Avec le télétravail, nous, parents, avons gagné la souplesse qui permet de lancer une machine entre deux appels ou de préparer le dîner du soir pendant ce qui était notre pause-café. Mais nous avons aussi le nez devant la pile de linge à repasser, les moutons de poussière qui nous narguent et les jeux qui traînent.
La tentation est grande d’en faire un peu dès qu’on peut, de passer le petit coup de fil à l’assurance maladie qui attend depuis des semaines, de gérer le prochain drive entre deux tableurs Excel. Le télétravail apporte une flexibilité bienvenue dans les quotidiens très speeds des parents d’aujourd’hui. Néanmoins, la frontière entre le pro et le perso devient de plus en plus poreuse. Le télétravail peut rendre encore plus oppressante l’injonction à tout bien faire puisqu’on n’a « plus que ça à faire » – confinement oblige – et qu’on a plus d’occasions de faire puisque nous sommes sur place…
Comment faire pour maintenir un équilibre et éviter le burn-out ?
-
Marquez la rupture entre le professionnel et le personnel : par exemple, aménagez-vous un espace dédié au travail. Ce n’est pas toujours très compliqué. Personnellement, j’ai installé une table de 1m par 1m dans la chambre de notre bébé qui va à la crèche. Ou bien sortez marcher quelques minutes avant de vous mettre au travail (avec votre attestation) pour déposer vos enfants ou faire le tour du pâté de maisons. Le but est de re-passer le pas de votre porte pour activer le mode travail.
- Décidez une ou deux choses MAX que vous voulez accomplir par jour dans le pro et le perso et c’est tout. Pour résister à la tentation d’essayer de tout faire et de vous décourager rapidement, ce qui est mauvais pour votre motivation à venir, sélectionnez des objectifs précis et en nombre limité. Aujourd’hui, je lis telle étude pour rédiger telle note que mes collègues attendent. Et je remets tous les jeux à leur juste place après le week-end. C’est tout. Entre nous, vous allez aussi préparer les repas, donner les bains, habiller et rhabiller, ranger les manteaux et les chaussures et nettoyer derrière tout le monde ; mais surtout vous vous rappellerez que vos objectifs sont atteints.
- Trouvez votre source de motivation et le moment qui y est attaché, sacralisez-le, voire planifiez-le dans votre agenda professionnel. Certains ont besoin de méditer, d’autres de marcher ou de parler. Vous pouvez appeler un collègue avec qui vous partagez un café virtuel pour vous booster, choisir de faire une vraie pause goûter sans téléphone ni ordinateur. Vous pouvez prendre un moment de lecture, 20 minutes pour faire du piano… Ciblez à quel moment vous viennent des pensées constructives ou des idées, c’est cela qui vous redonnera de l’énergie et de la créativité pour le reste.
- Arrêter de vous excuser d’avoir une famille, c’est ok ! Bienfait de la pandémie – s’il en est – nous avons redécouvert que nos collègues sont avant tout des personnes. Nous avons vu/entendu des chiens, des enfants, des conjoints, des voisins, des marteaux-piqueurs…la vie s’est immiscée naturellement dans nos réunions de travail. Si vous êtes de la team culpabilité (de partir tôt, de faire du 80/20, de ne pas être disponible autant que vous le voudriez, d’avoir l’esprit occupé par les enfants alors que vous êtes au boulot,…) c’est le bon moment pour lui flanquer une énorme gifle. Vous avez une famille, et alors ?
- Arrêtez de vous excuser d’avoir un travail, c’est ok ! Non, vous ne pouvez pas étendre le linge et appeler les impôts « puisque vous êtes en télétravail ». Vos enfants étaient habillés proprement avant le confinement c’est le signal que vous arriviez très bien à laver votre linge avant le télétravail. Alors pourquoi devriez-vous subitement rogner sur votre temps de travail pour gérer la maison ? Rien ne vous y oblige. Si cela vous arrange, tant mieux. Si cela vous déconcentre, continuez à séparer les variables comme lorsque vous êtes loin de chez vous toute la journée : c’est ok !
