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NAÎTRE LA-BAS, GRANDIR ICI
« De notre rêve à ta réalité ».
Si la plupart des couples ont la joie d’attendre naturellement un enfant, ce n’est malheureusement pas la chance de tous. La grande majorité de couples adoptants sont des couples stériles et le recours à l’adoption est l’unique voie pour leur permettre de devenir parents. Des parents de cœur, certes, mais des vrais parents, des parents à part entière. Dont il faut aussi parler, parce que ce sujet reste parfois un peu tabou.
Jour après jour des enfants naissent, vivent et grandissent à travers le monde, la plupart au sein d’un couple qui les a désirés. Ensemble, ils forment une famille enracinée dans sa généalogie et porteuse de projets d’avenir.
D’autres enfants sont délaissés, abandonnés. Ils poursuivent leur vie en dehors de leur famille de naissance, une vie qui commence par une rupture de filiation. Un abandon résultant de l’incapacité à assumer la parentalité, abandon derrière lequel on retrouve souvent l’acte de confier ce bébé à un avenir meilleur. Pour certains, alors, cette rupture débouche sur un projet d’adoption leur offrant d’être aimés et de grandir dans une autre famille et vers une nouvelle histoire.
Bien sûr l’enfant adopté ne peut pas et ne doit pas remplacer l’enfant qu’un couple n’a pas eu naturellement. L’adoption est une autre façon de devenir parents, de « faire famille ».
Pour être bien accueilli, l’enfant adopté a besoin que ses parents aient accepté l’idée de ne pas concevoir et de ne pas mettre au monde un enfant, qu’ils aient su tourner la page et fait ce que certains appellent leur « deuil de l’enfant biologique ».
Il faut renoncer à l’enfant né de soi, accepter que l’enfant adopté ne ressemble pas à celui que l’on avait imaginé. Et lui préparer sa propre place. Au sens étymologique d’ailleurs, l’adoption signifie « choisir, faire sien un enfant qui n’est pas né de soi ». Aujourd’hui, l’adoption a un double but : confier un enfant à une famille mais surtout offrir une famille à un enfant orphelin ou abandonné.
L’adoption est donc un choix de vie, une histoire d’amour, une aventure familiale qui naît de la rencontre de deux êtres, de deux attentes : celle d’un enfant sans famille et celle d’une famille prête à l’aimer.
Mais si l’adoption est une aventure humaine, elle est aussi un mécanisme juridique régit par des règles et des lois qui visent d’abord et avant tout à assurer la protection de l’enfant et le respect de ses droits. La procédure est souvent très longue et complexe, semée d’embûches, d’investigations sociales et psychologiques, d’incertitudes. Usante souvent, décourageante parfois. Eprouvante et émouvante, toujours. Entre l’attente et l’espoir.
Il est nécessaire d’être bien informés et suffisamment préparés à cela. Ce n’est pas une odyssée toujours idyllique : elle est semblable à une très longue maternité mais vécue autrement. Le difficile parcours qu’est l’adoption demande une telle énergie que les parents, souvent, ne tiennent bon qu’en idéalisant la venue de l’enfant tant espéré. Or, comme avec un enfant biologique, la joie de l’accueillir se double d’un bouleversement au sein du foyer. L’enfant doit trouver ses marques et il ne se comportera pas toujours comme le trésor imaginé. « C’est une filiation particulière qui comporte des risques qu’il faut savoir évaluer » met en garde Pierre Lévy-Soussan, pédopsychiatre.
« Aller chercher un enfant en s’imaginant qu’il n’attend que vous, c’est reporter son propre désir sur lui ». Tout comme l’enfant biologique d’ailleurs, l’enfant adopté ne correspond pas forcément à celui que l’on a rêvé, espéré, désiré. Mais pouvons-nous, nous même, avoir la prétention de croire que nous sommes les parents parfaits que ces enfants auraient rêvés et mérités ? Oui, c’est une aventure pleine d’incertitudes, un cheminement complexe mais c’est surtout une vraie rencontre.
L’imaginaire collectif véhicule souvent la crainte que l’enfant adopté veuille un jour à tout prix savoir qui sont ses parents biologiques et qu’il s’engouffre dans une quête identitaire qui le conduise à entrer en conflit avec sa famille adoptive.
Loin d’être une page blanche, un nourrisson adopté, tout comme un enfant en bas-âge, a évidemment déjà une histoire. Il arrive avec son vécu, troublé par l’abandon, la rupture, la perte de figure d’attachement. Il a tout à construire, à reconstruire. Mais si savoir d’où l’on vient est indispensable pour se développer et grandir, connaître ses géniteurs est une autre histoire…
Les enfants adoptés sont loin d’éprouver tous le besoin viscéral de savoir qui les a mis au monde. Tout comme pour les parents qui, désireux de respecter et transmettre la culture du pays d’origine de leur enfant, ne doivent pas s’obliger à pratiquer un forçage culturel. Et dans tous les cas, le dialogue et la vérité restent la priorité.
Discuter de l’adoption avec son enfant confronte en revanche les parents à leur propre blessure. Celle de la stérilité. Il est donc difficile pour eux d’expliquer à leur enfant qu’il a été porté par une autre femme que sa maman.
Les parents craignent que l’enfant soit blessé, qu’il pose des questions sur ses parents biologiques et qu’il veuille savoir pourquoi ils ne l’ont pas gardé.
Pour faciliter le dialogue, il faut tout simplement être ouvert, prendre le temps de répondre aux questions de son enfant. Si l’on se sent trop blessé pour aborder ce sujet, cela va créer un malaise que l’enfant ressentira cette question pourrait devenir un tabou. La communication doit rester fluide. Pour cela, il faut entendre et comprendre les sous-entendus et les allusions de son enfant, savoir interpréter les questions indirectes.
Ce que les parents doivent savoir, c’est que les questions peuvent créer une gêne à partir du moment où l’on n’est pas assez sûr de soi et de ses choix, car ce sont des questions tout à fait normales. Tous les enfants veulent savoir « d’où viennent les bébés ». Tous ont besoin de réponses simples, de vérité, de transparence sur leur histoire, leurs racines.
Il faut rassurer l’enfant adopté, lui dire que ce n’est pas parce qu’il a été abandonné une première fois que cela va se reproduire. Il faut simplement être à l’écoute. Dès qu’il commence à vous questionner, il faut être prêt à lui répondre. Ces questions sont des signaux qu’envoie l’enfant.
Pour faciliter les choses, vous pouvez laisser à sa disposition un album photos ou des vidéos retraçant son adoption et ses premiers temps de vie avec ses parents adoptifs, mais il faut éviter de l’y confronter quand il ne le demande pas. Cela lui permettra des mettre des images sur des mots. Des mots sur son histoire. L’enfant adopté craint parfois de ne pas avoir été « suffisant », pas capable d’être « aimable » ou même responsable de l’abandon. Il ne faut pas anticiper les interrogations mais être prêt à y répondre, en toute vérité. Un enfant adopté, comme n’importe quel enfant, exprime des questionnements, des doutes, un besoin de réassurance et la seule voie est celle du respect, du dialogue, de l’écoute, de l’empathie, de la bienveillance, de l’étayage, de l’apaisement…
De sang ou de cœur, la filiation se construit sur l’amour. Au delà des frontières, des différences, des handicaps. Apprendre à s’apprivoiser les uns les autres. A vivre ensemble, à s’aimer. Et respecter ce qu’ils sont. Ceux qu’ils sont.
© Crédits photos Annaclick pour Maman Vogue
Charline Jouint-Lesassier