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Sage-femme à l’hôpital Les Bluets et en libéral dans le Marais, professeur à la Faculté de médecine de Paris et Versailles, écrivain passionnée et chroniqueuse enjouée pour l’émission télévisée La Maison des Maternelles… A 31 ans, Anna Roy, mère de deux enfants, semble mener de front plusieurs vies. « Je ne m’ennuie pas », sourit-elle modestement. Consciente de sa chance d’exercer un métier au cœur de l’humain, elle confie dans son livre Bienvenue au monde : « Dans la course effrénée de ces presque dix années d’obstétrique, il y a un devoir que je n’ai jamais manqué, celui de noircir mes cahiers moleskine. Une seule crainte me tenaillait, celle d’oublier tous ces moments incroyables que l’exercice de cette profession m’avait permis de vivre. » Rencontre avec une wondermum du quotidien…
Etant issue d’une famille d’intellectuels, j’ai dû me battre pour imposer ma vocation. J’ai su très tôt que je m’occuperai de faire naître des enfants et ai réalisé plusieurs stages pour m’en assurer. J’ai découvert un métier qui alliait la dimension médicale, que j’aimais, à l’aspect humain, intime, que je recherchais avant tout. Tout en ayant beaucoup de sens… Je n’ai pas été déçue : un jour ordinaire pour une sage-femme, c’est l’extraordinaire sans cesse répété ! J’ai passé mon concours de médecine à 19 ans et suis sortie diplômée de l’école de sage-femme à 23 ans. Pour faire plaisir à mes parents, j’ai complété mon cursus par un Master en Sciences Humaines (ENS-EHESS). Cette démarche réflexive m’a beaucoup apporté… Et a certainement nourri plus tard mes projets de livres !
C’est un métier qui présente un défi de taille aujourd’hui ! L’arrivée de la vie n’est clairement plus la priorité des gens… Il y a beaucoup de couples qui se séparent après une naissance, car ils ne se sont pas préparés, pas soutenus. Souvent, ils n’ont pas discuté de sujets de fond en amont et se trouvent démunis, une fois le bébé arrivé. Je sens leur désarroi, lorsqu’ils se rendent compte que leur bébé passe avant leur couple. Lors de la préparation à l’accouchement, je les avertis des risques, leur dis de privilégier les moments à deux et leur donne quelques conseils pour que tout se passe au mieux.
Maintenant qu’un suivi à domicile par les sages-femmes (cinq visites après l’accouchement) est mis en place, l’accompagnement des couples se fait sur le long terme. C’est très intéressant ! Quand ils viennent au cabinet, ils sont en représentation, lavés et souriants. Mais quand on va chez eux, les masques tombent et on les voit au naturel, tels qu’ils sont réellement. Cela nous permet de comprendre leurs besoins et de les aider au mieux !
La qualité première est d’avoir une bonne condition physique, car nous sommes constamment en mouvement. Les sages-femmes sont pleines d’énergie, sinon cela ne pourrait pas marcher ! A cela s’ajoutent l’empathie, l’oubli de soi (on met de côté sa vie pendant les gardes) et la rigueur… Sans oublier un sens de l’humour à toutes épreuves ! Bref, ces femmes (et ces hommes ne les oublions pas) ont généralement une bonne endurance physique et psychologique. Et un sacré caractère dans tous les sens du terme !
Donner la vie en partageant cela avec mon mari a été une expérience incroyable ! Je pensais que ça me rendrait meilleure sage-femme, mais ce n’est pas si simple que ça parce que je n’ai plus la même disponibilité. Comme toutes les mamans, je pense beaucoup à mes fils. Les patientes, qui m’ont connue avant, m’assurent qu’elles ne le ressentent pas. Je dirais quand même que la maternité m’a donné plus de profondeur, car je mesure leur douleur et leurs efforts pendant l’accouchement !
Les morts de bébé me marquent toujours autant. Surtout lorsque nous n’avons pas d’explication médicale, ce qui arrive encore une fois sur deux. Dans ces moments-là, l’accompagnement est particulièrement fort. Ces mères me nourrissent autant que je les aide… Et dans un autre registre, les accouchements inopinés nous rappellent que notre métier est au cœur de l’humain, de l’imprévisible. En voulant la changer de service, j’ai accouché une femme dans l’ascenseur de l’hôpital où nous sommes finalement restées bloquées toutes les deux. Une situation cocasse qui peut s’avérer stressante… Heureusement les gens peuvent être très drôles dans ces moments-là !
C’était une demande très forte de la part des gens que je rencontrais. J’aime sortir et à chaque soirée, on me demandait de raconter des anecdotes. Dans Bienvenue au monde, je raconte des expériences fortes de ma vie de jeune sage-femme. Le livre Perles de sages-femmes continue dans la lancée avec des moments drôles de notre quotidien. Dans les livres Sage-femme, dis-moi tout ! et Devenir maman (collection Pour les nuls), j’avais plus envie de transmettre et partager mon savoir. J’aime l’idée de m’adresser à des femmes de différents milieux. Je suis particulièrement heureuse d’avoir mes livres en vente chez Leclerc et de recevoir beaucoup de courrier de lectrices des quatre coins de la France. Aimant écrire depuis toujours, ces projets de livres m’ont forcée à aller chercher des connaissances. C’est très enrichissant !
L’année dernière, j’ai été invitée dans l’émission de France 5 pour présenter un de mes livres. Nous avons eu un coup de foudre réciproque avec l’équipe qui m’a proposé de revenir régulièrement. J’ai vraiment été conquise par leur ouverture d’esprit : ils n’ont aucun a priori et s’intéressent à toutes les problématiques. J’interviens deux fois par semaine sur les thématiques de la grossesse, l’accouchement et la parentalité. Les sujets les plus appréciés par les téléspectateurs ont été « Que mettre dans sa valise de maternité ? », « Quand partir à la maternité ? » ou encore « L’anatomie de la future maman » où je présentais un clitoris modélisé, vidéo qui va me suivre pendant quelques années encore ! Cette émission est pour moi l’occasion de toucher un large public et de vulgariser la maternité de façon simple, directe, compréhensible et surtout drôle.
J’ai la chance d’avoir un mari qui est critique littéraire et peut travailler n’importe où et à n’importe quelle heure. Grâce à sa grande disponibilité, je peux mener de front toutes mes activités ! Cela ne me serait pas permis si je n’avais pas le mari que j’ai…
Je viens d’accoucher de mon deuxième enfant et de publier dans la foulée deux nouveaux livres : Devenir Maman et On en parle de mon périnée. J’ai des propositions et des idées plein la tête… Avec une seule certitude : avoir encore beaucoup de choses à dire, à vivre et à écrire !
Laetitia d’Hérouville
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