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Témoignage naissance : Mon mari et moi avons d’abord eu une petite fille, Blandine, dont l’accouchement s’est bien passé, si ce n’est qu’elle a dû être réanimée à la naissance car la délivrance avait duré trop longtemps et qu’elle supportait mal mes contractions.
Quand Blandine a eu 10 mois, je suis tombée enceinte de notre deuxième enfant. Blandine étant d’une nature hypersensible et ne contrôlant pas du tout ses émotions, nous avons vécu une grossesse assez difficile car, au fur et à mesure que le temps passait, notre fille faisait des crises de nerfs de plus en plus impressionnantes (qui pouvaient durer plusieurs heures sans interruption, notamment la nuit). N’importe quelle petite chose anodine (et même parfois sans cause apparente) pouvait déclencher une de ces crises. Elle tapait, poussait des hurlements suraiguës, griffait, se cognait la tête sur tout ce qu’elle pouvait et allait même jusqu’à s’arracher des poignées de cheveux.
Je vous raconte cela car cette situation a largement participé à l’épreuve que nous avons vécue à la naissance de Jérôme. La veille de mon accouchement, j’ai commencé à avoir des contractions régulières mais pas vraiment douloureuses. J’ai passé ma soirée à faire du repassage pour encourager le travail (nous étions à 10 jours du terme). Je suis allée me coucher et j’ai très peu dormi car les contractions continuaient. Si bien qu’à 3h du matin, j’ai réveillé mon mari et je lui ai demandé de m’emmener à la maternité. Nous avons réveillé Blandine et sommes partis à l’hôpital où l’on m’a fait un examen qui a confirmé que j’étais en pré-travail. Les sages femmes m’ont dit de rentrer à la maison, de marcher et de monter et descendre les escaliers.
Nous sommes donc partis déposer Blandine chez mes beaux parents et sommes rentrés à la maison. Entre temps, le pré-travail est devenu plus irrégulier, le personnel médical nous a dit de retourner nous promener et de revenir vers 15h. Enfin, quand nous sommes revenus, ils m’ont dit qu’ils me gardaient et qu’ils allaient accélérer le processus en rompant ma poche des eaux. Aussitôt dit, aussitôt fait…
Mais peine perdue, le travail ne s’accéléra pas. On décida donc de m’injecter de l’ocytocine, et de me poser la péridurale. Le travail ne s’accélérant pas vraiment, on me fit une autre injection d’ocytocine. Et là, le travail se mit à devenir violent, d’un coup. La sage-femme était partie, pensant probablement revenir une heure plus tard, mais mon mari courut la chercher car je hurlais de douleur. Quand elle revînt, elle constata que j’étais passée d’une dilatation de 5 à une dilatation de 9 en 15 minutes à peine.
Tout le monde s’installa, tandis que je criais à chaque contraction (j’en avais d’ailleurs honte et m’en excusais entre deux contractions). La péridurale était totalement inefficace, elle n’avait pas le temps d’agir car le travail était trop rapide. Mon mari me soutenait et m’encourageait comme un vrai coach, mais je sentais bien qu’il était chamboulé. Enfin, on me dit de pousser, et en 3 fois seulement j’eu mon bébé dans les bras. J’étais tellement heureuse que je ne pensai même pas à regarder si c’était une fille ou un garçon, c’est mon mari qui me le dit, tout ému.
Nous étions très heureux, mais une chose me gênait. J’avais l’impression que mon bébé était un peu bleu, et je ne me souvenais pas que Blandine avait été comme ça. Au moment où l’on nous installa dans ma chambre, je posais la question à une infirmière qui me rassura gentiment en me disant qu’un bébé qui vient de naître a du mal à se réchauffer et que son sang se concentre donc vers le cœur. Rassurée, je me dis que je devais m’inquiéter pour rien.
Cependant, pendant la nuit et la matinée qui suivirent, je remarquai que notre petit Jérôme pleurait beaucoup, qu’il devenait violet quand il hurlait et qu’il n’y avait que dans mes bras qu’il retrouvait son calme (mais qu’il gardait une couleur pâle et bleutée). J’étais dans une chambre double avec une jeune maman qui venait d’avoir son premier bébé, et je trouvais aussi que mon bébé n’avait pas la même couleur que le sien. Pendant cette matinée, mon mari vînt me voir avec Blandine afin qu’elle fasse la connaissance de son petit frère. Le moment était émouvant et Blandine semblait contente de faire la connaissance de Jérôme.
