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En France environ deux millions de mamans élèvent leur(s) enfant(s) seules, après un décès ou une séparation, la plupart du temps. Elles vous le diront toutes : ce n’est pas toujours simple. Chacune essaie de s’organiser au mieux pour ses enfants, pour elle et essaye de trouver un bon équilibre dans sa vie, comme toute maman. Voici les portraits de quelques-unes d’entre elles qui nous en disent un peu plus sur leur quotidien, leurs difficultés et leurs fiertés.
Domitille à 28ans et est maman de Félix, 4ans et de Céleste, 2ans. Elle est seule depuis le décès brutal de son mari, un an plus tôt. Habitant à l’époque à Genève elle s’est alors rapprochée de ses parents en Bretagne et a commencé récemment un travail d’enseignante alors qu’elle n’avait pas travaillé depuis 5 ans.
« Je suis extrêmement fusionnelle avec mes enfants et ils sont très complices. Nous surmontons cette terrible épreuve ensemble. Nous parlons de leur « petit papa » tous les jours. Nous voyageons beaucoup ensemble également. Ils ont tous les deux double nationalité franco-australienne, car leur papa était australien. Depuis janvier 2020 Félix est rentré à l’école en France et Céleste chez une assistante maternelle. Je ne travaillais pas, mais avoir du temps pour moi était vital. Rien que l’administration pour une succession internationale est inimaginable.
Sixtine à une histoire différente : « Je m’appelle Sixtine, j’ai 23 ans et je suis actuellement en deuxième année de master MEEF. Je suis maman d’une petite Pia de 17 mois, et solo depuis mon 5ème mois de grossesse. Nous sommes très complices mais elle peut passer des journées avec d’autres personnes que moi sans aucun problème. J’ai pris 1 an pour m’occuper de Pia l’année dernière et je suis maintenant en M2 pour valider mon master et pouvoir travailler. Pia va à la crèche deux jours par semaine et mes parents la gardent une autre journée pour que je puisse travailler et réviser. J’ai eu beaucoup de difficultés la première année à rester en contact avec des gens, à sortir et à prendre du temps pour moi. J’ai heureusement rencontré des personnes extraordinaires qui m’ont énormément aidé même si j’ai du mal à demander de l’aide quand ça ne va pas. Je suis partie en weekend sans elle pour la première fois en juin dernier (elle avait 13 mois). Depuis je pars régulièrement en weekend chez des amis et je l’emmène avec moi, mais je n’ai aucun problème à la faire garder quand je sens que j’ai besoin de moments sans elle. Je suis fière d’avoir une petite fille aussi heureuse et joyeuse qui rit tout le temps et souris de toutes ses forces. Je suis fière de me dire que malgré les difficultés, tous les sacrifices et efforts que je fais, elle grandit dans la joie et l’amour. »
Louise se confie également : « Je m’appelle Louise, j’ai 29 ans et je suis maman d’une petite Anna née en juin 2020. Je suis seule depuis le début de ma grossesse. C’était une grossesse surprise, une magnifique surprise de la vie pour moi, mais un échec pour le papa qui a donc décidé de prendre la fuite. Je suis donc très fusionnelle avec Anna même si je sais que je devrais couper un petit peu le cordon ; mais pour le moment je n’en ai clairement pas l’envie.
Je suis commerciale dans une entreprise d’agroalimentaire. C’est un métier que j’aime, mais très rude au quotidien (organisation, beaucoup de voiture, horaires atypiques, découchages réguliers). Anna est en crèche à plein temps (8h-18h) et j’ai le cœur bien lourd de la laisser tous les matins. J’ai la chance d’avoir un employeur compréhensif qui est au courant de ma situation personnelle et me permet pour l’instant d’adapter mon travail. Ma deuxième journée commence lorsqu’elle est couchée: machines, vaisselle, liste de courses, papiers administratifs, comptes, factures etc. Puis je dîne, et me couche … pour recommencer le lendemain. C’est épuisant et je n’ai aucun répit, je dois tout gérer seule et c’est parfois bien lourd à porter. La grande difficulté pour une maman solo est le fameux « lâcher prise », bien complexe. Comme je sais que ma fille n’a « que moi », je m’interdis de faiblir, je suis très strict avec moi-même car si je m’effondre elle s’effondre avec moi ! Je suis entourée mais rien ne remplace la présence d’un homme, d’un père à nos côtés. «
Si l’organisation pour ces mamans seules au quotidien n’est pas toujours évidente, elles arrivent à se faire aider pour s’en sortir au mieux et prendre du temps pour elles :
Domitille : « Je ne travaille que deux jours par semaine donc l’organisation n’est pas trop lourde. Les enfants restent à la cantine au déjeuner et nous dînons très tôt donc j’ai mes soirées pour moi. Je voyage beaucoup avec mes enfants donc à force on sait s’organiser. Je n’ai jamais hésité à demander de l’aide à mes parents et mes voisins, et à reconnaitre que je n’en pouvais parfois plus. Mes parents sont heureux de pouvoir m’aider à leur échelle et je leur en suis très reconnaissante. La famille s’est soudée plus que jamais après la mort de mon mari. En revanche, je n’ai plus la même vie sociale qu’avant car mes amis habitent tous à 1h15 minimum. J’arrive à me dégager 2-3 jours par mois et me suis inscrite à des cours de golf pour prendre du temps pour moi.
