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Enfant adoptée : "quand je suis devenue maman à mon tour"

 
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Si par nature, la maman donne naissance à son bébé et l’élève jusqu’à ce qu’il vole de ses propres ailes, il est des histoires de vie particulières qui ne se terminent pas toujours en happy stories. Certaines mamans, dans des situations de grande souffrance, et devant leur incapacité à tenir ce rôle, donnent à leur enfant, une chance de vivre et de vivre heureux en le confiant à une autre maman qui prendra soin de lui et lui donnera la vie, à son tour, avec tout son amour.

Les enfants adoptés sont moins nombreux qu’il y a quelques années. Pour cause, les processus d’adoption qui se sont renforcés par précaution, les techniques médicales qui ont pris le dessus mais aussi des pays étrangers qui ont fermé leurs portes pour adopter.
L’adoption internationale a baissé de 50% en 5 ans avec 685 enfants accueillis en 2017. L’adoption nationale, même si elle n’est pas non plus en hausse, devient alors plus importante avec 982 enfants pupille de l’état confiés fin 2016. Mais le nombre de candidats à l’adoption, lui, augmente en France avec 13.700 agréments d’adoption en cours de validité fin 2016. (Selon le rapport officiel du gouvernement 2017).

Chance incroyable et cadeau unique pour l’enfant et pour ses futurs parents, c’est aussi pour lui, une rupture affective non naturelle qui laisse son empreinte.

Fragilité inéluctable, qui le forge dans tout ce qu’il est et qui laisse généralement place à une force de caractère et à une puissance de vie inégalable.

Parmi, ces enfants adoptés, voici les témoignages de deux mamans qui nous racontent la vision de leur maternité avec l’histoire qui les a façonnées. Deux odes à la vie. Merci pour le courage de leurs témoignages !

 « Quand je suis devenue maman… » Compte tenu de ton histoire, avant de transmettre la vie à ton tour, comment t’imaginais-tu dans le rôle de maman ?

Emilie : « Je m’imaginais surtout comme ma mère, car j’ai été adoptée tout bébé donc je n’ai pas de souvenirs de ma mère biologique. Je m’imaginais donner tout ce que ma mère m’a donné et puis aussi, être différente d’elle sur certains points. Ma mère, de part son long et dur chemin pour m’adopter, a eu un lien affectif avec moi surdéveloppé ! Je n’ai jamais manqué d’amour et d’attention malgré, obligatoirement, ses erreurs de maman.

Je me souviens qu’à l’adolescence, j’étouffais un peu dans cette relation sur-affective. Mais en grandissant, je pense qu’elle était comme elle était, du mieux qu’elle pouvait et surtout que c’était un vrai cadeau que d’être « gavée » d’amour ! Cela dit, je pressentais que, quand je serai maman à mon tour, cela pouvait être aussi mon penchant. Je redoutais combler la rupture affective de mon enfance, (même largement comblée), par un lien trop étouffant avec mes futurs enfants. Je me suis aussi imaginée, et c’était prévu avec mon mari, que si je ne pouvais pas porter d’enfant naturellement, on adopterait ! C’était tellement évident ! Aujourd’hui, j’ai 2 enfants que j’ai eu naturellement et, finalement, j’ai une relation affective qui n’est pas dans l’excès même si je sens un attachement particulièrement fort avec mes enfants. Je pense aussi que je dois mon équilibre affectif à mon mari.

« Quand je suis devenue maman » : Et Bérénice…

Bérénice : Je me suis toujours projetée dans le rôle de mère. Aussi loin que je me souvienne, déjà vers 3 ans, quand on me demandait ce que je voulais être plus tard et que les autres petites filles répondaient « princesse », je répondais « maman ». Plus tard, avant d’être mère, je me suis toujours projetée avec des enfants. Je n’ai jamais conçu la vie sans enfants, même si dans mon esprit il y en avait 2 et non 4. Je précise que je suis ravie d’avoir ces quatre enfants-là !…

Comment se sont passés tes grossesses et tes accouchements ?

Emilie : J’ai eu 2 très belles grossesses. La première étant toujours particulière. Je me souviens que, quand j’attendais mon aînée, je m’imaginais souvent ma mère biologique pendant sa grossesse et selon les hormones du jour, soit ça me rendait heureuse, mesurant la chance que moi aussi j’avais eu de grandir bien au chaud dans le ventre de ma maman biologique, soit triste, mesurant la douleur du sacrifice qu’elle avait fait pour que je sois « qui-je-suis » maintenant. La deuxième grossesse, j’y pensais moins.

J’ai eu aussi 2 très beaux accouchements dont je garde un souvenir intensément et incroyablement beau ! Mon moment favori ayant été celui où on a posé mon bébé, chair de ma chair, sur mon sein. Je me suis rendue compte que transmettre la vie était un acte puissant et irremplaçable. Je regardais mes bébés et je me disais que pour rien au monde, je voudrais les donner à quelqu’un d’autre que moi !