Tandis que nous étions ensemble, une élève puéricultrice vînt me voir. Je saisis cette occasion pour lui demander à nouveau si la couleur de mon bébé était normale. Je tenais Jérôme dans les bras et elle me répondit que je devais le tenir un peu trop serré. Cette réponse me parût étrange mais si elle ne s’inquiétait pas, je ne devais probablement pas avoir de raison de m’inquiéter non plus. Mon mari ne s’attarda pas, il était à bout car il avait dû récupérer Blandine pendant la nuit étant donné qu’elle ne cessait de hurler et que ma belle-mère était totalement impuissante face à cela. Il s’en alla en me disant qu’ils reviendraient tous les deux dans l’après-midi.
Un peu plus tard, en début d’après-midi, je décidai d’emmener Jérôme à la nurserie pour le changer. Alors que je traversai le couloir en poussant le lit de mon bébé, une femme en blouse passa près de moi et jeta machinalement un coup d’œil vers mon petit garçon. D’un coup elle m’arrête et me dit « oh, il a une drôle de couleur votre bébé ! », elle me dit rapidement qu’elle était puéricultrice et qu’elle voulait examiner Jérôme. Elle le prit donc et l’emmena dans une pièce tout en appelant des infirmières. Je la suivis, un peu hébétée, ne comprenant pas ce qu’il se passait, et si je devais m’inquiéter.
Elle entra dans une pièce, plaça mon bébé avec l’aide de 2 infirmières dans une sorte de machine, et ensemble elles le branchèrent à tout un tas de fils puis lui mirent un masque sur le visage. J’entendis des mots barbares comme « il est complètement cyanosé », « sa sat est beaucoup trop basse », «il n’arrive pas à s’oxygéner ».
La conversation continuait : « son taux d’oxygène ne remonte pas, allez mon bébé, remonte… » puis la phrase qui me fit l’effet d’un coup de poing : « appelle le pédiatre de toute urgence ! ». Les 3 femmes s’activaient pour s’occuper de mon bébé au mieux. Finalement, l’une d’elle se tourna vers moi et me dit : « votre bébé n’arrive pas à s’oxygéner pour une raison que l’on ignore, c’est pour ça qu’il était bleu, le problème a été pris en charge un peu tard mais maintenant ça va aller ».
Le pédiatre arriva, il donna la consigne de monter notre petit Jérôme en réa-néonat. Moi j’étais derrière, loin de mon bébé, je me sentais impuissante et morte de peur. Ils sont entrés dans une petite pièce et m’ont demandé d’attendre dehors. Ils étaient 4 à s’occuper de Jérôme à l’intérieur, et moi j’attendais sur un banc de l’autre côté de la porte. Après un laps de temps qui me parût interminable (comme toute cette journée en fait) le pédiatre me fît entrer et m’expliqua qu’il devait faire des radios pour comprendre ce qui faisait que Jérôme était autant en manque d’oxygène.
Pendant ce temps là je devais être patiente, alors je sorti de la maternité et je me mis à fumer cigarette sur cigarette pour essayer de calmer mes nerfs. A ce moment, une de mes amies, qui est infirmière, arriva pour venir voir Jérôme. Quand je la vis dans la rue, je ne pouvais plus résister plus longtemps, je fondis en larmes dans ses bras. Je lui expliquai ce qui venait de se passer et elle me rassura tant bien que mal. Elle m’accompagna jusqu’à l’étage de la réa-néonat et attendit avec moi. Finalement, le pédiatre me dit de le suivre et il m’expliqua rapidement que Jérôme avait fait un pneumothorax, et que maintenant ça devrait aller. Il ajouta qu’il nous expliquerait tout cela quand mon mari serait arrivé.
Mon mari, que j’avais prévenu, arriva après avoir confié à nouveau notre fille à ses parents, et me réconforta. Il était probablement aussi inquiet que moi mais il gardait son calme, ce qui me donnait du courage. Plus tard, le pédiatre nous fit venir dans son bureau et nous expliqua ce qu’était un pneumothorax, à savoir un décollement du poumon qui fait que celui-ci est collabé (autrement dit qu’il ne se gonfle plus d’air et qu’il ne fonctionne donc pas) et qu’une poche d’air s’était formée entre la cage thoracique et le poumon (empêchant le poumon de se recoller à la paroi).