Louise: « J’ai d’énormes difficultés à prendre du temps uniquement pour moi car je culpabilise très facilement. Mais je me force de plus en plus car je sais que je ne vais pas tenir bien longtemps à ce rythme-là. Je laisse deux fois par semaine Anna à des amis pour aller faire du sport, être seule et me vider la tête en ne pensant qu’à moi. Souvent j’ai simplement besoin d’une présence, de discuter avec un adulte et d’échanger sur autre chose que les couches et les biberons. Ma plus grande fierté est de réussir à faire tenir toutes mes obligations dans une journée : c’est un rythme très soutenu mais je suis fière d’être la maman que je suis pour ma fille. Je fais de mon mieux, elle est heureuse pour le moment, ne manque de rien et sa joie de vivre quotidienne en dit long ! Elle passe avant tout. »
Marie-Luce, maman solo d’Erine, 15ans, depuis le décès de son mari en opération extérieure 10 ans plus tôt, se dit aussi très proche de sa fille « peut-être trop » précise-t-elle. Elle essaye aussi de se libérer trois fois par semaine pour se faire plaisir en allant courir, et décompresser. « Je suis assistante maternelle depuis la disparition de mon mari. J’ai fait ce choix pour être encore plus présente pour notre fille et pouvoir la garder. Ma plus grosse difficulté est d’avoir de l’aide. Pour le reste j’essaie de gérer seule (je suis très indépendante) mais si je n’y arrive pas, ma famille est là pour me soutenir. »
Isabelle-Marie à 26 ans et est maman d’un petit garçon de trois ans. Elle a vécu sa grossesse seule et a repris des études d’infirmière. « J’élève mon enfant tout en poursuivant mes études; je jongle entre ces deux activités. Mon fils va maintenant à l’école, j’ai la chance d’avoir mes parents et notamment mon papa qui m’est d’une aide précieuse quand mes horaires de stage (début 6 h 30 ou fin 21 h) ne me permettent pas d’aller chercher mon fils à l’école, ou quand je dois travailler certains week-ends. Il faut être réaliste, j’ai peu de temps libre: entre l’éducation de mon fils, mes cours, mes stages, je ne chôme pas, mais je ne m’en plains pas car j’aime avoir une vie bien remplie. Néanmoins il est vrai que pouvoir consacrer un peu de temps pour soi (même peu) est vitale! J’arrive à me dégager parfois quelques soirées ou après midi (si j’ai pas cours et mon fils à l’école) grâce notamment à l’aide de mes parents! Ces moments sont précieux pour moi, ils permettent de vraiment décompresser et de recharger les batteries pour être au top pour mon fils. C’est tellement important de garder si l’on peut une vie sociale ! Au niveau du rythme si j’ai une soirée toutes les deux ou trois semaines ça me va! »
Dans tout ce que vous avez accompli, de quoi êtes-vous la plus fière ?
Domitille : « On a survécu à cette première année, avec mes enfants, et je peux dire que nous sommes tous les trois très heureux et épanouis malgré ce que nous avons vécu. Je suis une grande optimiste et ça m’a sauvé ! Ce qui me rend la plus heureuse et fière c’est de voir la complicité et le bonheur de mes enfants. Je suis aussi très fière d’être sortie de ma zone de confort en reprenant un travail. »
Domitille : « Le conseil le plus important est de s’écouter en premier car vous seule savez ce qu’il y a de mieux pour vos enfants. Je pense aussi qu’il ne faut pas sacrifier sa vie de femme pour son rôle de mère. Les deux sont très liés et forment un tout pour être épanouie. »
Louise: « Pour moi il faut se simplifier la vie au maximum et parler à son enfant. Anna connaît la situation, elle sait ce qu’il se passe. Je lui dis aussi quand je suis à bout. »
Sixtine : « Je dirais à une maman seule de ne pas être seule justement, de se laisser aider et d’oser demander de l’aide. Je lui dirais de ne pas s’enfermer dans la solitude et dans la tristesse, je lui dirais que c’est une maman extraordinaire, je lui dirais que même si elle a l’impression d’être dans un tunnel tout noir, au bout du tunnel il y a toujours la lumière. Et je lui dirais qu’elle peut être fière d’avoir choisi la vie parce qu’il n’y a rien de plus merveilleux qu’un enfant. »
Isabelle-Marie complète : « ne surtout pas s’isoler c’est primordial. Si tu as la chance d’avoir ta famille ou des amis à côté n’hésite pas à aller les voir, leur demander conseil, les solliciter au besoin. Et s’ils sont loin prends ton téléphone et appelles-les! Et puis sois forte! Ton enfant a besoin de toi et n’a que toi comme parent! »
Alice de Champs
Photo : @holliesantos