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La maternité est une grande loterie. Pour un même désir d’enfant, il y a des grandes gagnantes qui s’épanouissent dans le rôle de leur vie et il y a des femmes dont le parcours est plus difficile
Pourquoi certains corps accueillent et donnent la vie aussi facilement quand pour d’autres, le chemin n’est que lutte ? Pourquoi celles qui ne voulaient pas tomber enceinte le sont quand d’autres attendent inlassablement ? Pourquoi certaines grossesses tournent court ? Pourquoi les procréations médicalement assistées ne rencontrent-elles pas toutes le même taux de succès ? La possibilité d’une grossesse est la plus douloureuse source d’inégalité entre les femmes. D’une femme à l’autre, et même au sein d’une même fratrie, certaines grossesses arrivent naturellement quand d’autres semblent bloquées. La maternité n’est pas une expérience linéaire. Nous avons un contrôle partiel et hétérogène de notre fertilité. La nature reprend ses droits, c’est elle qui décide.
Certaines grossesses se passent très bien quand d’autres femmes doivent passer des mois alitées. Pourquoi certaines vomissent quand d’autres n’ont aucun symptômes ? Pourquoi ai-je pris 20 kilos alors que le ventre de ma voisine est à peine visible ? Malgré toutes les recettes et au risque de m’affamer, je peine à perdre les 6 kilos restants alors que certaines sont encore plus minces qu’avant leurs enfants. Il n’y a pas deux grossesses identiques. Une même femme peut vivre des expériences radicalement différentes et faire face à des situations radicalement opposées d’un bébé à l’autre. Depuis la nuit des temps, les femmes donnent la vie mais la grossesse reste une science inexacte. Une expérience qui nous apprend progressivement à accueillir l’autre et plus largement, à laisser venir.
L’instinct maternel a fait couler tellement d’encre. Sans parti pris, on ne peut nier que certaines se découvrent des facilités naturelles alors que pour d’autres, tout est une épreuve. Certaines mamans ne supportent pas les pleurs et rêvent de solitude quand d‘autres s’immergent totalement dans cette nouvelle réalité. Certaines paniquent quand d’autres lâchent prise. D’autres vivent un douloureux burn-out parental quand leurs voisines animent une fratrie de sept avec une facilité déconcertante. Pourquoi certaines se découvrent une vocation alors que d’autres se sentent prises au piège?
Que dire aussi des différences entre les enfants auxquels nous donnons naissance. Certaines familles accueillent des trublions, des enfants aux besoins particuliers, des enfants malades, des calmes, des obéissants ou des tempêtes,…Nouvelle expérience de la loterie de la vie. Si la génétique entre en compte, il n’est pas rare qu’un enfant ait un comportement radicalement différent ce que laissait présager le caractère de ses parents.
Non, ce n’est pas juste, c’est la vie. La vie n’équilibre malheureusement pas les comptes, elle jaillit et bouleverse tout sur son passage. La maternité révèle elle aussi les écarts, les différences entre les femmes et entre les familles. Elle étire, éloigne, dessine des lignes qui nous rangent dans des cases. Elle nourrit des jalousies et des rancœurs. Personne n’est à blâmer car ce n’est pas parce que votre amie tombe enceinte tous les deux ans qu’elle vous vole votre bébé tant attendu. Ce n’est pas parce que votre filleule est sage comme une image que votre fille ne peut l’être aussi. La comparaison est une nuisance, elle créé des échelles sur lesquelles nous nous sentons obligées de nous positionner.
Entre tous ces extrêmes, il y a des millions de teintes, de nuances plus ou moins douces, plus ou moins vives. Dans ces camaïeux, sachons construire des passerelles entre les femmes pour que ce qui nous éloigne nous enrichisse et ne nous sépare pas.
📷 @risinggirlss_