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Enceinte, je me suis sentie très suivie, presque surveillée parfois. Ma mère, mes amies, mes sœurs, mon conjoint, tout le monde était aux petits soins et me demandait des nouvelles en permanence. Les RDVs médicaux se sont enchainés si bien que je sentais que les choses étaient sous contrôle. Entre les sages-femmes, les gynécologues, l’anesthésiste, l’osthéo et autres confrères, je me sentais entourée, privilégiée. Puis, j’ai accouché…
L’attention s’est déplacée vers mon bébé; la mienne aussi. Sa prise de poids, ses tétées, les ressemblances, son sommeil, ses régurgitations, … autant de questions qui semblaient d’un coup passionner la terre entière. Pour ce qui est de moi, c’est une tout autre affaire…
Les premières semaines, je me suis sentie extraordinairement seule. Apres avoir été le centre de l’attention, la chute m’a semblé vertigineuse. D’un coup, nous passons du stade où nous ne pouvions pas faire grand-chose de plus qu’aller bien et prendre soin de nous au stade abnégation à 3000%, 24h/24 et cela, sans transition. Notre corps qui semblait fonctionner en mode pilote automatique pour faire grandir un petit être se met à lâcher de tous les côtés. Entre la descente hormonale, la chute de cheveux, les pertes diverses et variées, les douleurs multiples et l’allaitement qui n’est pas si naturel que ça, notre résistance physique est de nouveau mise à rude épreuve. Paradoxalement, nous sommes bien plus suivies pendant la grossesse qu’en post partum.
Pendant cette période délicate, Il n’y a qu’un rendez-vous médical. Nous étions régulièrement pesées, suivies, interrogées puis plus rien pendant 6 longues semaines. Un unique rendez-vous censé vérifier que les organes se remettent en place, que les cycles reprennent, que le périnée a dû travailler et que les cicatrices se sont atténuées. Un unique rendez-vous pour parler poitrine et s’assurer que l’allaitement est en place (ce qui représente souvent la seule source d’alimentation du bébé et un vecteur de lien d’attachement puissant pour l’enfant). Un unique rendez-vous qui pour certaines, reste la seule occasion de déceler une détresse psychologique. En 6 semaines, il se passe biologiquement et psychologiquement tellement de choses. Comment est-il possible qu’un tel bouleversement passe à la trappe? Les multiples bouquins qui expliquent la grossesse ne s’attardent que très peu sur le post partum. Les jeunes mamans vulnérables sont les grandes oubliées. Dès que le bébé est là, la maman n’intéresse plus vraiment. Je me souviens m’être sentie un peu comme un four qu’on avait bichonné pour faire cuire un gâteau puis qu’on laissait tel quel venu le moment de déguster.
Le post partum est le grand oublié du parcours de soin lié à la procréation. Cet oubli renvoie l’impression qu’il ne compte pas. Que la maman en post partum ne compte plus, que seul l’enfant a de l’importance. Cet oubli nie les besoins des femmes, les force à taire leurs difficultés, à les vivre comme honteuses puisque personne n’en parle. Cet oubli alimente les craintes des nouvelles mamans qui ne savent pas quoi penser des manifestations de leur propre corps. Cet oubli génère de très graves situations d’angoisse et de désespoir qui mal accompagnées, peuvent laisser des dommages individuels et relationnels importants.
Lever le voile sur la réalité du post partum est un premier pas important mais au-delà de la sororité, les professionnels de la santé peuvent aussi s’emparer du sujet.