Il nous informa que cette situation nécessitait des soins intensifs que cette maternité de niveau 2 ne fournissait pas, et qu’il fallait donc transférer en urgence Jérôme dans un autre hôpital. Il nous rassura en nous disant que chez les bébés, le pneumothorax se remettait le plus souvent de lui-même et que tout devrait bien se passer maintenant que le nôtre était pris en charge.
L’hôpital fit donc venir une ambulance pour transporter notre bébé dans un hôpital au sud de Paris. Il y avait un médecin à bord, en charge du transport, et elle dit à notre pédiatre qu’il y avait une maternité de niveau 3 bien plus près de chez nous (nous habitions Asnières-sur-Seine donc au nord ouest de Paris) et que ce serait plus simple pour nous de rendre visite à notre petit garçon. Elle téléphona donc à cet hôpital et il leur restait une place disponible pour Jérôme. C’était mieux également car il fallait que le voyage soit le moins long possible et le moins chaotique pour ne pas mettre le bébé en danger, et cet hôpital situé à Argenteuil était moins loin.
Je ne pouvais plus rester près de mon bébé, je devais patienter, et mon mari était à nouveau parti chercher notre fille pour la ramener à la maison. Au bout d’un moment, je décidai de retourner fumer (j’ai dû fumer 2 paquets en une seule après-midi ce jour là…) et en arrivant à l’ascenseur, je tombai nez à nez avec… Les ambulanciers qui déplaçaient la couveuse dans laquelle se trouvait Jérôme. Ils tentaient de la faire rentrer dans l’ascenseur, et je les entendais dire « attention, ça coince, vas-y doucement il ne faut pas que la couveuse soit secouée » ou des phrases du même genre, et moi j’avais envie de leur dire « c’est mon bébé ! ».
C’est un peu bête, mais tout le monde regardait cette couveuse passer, et les ambulanciers en parlaient et moi j’étais juste à côté mais c’était comme ci je n’existais pas. Je me sentais dépossédée de mon enfant.
Puis plus rien, le vide… le retour dans ma chambre, sans bébé, sans rien à faire, ni personne à câliner. La jeune femme avec qui je partageais la chambre et son mari me demandèrent gentiment ce qui se passait, je leur expliquai, leur fit un sourire en disant que ça allait, les complimentais sur leur beau bébé, puis je retournais à mon lit, caché par un paravent, et je pleurais en silence pour qu’ils ne m’entendent pas. A l’angoisse que j’avais ressentie jusqu’alors s’ajouta un fort sentiment d’inutilité. Etre dans une maternité sans bébé, c’était un peu comme être le joueur d’un match de tennis sans raquette. Je n’avais rien d’autre à faire que ressasser l’après-midi que je venais de passer.
Le lendemain matin, n’ayant rien à faire, je suis descendue et je me suis baladée au rez-de-chaussée de la maternité, c’est comme ça que je suis tombée sur une infirmière qui faisait les consultations de maternité et que j’avais vue plusieurs fois, notamment avec l’amie infirmière dont je parlais précédemment (elles avaient travaillé ensemble pendant un certain temps). Cette infirmière adorable me fit venir au bureau des infirmières pour prendre un café et un croissant avec elle et ses collègues, et nous avons discuté de la situation de Jérôme, elles m’ont rassurée et remonté le moral. Je n’oublierai jamais leur gentillesse.
Puis, mon mari est venu, ensemble nous avons demandé ma sortie de l’hôpital (j’avais accouché depuis à peine plus de 36h) et cela fût accepté à la condition qu’une sage-femme vienne me voir 2 jours plus tard pour s’assurer que tout allait bien. La chef de service est venue nous voir pour savoir comment le personnel médical avait pu passer à côté de la maladie de Jérôme. Elle nous expliqua que la première réponse qui nous avait été donnée était exacte, mais que l’élève puéricultrice à qui nous en avions parlé ensuite n’aurait jamais dû nous répondre cela. Je ne me souvenais pas qui était exactement cette personne (j’ai vu passer plusieurs personnes et quasiment que des élèves).
Je n’en veux pas du tout à cette jeune femme, j’ai fait des erreurs dans mon travail et je trouve que le personnel médical est bien courageux de faire face à de telles responsabilités. J’espère qu’elle a pu continuer sa formation et je suppose qu’elle en aura tiré les leçons. Nous sommes ensuite allés déclarer la naissance de Jérôme à la Mairie. L’officier d’état civil fût assez surpris de voir le papa et la maman arriver… Les mamans n’étant jamais sorties de la maternité habituellement !