Puis je repensais à moi, et je me ravisais en parlant dans mon cœur à ma mère biologique : « Merci Maman, pour ma vie », « je t’aime », « comment t’as fait pour me faire grandir dans ton ventre et te séparer de moi par amour ? », « Je crois que c’est l’un des plus beaux gestes d’amour de maman que je connaisse en fait ! », « un jour, on se retrouvera et je serai à côté de toi au Ciel. ». Et puis bien sûr, j’appelais ma mère pour lui raconter comment ça c’était passé et quand je la voyais dans un telle réjouissance pour moi, je me disais intérieurement qu’elle avait vécu mes accouchements comme si c’était les siens !

« Quand je suis devenue maman » : Et Bérénice…

Bérénice : Dès ma 1ère grossesse j’ai réalisé que ce 1er enfant serait le seul lien biologique qui me serait commun à quelqu’un. J’ai su à 3 mois de grossesse que c’était un garçon et j’imaginais plus ou moins un enfant qui me ressemble physiquement, étant brune à la peau café au lait. À la naissance, j’ai constaté avec bonheur qu’il avait la peau mate, mais j’ai su quelques heures plus tard qu’en réalité il avait la jaunisse du nourrisson… Ceci dit ce 1er fils a tout de même un teint méditerranéen.

L’accouchement m’a rappelé que je ne savais pas si ma mère biologique m’avait aperçue ou pas : en effet, je suis née par césarienne et je ne sais pas si l’anesthésie était totale ou si seulement le bas du corps était endormi. Quoi qu’il en soit, voir son bébé s’éloigner dès la naissance ou ne pas le voir du tout (savait-elle si elle attendait une fille ou un garçon ?) me semble très cruel à vivre maintenant que je l’ai vécu.

« Quand je suis devenue maman… » : Comment se sont passés les débuts avec ton 1er bébé puis le second… ?

Emilie : Avec mon premier bébé, ça a été un tsunami ! Le fait d’être devenue maman à mon tour m’a profondément bouleversée dans ce que je suis. Et c’était heureux ! Mais quand ont vit des moments aussi intenses, notre enfance et notre histoire ressortent forcément. Et même si j’étais profondément heureuse, j’ai ressenti une grande peur, un gros manque de confiance en moi. Quand mon bébé pleurait, j’avais l’impression qu’elle était malheureuse et que si je ne répondais pas tout de suite, elle allait se sentir abandonnée, que ça allait la traumatiser et que je ne me le pardonnerai pas.

Après la phase, du 1er mois, voyant que je pleurais encore régulièrement, en dehors de la fatigue et des chutes d’hormones, mon mari m’a dit qu’il pensait que cela pouvait correspondre à une dépression post-partum. De fait, il avait raison et c’est lui qui s’est renseigné sur un bon pédo-psy pour que je puisse être aidée de manière professionnelle dans ce cap de la maternité. Je le remercie car les 3 ou 4 fois que je l’ai vu, ça m a été d’une grande aide.

Le jaillissement de peurs

De fait, j’avais une peur irrationnelle de mon propre abandon que je projetais sur mon bébé. Les débuts ont donc été un peu difficiles à ce niveau là mais cela n’a jamais gâché la joie immense de ma nouvelle maternité. Puis c’est passé assez rapidement. Je me souviens que je la regardais souvent en me disant que j’étais privilégiée de vivre ça compte-tenu de mon histoire.

De fait, dans les moments de joies, je me dit souvent, que je suis vraiment chanceuse de vivre tout ce que je vis car au fond, je pense souvent que si ma mère biologique ne m’avait pas donner la vie et confier à ma mère, je n’aurais jamais connu toutes ces joies ! Je me souviens aussi qu’aux 6 mois de mon aînée, j’ai dit à mon mari que je pensais qu’il serait bien que le 2eme ne tarde trop car il permettrait un juste équilibre de famille. De fait, je sentais quand même que ce « focus » sur mon seul bébé n’était pas tout à fait ajusté. 20 mois après, la petite soeur est née et ça a été tout autre. Je me suis sentie très apaisée et plus équilibrée affectivement dans ma place de mère et d’épouse.

Quelque chose avait changé avec cette 2eme naissance. Comme si, je n’avais plus peur d’être maman, plus peur de répéter ma propre histoire, plus peur d abandonner mes enfants. Même si mon chemin a été, peut-être, plus difficile que d’autres sur les plans psychologiques et affectifs (construction de mon identité, origine et but de ma vie, pourquoi ? m’aime t’on vraiment ?…), ce qui m’a toujours fait avancer, c’est cette profonde gratitude que j’ai pour ma mère biologique et ma mère.

