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Tocophobie : quand la peur d'accoucher devient une phobie

 
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Je me rappelle de tous les détails du jour où j’ai su que j’étais enceinte, cet élan d’énergie et de joie qui pourtant au bout de quelques minutes a été assombri par un voile qui n’est jamais parti : l’accouchement.

Petite j’entendais ma mère dire fièrement à toutes ses copines que l’accouchement par césarienne comme elle a eu c’était la meilleure chose : les enfants naissent beaux et pas déformés, cette idée s’est plantée dans mon inconscient telle une toute petite graine, qui n’a fait que germer en grandissant, l’arbre bien enraciné à mes 30 ans n’a jamais voulu me quitter.

Peur de l’accouchement

Peur de l’accouchement…. comment ça ? c’est simple, dès ma première consultation à l’hôpital, je leur ai demandé quel formulaire je devais remplir pour avoir une césarienne . La sage-femme a émis un rire jaune, m’a gentiment remise à ma place : la césarienne est un acte chirurgical.

(oui justement, il y aura pleins de personnes qualifiées pour intervenir au moindre problème avec le bébé), votre corps est fait de telle façon que votre bébé passera par la voie basse (mais s’il s’étouffe ? S’il lui manque quelques instants de l’oxygène ?). Rien que cette expression « voie basse » me renvoyait à la mise à bas, à une image primaire d’une mammifère donnant la vie. Et pourtant c’est ce que nous sommes. Mais l’accouchement évoque chez moi dégoût, douleur et séquelles. C’est tellement culpabilisant d’écrire « dégoût » alors que c’est donner la vie que d’accoucher. Quel monstre suis-je ?

J’ai voulu en parler autour de moi, je passais pour un monstre ; comment une future mère ne peut avoir une vision positive de l’accouchement ? Ma belle-mère m’a dit : il sortira par là où il est entré. Grande classe..

Je vis dans une région où la première clinique est à une heure de route en jour de pointe, j’ai préféré être suivie à l’hôpital qui est à 5 minutes à pied même si cela signifiait tirer un trait sur une césarienne  programmée (c’est bien mieux pour le bébé que d’être à côté)  ; j’ai commencé à me documenter sur les accouchements par voie basse. je découvrais le mot « épisiotomie », « cuillère », « forceps », il faut dire que j’étais la première des copines à être tombée enceinte et j’avais envie d’un enfant né de l’amour, mais je ne m’étais pas posée plus de questions que ça sur l’accouchement (puisque je pensais mordicus que je pouvais choisir la césarienne, sans douleur et beau bébé). Les connaissances qui ont été mamans avant moi ont commencé spontanément à raconter leur accouchement (je n’ai jamais compris ce besoin de rentrer dans les détails), leur douleur, leur douleur, et encore leur douleur,  leur relation sexuelle après la naissance de bébé, le délaissement de leur mari, et ainsi,  sans le faire exprès, elles ont participé au développement d’une angoisse permanente du D Day. Comment vais-je faire ? A l’échographie des 6 mois, l’obstétricien m’indique que « le bébé va être grand et costaux, mais ne vous inquiétez pas, vous êtes grande, le bassin est adapté… » j’ai commencé à pleurer toutes les larmes de mon corps, et il m’a envoyé voir la psychologue du service pour 6 séances afin de me rassurer sur l’accouchement.

Les 6 séances ont servi à la psychologue de me dire que j’avais une mentalité d’une fillette de 12 ans : « vous savez que le bébé est dans le vente, vous savez qu’il va sortir, mais vous faites un blocage total sur le passage ». J’avais 30 ans, j’avais terminé mes études de notaire, je me suis toujours sentie une femme indépendante, mais là devant cette femme qui essayait de m’aider, je me sentais stupide.