A la maison, ce fût une petite vision de l’enfer. Blandine, qui devait ressentir notre angoisse et qui ne comprenait pas pourquoi elle n’avait pas le petit frère qu’on lui avait promis, faisait crises sur crises. Nous l’avons déposée une fois de plus chez mes beaux-parents et sommes allés voir Jérôme. Il était dans un box fermé avec un autre bébé, grand prématuré (une petite fille qui devait faire 2kg et quelques et qui était là depuis 2 mois si mes souvenirs sont bons). Il avait des fils partout et une infirmière très gentille nous expliqua à quoi servaient les machines, pourquoi elle bipaient… Et ce que signifiaient toutes ces choses.
Il y avait la sonde gastrique pour le nourrir car cela lui demandait trop d’efforts de se nourrir seul, la perfusion de doliprane pour calmer la douleur (car le pneumothorax est apparemment très douloureux), et tout ce qui servait à connaître son rythme cardiaque, sa saturation, etc.
Nous avons été rassurés, les infirmières nous parlaient de Jérôme en disant « notre gros bébé » car elles étaient plutôt habituées à des crevettes prématurées de moins de 2kg qu’à un bébé de 3kg100. Cela m’a permis de relativiser de voir ces bébés dont les parents devaient attendre plusieurs mois avant de pouvoir enfin les ramener chez eux ! Et le personnel hospitalier à été merveilleux. Nous pouvions prendre des nouvelles de Jérôme et venir le voir jour et nuit… Eet je sentais bien que le personnel du service dorlotait leurs petits patients.
Puis nous avons récupéré Blandine et la nuit suivante a été horrible. Notre fille a fait une crise de nerfs qui a commencé à minuit, et il n’y avait pas moyen de la calmer. Nous avons tenté de la faire jouer, de lui chanter des chansons, de la bercer, de nous fâcher… Rien ne fonctionnait, si bien qu’à 4h du matin nous avons décidé d’aller aux urgences. Elle faisait une poussée d’eczema terrible et nous nous demandions si cela pouvait être la cause.
Dans la salle d’attente, Blandine se calma et se mit à jouer et nous avons pensé que nous nous étions emballés trop vite. Mais quand nous sommes entrés dans le cabinet du pédiatre, sa crise recommença. La pédiatre et son assistante tentèrent de la calmer, et de la gronder également mais sans succès. La pédiatre, impressionnée par de telles crises, a fini par nous prescrire un anxiolytique pour la faire dormir.
Le lendemain, Blandine est venu avec nous voir son frère car nous avons pensé que cela la rassurerait peut être de le voir. Elle ne pouvait que l’observer depuis le couloir car les enfants n’étaient pas admis au service de soins intensifs… Mais cela sembla la calmer un peu. Nous avons pu prendre un peu notre bébé et j’avais rapporté un foulard que j’avais porté pour que les infirmières le mette dans la couveuse de Jérôme et qu’il soit ainsi rassuré. Notre petit champion était très sage, il dormait et les infirmières disaient qu’il était très facile.
Cette situation a duré pendant 5 jours, 5 jours qui nous ont parut interminables, Blandine ne cessant de faire des crises et la séparation avec notre tout petit nous pesant grandement. Mais finalement, Jérôme se remit plus vite que ce que les médecins pensaient et il rentra à la maison. A partir du moment où mon mari reprit son travail et où Blandine retrouva son rythme, ses crises se calmèrent. Elle en fit encore pendant 2 ans mais plus 3 ou 4 fois par jour et pendant la nuit comme ce fût le cas en fin de grossesse et au moment de la naissance de J. Suite à cela, j’ai eu tendance à être assez protectrice avec Jérôme et je lui ai probablement passé beaucoup plus de choses qu’à sa sœur au même âge… Mais ceci dit il a un caractère très facile.
Après une fille réanimée à la naissance et un petit garçon en soins intensifs, j’ai abordé ma troisième grossesse avec le sentiment irrationnel que ça allait forcément mal se passer. On a l’impression d’être complètement remis de ce qui s’est passé… Mais en fait c’est juste dans un coin de la tête et cela nous influence. Aujourd’hui nous avons un 2ème petit garçon en pleine forme et pour lequel il n’y a eu (presque) aucun problème.
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