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De cris en chamailleries, de bagarres en disputes, le quotidien d’une fratrie est rarement un long fleuve tranquille… Rassurez-vous, cela arrive dans toutes les familles. Si les relations entre frères et sœurs peuvent être explosives, elles n’en sont pas moins tendres. Finalement, construire une fratrie s’apprend (comme tout le reste). Voici quelques pistes pour vous aider.
Ils font partie du quotidien de toutes les familles. Les conflits font partie de la vie. Cela ne doit donc pas vous alarmer ! Cependant, comme dans la vie d’adulte, le conflit est souvent le révélateur d’un mal être. Il s’agit souvent d’une simple incompréhension et donc d’un problème de compréhension. Parfois cependant, le mal-être exprimé dans une dispute est plus profond. Pou construire une fratrie, il faut apprendre à identifier le problème.
La jalousie est une émotion. Comme toutes les émotions, elle doit pouvoir s’exprimer. Certes, ce concert de plaintes et de revendications met vos nerfs à rude épreuve. N’oublions pas néanmoins que la jalousie peut aussi être saine et structurante. Elle permet au petit de s’apercevoir qu’il n’est pas seul au monde : c’est le début de son intégration dans la société. La jalousie est une expérience formatrice. C’est aussi la façon dont on rencontre l’autre, dont on s’ouvre à lui. Cette émotion secondaire découle de la peur. L’émotion première à écouter et à accueillir est donc cette angoisse en question. Il peut s’agir de la peur de perdre l’attention et l’amour des parents ou de la peur de perdre sa place et son importance dans la famille.
On ne supprime pas la jalousie mais on peut l’atténuer. Votre enfant est unique ! Il a donc besoin d’être reconnu dans ce qui lui est personnel. Soulignez ce qui fait de lui un petit être merveilleux à vos yeux: ses goûts, ses points forts, son caractère.
La comparaison est terrible car elle va à l’encontre de ce dont l’enfant a besoin. Elle le met en compétition pour l’attention de ses parents, le pousse à s’éloigner de ce qu’ils sont vraiment pour obtenir leur approbation et leur amour… Reconnaître que chaque enfant est unique, mettre en acte cela, par exemple, en accordant à chacun un peu de temps exclusif et privilégié, renforce l’individuation de chacun. Chaque enfant a alors le sentiment d’exister et d’être important.
Les liens peuvent d’autant mieux se tisser dans la fratrie que chacun se sent reconnu pour ce qu’il est, assuré dans son identité propre, non menacé sur le plan existentiel. Les parents peuvent mettre alors en évidence la complémentarité et la richesse des différences. Il devient alors possible de réellement construire une fratrie.
La jalousie est un sentiment incontournable ! Il faut éviter de la diaboliser. Au sens étymologique du terme, être jaloux, c’est aussi « admirer l’autre, vouloir l’imiter ». Ce qui montre bien que ce n’est pas qu’un sentiment négatif.
L’essentiel est comme toujours de mettre des mots sur ce qui se passe : « On a bien compris que tu étais jaloux du bébé. » Verbalisez auprès de vos enfants qu’ils sont uniques, irremplaçables et que vous aimez chacun d’entre eux pour ce qu’ils sont. Répétez à l’envi que l’amour se multiplie ! Si l’aîné est jaloux de l’arrivée d’un bébé, prenez le temps de lui expliquer que l’amour que l’on porte à l’un ne se soustrait pas à l’autre… Au contraire, c’est bien parce que les parents aiment immensément leur aîné qu’ils souhaitent ensuite avoir un autre enfant ! Rassurez-le : « Ce que nous faisons pour ton frère, nous l’avons fait aussi pour toi. » Et valorisez-le : « Toi tu as 4 ans, tu parles, c’est si intéressant de pouvoir bavarder avec toi. »
Il n’y a aucun écart d’âge –et tant mieux- qui permette d’éviter cette jalousie entre frères et sœurs. Il s’agit toujours pour un enfant de faire sa place par rapport à l’autre. Cela ne va jamais de soi. Pour apaiser les tensions, il faut renforcer les liens. Quel que soit leur âge, il est en effet important d’entretenir l’affection fraternelle. Même si la complicité ne se commande pas, votre rôle de parent est de créer de la cohésion, du lien affectif entre vos enfants. Encouragez autant que possible la coopération.
