sur ce qui vous habite, vous effraie, vous énerve.
Nous, on ne fait pas ça. Notre nature masculine nous pousse plutôt à nous recroqueviller sur nous même, à compter sur nos propres forces, à hiberner tel un bon ours des cavernes qui fait le dos rond en attendant le printemps. On a peur d’exposer nos difficultés, peur de passer pour un faible auprès des copains, peur de montrer une faille dans l’armure du bonhomme solide qu’on est ou qu’on rêve d’être.
Voilà donc l’urgence. Parler aux hommes. Et parler aux femmes de ce que ressentent les hommes. Car la grossesse est bien plus qu’une histoire de femme, c’est une histoire de couple. Oui la femme y occupe la place centrale et majeure. Mais l’homme a un rôle clé, ou en tous cas peut jouer ce rôle clé s’il en a conscience. Il peut se mettre au service, et en tirer fierté, reconnaissance publique, accomplissement personnel et même une virilité nouvelle.
Qui suis-je pour écrire un manuel ou un livre de conseils ? Personne.
En revanche, ce que je peux faire, ce que je sais faire, c’est témoigner avec humour de ce que l’on va vivre. De tirer de notre quotidien transformé, de ces situations de vie, des anecdotes et un récit qui permettra de rire simplement de tout ça , de se retrouver dans telle ou telle situation, de pouvoir se dire « ah bah tu vois je ne suis pas fou / folle, y’a pas que moi ! », de démystifier la montagne ou le gouffre que peut représenter une grossesse.
“ Tout passe ”. C’est souvent le leitmotiv des femmes enceintes. Comme un cri de ralliement entre femmes qui souffrent dans leur corps, leur cœur et leur esprit. C’est une phrase qui résonne comme une lueur d’espoir. La lumière au bout du tunnel à laquelle on s’accroche quand tout est sombre.
“ Tout passe “. C’est aussi ce que j’aimerais dire à tous mes confrères. A tous les hommes qui débutent le marathon que représente l’accompagnement quotidien d’une femme enceinte.
Oui, tout passe. Les changements d’humeur, les envies loufoques, les prises de tête absurdes, les coups de fatigues instantanés, le sentiment d’avoir une autre personne à la maison que celle qu’on a épousée.
Oui, tout passe, et tout passe encore mieux si nous, les hommes, nous embrassons cet état nouveau et passager comme une chance extraordinaire de nous déployer, de nous révéler comme des rocs fermes et sensibles pour nos femmes, capables de débrancher le cerveau quand il faut tout comme de le brancher pour deux quand les hormones font la java.
Messieurs, cette grossesse que vous vivez est une chance, votre chance pour éclore comme l’homme solide et aimant dont votre femme a besoin. Saisissez chaque instant, chaque joie, chaque galère, chérissez-les comme autant d’opportunités pour grandir, personnellement et en couple.
La chance d’une vie.
(Illustration de prunelle_creations)