Je n’ai pas compris comment ça se fait que mes copines qui du coup tombaient enceintes quelques semaines ou mois après moi n’avaient pas peur que 9 cms de diamètre change à vie mon corps de femme. Nous avons été conçues pour donner la vie, mais l’épisiotomie ce n’est pas naturel, il y a des boursouflures, il y a des conséquences irrémédiables. Je n’avais pas peur d’avoir mal après pendant l’acte sexuel, j’avais peur que mon corps soit changé, je crois avec le recul, en écrivant ce témoignage que ma peur matérialisait l’accouchement comme le passage de ma vie futile à ma vie de mère. Sinon pourquoi avoir si peur alors que je ne suis même pas douillette? Que 23 heures de contractions avec un monitoring ne m’ont pas fait souffrir autant que la peur que mon bébé sorte. Je ne voulais pas qu’il sorte, j’aimais l’avoir avec moi dans mon ventre, finalement l’accouchement marquait la fin de cet épisode de 9 mois, l’accouchement était une douleur qui annonçait une vie de responsabilités auquel peut être je ne m’étais pas préparée .. Pourquoi avoir autant peur de ce moment là ?

J’ai perdu les eaux le lundi  à 18 heures, on m’a administré deux procédures de déclenchement le lendemain, à 20h30, après 26 heures j’étais ouverte qu’à 2. Je ne voulais pas qu’il sorte, mais je ne voulais pas le faire souffrir, je voulais le voir mon bébé, je n’attendais que ça, mais j’avais tellement peur. Je culpabilisais qu’il soit en souffrance à l’intérieur de mon corps, ses battements cardiaques diminuaient, je respirais de toutes mes forces pour lui donner de l’oxygène, mais le message était passé, ma peur avait gagné : la césarienne d’urgence fut programmée.

 

Mais si l’on m’avait programmé une césarienne 8 mois auparavant, j’aurais eu tout aussi peur, j’aurais lu tous les articles sur les ratés de la césarienne, j’aurais tout décortiqué comme je l’ai fait pour la voie basse.

 

Cette angoisse m’a assombri une partie du bonheur d’une femme enceinte, je n’ai pas été sereine, je voyais tout en noir : bébé mort né, déformation, manque d’oxygène, l’accouchement sonnait le glas de vérité, est-ce que mon corps a bien travaillé pour avoir un bébé en pleine santé. L’accouchement était l’heure de vérité, où l’inconnu se révèle. Est-ce que j’étais face à ma lâcheté au moment d’accoucher ?

 

Quelques jours plus tard, la sage-femme qui m’avait suivi est venue  me dire : « vous l’avez eu votre césarienne finalement », avec un air de dédain Est-ce qu’elle s’est posée la question à savoir comment je vivais le fait que ma peur a réussi à mettre en danger la vie de mon bébé lors de ses dernières heures intra-utéro ? Personne n’a songé à ça, j’ai gardé la tête haute et n’en ai jamais parlé ; je passe pour la folle qui voulait préserver son intimité. Est-ce que les personnes qui m’ont jugé ont vraiment cru que l’amour d’une mère est moins fort que son intimité ?

 

On m’évoque souvent « le deuxième », c’est un non catégorique car je ne veux plus faire revivre ça à mon enfant, et j’ai trop peur que l’on ne veuille pas utiliser ma cicatrice, car malgré le recul, je ne supporte toujours pas d’écouter mes copines parler de leur accouchement, j’ai toujours autant une peur bleue du passage par voie basse, et pourtant ma vie tourne autour de mon fils, qui a maintenant 3 ans, nos liens sont fusionnels et je me suis battue contre moi-même pour l’avoir, et quand je le regardais les premiers jours, je me disais : il n’est pas « abîmé » c’est un véritable poupon.

 

Bien après, ma mère m’a avoué qu’elle aurait voulu accoucher par voie basse, car c’est comme ça que doivent naître les bébés et que nos abdos n’étaient pas abimés.

 

C’est très compliqué pour moi d’évoquer cet épisode car ma peur touche plusieurs domaines, et j’ai toujours cette impression d’avoir été une mauvaise mère pour la naissance de mon petit garçon.

 

C’est terrible comme sentiment que la culpabilité  alors que l’on fête une naissance

 

Alexandra

©kayla rose

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