N’hésitez pas à suggérer des activités ludiques à faire en famille, des jeux de société, des balades et des visites tous ensemble. Pensez aussi à instaurer des rituels familiaux. Ils ont le même effet ! Encouragez les enfants de faire un cadeau à leur frère et sœur à l’occasion de leur anniversaire, partagez des repas tous ensemble en distribuant la parole à chacun, lancez un applaudissement général lorsque l’un d’eux le mérite, partagez des petits apéros même s’il n’y a rien d’autre à fêter que le plaisir d’être réunis le soir à la maison…
Une des clefs qui permet de construire une fratrie, est d’apprendre à nos enfants à se réjouir les uns pour les autres. Pas toujours facile de regarder sans envie le paquet de bonbon que l’un a rapporté d’un anniversaire… Afin d’encourager les liens à se tisser profondément, apprenez à vos enfants à se réjouir lorsque l’un d’eux a une bonne note, est invité chez un ami, part en voyage scolaire ou a la dernière part du gâteau.
Petit à petit, ils vont apprendre que la vraie joie réside dans la capacité à se réjouir pour les autres. Ils apprendrons également qu’on n’a pas toujours tout en même temps que les autres et c’est une vraie arme pour la vie !
Je vois déjà votre regard ahuri ! Comment ? Les laisser se battre ? Et s’ils se faisaient mal ?
Soyons honnêtes, les petites chamailleries se règlent bien souvent d’elles-mêmes ! Elle sont même parfois bénéfiques car elles permettent aux enfants de s’affirmer, de dialoguer et d’apprendre à gérer leurs conflits en toute autonomie. Laissez-les se débrouiller seuls, dans le cadre de limites pré-établies (on ne s’insulte pas, on ne se tape pas dessus… à chaque famille de mettre le curseur !) C’est en se confrontant les uns aux autres qu’ils vont apprendre à défendre leur position et à sortir naturellement des conflits. Essayez de ne pas devenir leur arbitre ni d’avoir l’œil rivé sur leurs jeux.
En leur apprenant à gérer leurs conflits, vous les armez également contre le harcèlement scolaire. Parce qu’ils sont familiers avec le conflit, qu’ils ont confiance en leur capacité à en sortir seuls, ils sauront se défendre face à un élève harceleur à l’école. Si, dans son mécanisme, l’enfant doit systématiquement faire appel à un adulte pour sortir du conflit, comment aura-t-il les armes pour gérer une situation équivalente à l’école ?
Attention néanmoins: laisser faire ne veut pas dire « ne rien faire ». Votre présence discrète est un élément essentiel dans ce genre de conflits. Vous pouvez entrer dans la pièce dans laquelle les enfants se disputent et en rien dire. Ou simplement commenter en renouvelant votre confiance: « je sais que vous allez trouver la bonne solution pour sortir de cette situation ». Ainsi, vos enfants ne sont pas livrés à eux mêmes et ils savent qu’ils pourront ensuite venir vous parler de l’évènement si cela leur est nécessaire.
Veillez, cependant, à ce qu’aucun d’eux ne soit constamment la cible de taquineries, de dénigrements ou de violence physique de la part de son frère ou de sa sœur. Quant à la rengaine du cadet « Lui, il peut le faire, pourquoi pas moi ? », il faut l’accueillir avec empathie. « Eh oui, ce n’est vraiment pas drôle d’être encore petit. Quand est-ce que tu crois que tu pourras le faire toi aussi ? »
Si la dispute dure quand même et que les cris montent trop vous pouvez décider d’intervenir pour faire baisser la pression (et sauver vos relations de voisinage). Demandez le silence et faites-leur expliquer où est le problème. Chaque participant à la dispute doit pouvoir s’exprimer sans être interrompu. Puis apprenez-leur à résoudre le conflit : « Comment on pourrait faire pour que chacun de vous soit satisfait ? » Souvent, les enfants trouvent eux-mêmes les solutions. S’ils n’y parviennent pas, soufflez-leur des issues: «Vous avez toujours l’impression que c’est l’autre qui a la plus grosse part de gâteau ? On n’a qu’à dire que l’un de vous coupe et que l’autre choisit, qu’en pensez-vous ? » Essayez par tous les moyens de ne pas prendre parti pour l’un ou pour l’autre. Nos cœurs de mamans ont bien souvent tendance à vouloir protéger les plus petits mais cela ne facilite pas la place de l’aîné !
