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Quand il m’arrive de m’épancher auprès de ma mère ou mes amies, la même rengaine revient invariablement et coupe court à toute discussion : « Fais-toi aider ». Prend une femme de ménage, une jeune fille au pair, une baby-sitter, …Délègue ton repassage, le nettoyage quotidien, la gestion des bains, des repas, laisse-la s’occuper du tunnel de 17h à 20h. Comme si c’était le saint-graal, LA solution au débordement. Au débordement de petites tâches qui mises bout à bout font une montagne, au débordement de casquettes qui nous font un peu oublier qui l’on est, au débordement d’émotions qui nous éloignent de nous-mêmes. La femme de ménage sait-elle gérer ça ? La jeune fille au pair prend-elle cette responsabilité ? La baby-sitter est-elle psy ?
Ce dont j’ai besoin n’est pas de moins faire mais de mieux faire. De me retrouver et de me recentrer sur ce qui est vraiment important. Quel quotidien je veux pour mes enfants, quels souvenirs je souhaite qu’ils gardent de leur enfance, quelle relation j’aimerais construire entre eux et avec eux,…A leur contact, je voudrais aussi capter tous les signaux faibles: leurs joies, leur inconfort, quelque chose qui se passe mal en dehors de la maison et dont ils peinent à parler. La charge mentale sous-jacente d’une maman c’est son désir de toujours bien faire, cette exigence qu’elle se met à elle-même pour que ses petits soient bien dans leurs baskets.
Je n’ai pas besoin que l’on étende mon linge ou que l’on nourrisse mon bébé. J’ai besoin qu’on m’aide à y voir clair. J’ai besoin qu’on me laisse m’épancher, vider mon sac, structurer mon ressenti pour mieux le comprendre. J’ai besoin qu’on laisse de la place à mes failles et qu’on ne les réduise pas au manque de temps, à la trop longue to do list. Qu’on ne réduise pas mes interrogations à une banale question de gestion, qu’on n’en diminue pas l’enjeu. J’ai besoin d’une épaule, d’une oreille attentive, d’un cocon pour moi.
Sans doute, la femme de ménage ou la baby-sitter sont-elles de formidables atouts dans ma manche. Elles me ménagent des petites bulles d’air salvatrices. Que j’utilise souvent à faire autre chose que passer du bon temps avec mes enfants…Heureusement qu’elles sont là et que nous pouvons nous le permettre de temps en temps. Mais ce n’est pas le cœur du sujet. Cessez s’il vous plait de sous-entendre que les problèmes des parents d’aujourd’hui se résolvent à la première délégation, c’est faux. De plus, cela renvoie l’image que celles qui choisissent de faire elles-mêmes sont défaillantes ou manquent de modernité : « Quoi ?! Tu n’as pas de femme de ménage ?!» Comme si aujourd’hui ce serait comme de ne pas avoir de téléphone portable ou d’accès à internet. Le comble de la régression féminine. On se ferait presque accuser de faire reculer la cause féministe si on reconnaissait qu’on arrête de travailler pour donner des bains et des purées en petit pot. De grâce, arrêtons les généralités.
Déléguer est une bonne ressource. Mais ne réduisons pas le combat des jeunes parents contre les multiples injonctions à un problème de charge domestique. Offrons-leur une oreille attentive, bienveillante et tendre. Aidons-les plutôt à trouver la partition qui harmonisera leurs différentes vies pour qu’ils puissent vivre alignés avec leurs propres ambitions. « Fais-toi aider », oui, confie-toi, partage tes questionnements, évacue les tensions qui t’habitent. Regarder son quotidien avec les yeux d’un autre c’est parfois la première étape pour le ré-enchanter.
📷 @kalyeegraham