- Soyez à ce que vous faites – au moment présent. La frontière disparait progressivement entre le pro et le perso, libre à vous de la maintenir le plus possible. Lorsque vous êtes avec les enfants, vous n’êtes pas en train de répondre à un email et inversement lorsque vous travaillez, vous ne jouez pas aux Playmobil. A faire trop à la fois, le risque est de s’épuiser mentalement et de faire moins bien. Mieux vaut choisir la qualité que la quantité.
- Connaissez-vous l’expression en anglais « Manage expectations » ? Gérer les attentes. Tenir ses engagements au boulot est aussi important que tenir ses promesses à son conjoint ou à ses enfants. Le dénominateur commun sur lequel vous avez peut-être un peu de contrôle est précisément : quel engagement prenez vous ? Quelle promesse ? Parlez des horaires de travail avec votre boss ou votre équipe, établissez un cadre clair. Oui, vous ferez votre maximum mais non, vous ne serez pas joignable entre 5h et 8h. Oui, votre ordi ne sera pas loin mais non, vous ne l’allumerez pas. Toute demande légitime et formulée avec politesse et compréhension des besoins de l’autre est acceptable. Pareil avec vos enfants : oui, vous pourrez les aider à leur exposé d’histoire mais à vos conditions. Tout est question de mettre la barre des attentes au juste niveau. Le juste niveau est le plus sécurisé, celui que vous êtes le plus sûr d’atteindre pour éviter déceptions et frustrations.
- Accepter vos émotions : les événements et les nouvelles du monde sont bouleversants. La pandémie a balayé nos projets et parfois certaines de nos certitudes. Dans ces circonstances, nous ne pouvons plus faire de plans et nous avançons en pilote automatique selon un rythme boulot-dodo sans métro. Tout le monde le dit : la période est difficile, le monde va mal alors pourquoi cherchons-nous à être proportionnellement résistants ? Qui nous a dit que nous devions être forts et serrer les dents en silence ? Ne faites pas la cocotte-minute, accueillez et acceptez vos émotions telles qu’elles viennent. Faites preuve de bienveillance envers vous-mêmes. Certes, vous ne pouvez pas passer votre temps à vous morfondre. Certes, nous, parents, avons une responsabilité de soutien de nos enfants, nous ne voulons par leur transmettre nos angoisses. Cependant, nous sommes aussi humains et vulnérables. Nous passons par des phases et nos émotions en sont les signaux forts. Vous avez le droit d’être en colère, de pleurer, de ne pas avoir le moral. Laissez ces émotions sortir petit à petit, sans attendre le point de non-retour où vous utilisez les autres comme « poubelles à émotions ».
-
Veillez l’un sur l’autre : être un couple en télétravail/confinement, ce n’est pas uniquement se partager la journée de travail, la charge mentale et la gestion de la maison. C’est aussi partager ses pensées, ses émotions, ses hauts et ses bas. Soyez encore plus attentifs l’un à l’autre pour vous soutenir, vous supplanter, célébrer les hauts et accompagner les bas.
-
Aménagez une place pour le plaisir : qu’on le veuille ou non, qu’on le vive bien ou non, ce confinement a lieu et personne ne sait encore quand il se terminera. Notre contrôle (partiel) se limite à notre façon de l’accueillir et de le vivre. Vous pouvez décider de laisser une place au plaisir. Cela peut passer par n’importe quel canal : une discussion avec une amie, un jeu de société, une danse défouloir, un épisode d’une série, un jogging, un bon gâteau, un bain chaud,…Si vous avez enchaîné une journée compliquée, que vous vous sentez à bout et qu’il vous reste le linge à étendre, la maison à ranger, repoussez un peu ces tâches et faites-vous du bien !
- Renoncez…à être Mary Poppins et l’employée du mois, à maintenir un partage des tâches parfaitement équilibré avec votre conjoint(e), à vivre dans une publicité Cyrillus, à mener à bien des projets que vous n’avez jamais concrétisés (le fameux album photo…), à être présente pour tout le monde,…Acceptez que gérer votre job, votre maison et ses occupants dans une époque qui siphonne nos ressources psychologiques, c’est déjà être une héroïne/un héros des temps modernes !
Photo : Virginie Hamon pour Maman Vogue