Ecoutez leurs émotions : cela permet d’exprimer une partie de la colère, de la tristesse ou de la peur à la source du conflit. Quand la tension est relâchée, le réservoir émotionnel se vide et on est plus ouvert, plus serein pour résoudre le problème…
Ce processus demande à l’enfant de se mettre à l’écoute de l’autre sans l’interrompre : pas si simple ! Il faut du temps pour acquérir petit à petit cette compétence et beaucoup de patience du parent pour la faire respecter. Expliquez leur l’importance de s’écouter les uns les autres. Les besoins de chacun seront alors identifiés et ils constitueront la base pour trouver une solution.
Les enfants pourront ainsi comprendre qu’il existe toujours une ou plusieurs solutions face à des situations qu’ils estiment pourtant bloquées. La solution doit tenir compte de tous, concilier les intérêts de chacun sans attendre que l’un d’eux se sacrifie. Cela peut prendre un certain temps, mais c’est très satisfaisant pour eux de trouver des solutions ensemble et de se sentir reliés les uns aux autres.
Cette dernière étape est donc celle où chacun va essayer de trouver des solutions (même si elles sont fantaisistes) puis éliminer petit à petit celles qui ne sont pas réalisables ou pas acceptables par toutes les parties. Il restera alors à choisir une solution parmi celles qui restent ou à trouver un compromis. N’oubliez pas non plus de demander à vos enfants de se dire mutuellement pardon, c’est important.
Leur servir la même portion de frites, les coucher tous à la même heure, leur offrir le même nombre de cadeaux… Si c’était la clé de l’harmonie entre frères et sœurs, cela se saurait ! Malheureusement, ça ne fonctionne pas comme ça. Et l’égalité ne fait absolument pas l’équité. Ce n’est pas la quantité qui importe, c’est la qualité du lien, de l’échange, de l’attention, de la présence, de la disponibilité, de la bienveillance. La qualité de ce que nous leur offrons.
Vos enfants n’ont pas le même âge, ni les mêmes goûts, ni les mêmes besoins. « Le tout-égalitaire est un leurre et un évitement » observe Isabelle Filliozat. « On ne cherche pas à rendre nos enfants heureux mais à éviter d’avoir à gérer leurs affrontements…. » Nous pouvons être justes sans pour autant être obligés de considérer nos enfants de manière uniforme. Il est impossible de tout répartir de façon égale. Expliquez à vos enfants que ce sera parfois le tour de l’un d’avoir quelque chose et, parfois, le tour de l’autre ! Il faut cesser de croire en l’égalité dans la fratrie. Aucun enfant ne représente la même chose pour ses parents… mais différences ne veut pas dire préférences. Chaque enfant est singulier et c’est bien cette singularité qu’il est essentiel de faire valoir, sans y porter de jugement de valeur, sans y mettre de la concurrence.
La complicité n’est pas non plus innée, elle s’invente, elle se créée. Elle dépend de l’ambiance dans la famille et des affinités dans la fratrie. La complicité est comme l’amour, elle ne se commande pas. Par contre, quand une haine destructrice s’instaure entre enfants, que l’un des deux s’emploie à écraser ou humilier l’autre, il y a de quoi s’inquiéter. Cela est souvent lié à un événement dans la fratrie ou dans la famille, comme une maladie ou un accident. Si l’un des enfants a l’impression que l’autre prend toute la place, il peut très mal le vivre. Dans ces cas-là, il peut être utile de consulter pour dénouer la situation. En revanche, quand les enfants mettent en place une belle complicité qui peut résister au temps, la fratrie, devenue fraternité, représente alors un lieu sécurisant et réconfortant.
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