« Quand je suis devenue maman » : Et Bérénice…

Bérénice : Comme toute maman qui vient d’accoucher, les débuts avec un bébé, puis deux, sont en mode survie avec peu de sommeil, l’épuisement dû à l’accouchement et aux fréquents réveils diurnes et nocturnes du bébé. Aux 2 mois ½ de bébé 1, j’ai repris le travail après mon congé maternité, mais suite à la naissance de bébé 2, je me suis mise en congé parental. C’est là que j’ai vraiment eu l’impression de profiter de mon aîné, de le voir s’épanouir au quotidien. Par la suite j’ai renoué avec une vie professionnelle que lorsque mes enfants n°3 et n°4 ont eu 5 ans. Ainsi j’ai pleinement pu profiter de la petite enfance de chacun et c’était important pour moi.

Comment as-tu expliqué à tes enfants ton adoption ?

Emilie : Comme mes parents ont fait avec moi, je leur ai toujours raconté mon histoire avec mes mots en essayant d’être le plus simple possible « Tu sais, moi aussi j’ai grandi dans le ventre de ma maman avant d’en sortir, mais ma maman ne pouvait pas prendre soin et s’occuper de moi toute ma vie donc, par amour, elle a du me confier à une autre maman qui est devenue ma maman d’adoption : c’est ta Grand-mère ». Je ne suis pas sûre, que ce soit les bons mots mais c’est ceux que j’ai trouvés le mieux pour le moment ! Et je n’ai pas encore eu de questions car mes enfants sont encore trop petits !

À voir après, mais on m’a conseillé de raconter mon histoire dès la naissance à mes enfants, car ils perçoivent beaucoup de choses et que ce serait la bonne manière de leur expliquer mes ressentis et mes fragilités en vérité. Et aussi parce qu’ils auront la même vérité dès le début, qu’ils comprendront au fur et à mesure.

Par exemple : quand les pleurs de mon aînée me faisaient pleurer, je me souviens lui avoir dit un jour : « Maman est là et je t’aime. Ce n’est pas de ta faute. C’est mon histoire. C’est ma blessure et ce n’est pas la tienne. Toi tout va bien. Tu as tout mon amour et je ne t’abonnerai jamais». Idem, je ne sais pas si ce sont les meilleurs mots mais bon le message est clair comme ça !

« Quand je suis devenue maman » : Et Bérénice…

Bérénice : Je n’ai rien expliqué ! J’ai vaguement dit une ou deux fois que je n’étais pas « née du ventre de leur grand-mère » mais je me souviens que mon aîné, alors âgé de 8 ou 9 ans a réagi avec la spontanéité des enfants en s’exclamant « mais alors, ce n’est pas ta vraie mère ! » et c’est ainsi qu’est arrivé sur le tapis, un vaste débat sur le thème « qu’est-ce qu’une « vraie mère » ? ». Pour ma part c’est quand on prononce le mot « adoption » devant moi que je me rappelle être concernée. Sinon, ce n’est absolument pas dans mon esprit. Déni diront les uns, assimilation totale et naturelle à ma famille diront les autres, d’autant plus que j’ai été adoptée âgée de quelques jours.

Quels conseils donnerais-tu aux filles adoptées qui seront des futures mamans ?

Emilie : Je ne sais pas trop si j’ai des conseils à leur donner. Ce serait plus, un jour, leur raconter mon histoire et ce témoignage qui les aideraient, je pense. Cela dit, j’ai été surprise dans ma naïveté de croire qu’être maman c’était facile tout le temps et qu’en fait le 1er trimestre voire la 1ere année, cela pouvait être difficile. Et je pense ne pas avoir été très prévenue…

Quand c’était difficile et que j’en parlais à des amies ou à ma sœur déjà maman, elles me disaient toutes : « ah courage moi aussi je suis passée par là ! » Et moi je me sentais soulagée et déculpabilisée car je voyais que ce n’était pas moi le problème, que c’était normal. C’était important pour moi de comprendre cela car cela rentrait dans mon processus de cette confiance en moi ébranlée dans mon enfance. Au passage je remercie ma grande sœur qui, adoptée aussi et maman avant moi, à été mon point de repère dans ces débuts de maternité !

« Quand je suis devenue maman » : Et Bérénice…

Bérénice : En fonction de leur histoire personnelle, je leur conseillerai de savoir déposer, si nécessaire, auprès d’un professionnel de santé, ce que leur grossesse leur fera revivre, rejouer ou remonter à la surface de la conscience. Certains fardeaux sont plus lourds que d’autres, et on n’est pas égaux dans la capacité de chacun à y faire face.

Une phrase, un mot fort qui résumerait ta vision de la maternité ?

Emilie : Je suis croyante et je me dis presque tous les jours : La vie ne m’appartient pas. Mon (vrai) Père, c’est Dieu et un jour je retournerai à lui et les enfants qu’il m’a confiés aussi. Fais de ton mieux et met le reste entre ses mains.

Bérénice : « Là où la vie commence, et où l’amour ne s’arrête jamais ». A titre personnel, cette situation correspond tout-à-fait à ma conception de la maternité.

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