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Vendredi soir, apéro chez des amis. L’un des invités que je ne connais pas se tourne vers moi et me demande : « Et toi, tu fais quoi dans la vie ? ».
Là, comme à chaque fois, l’angoisse m’assaille. J’ai 2 secondes pour trouver la bonne réponse. Celle qui ne me fera pas paraître un peu bête, ou ringarde, ou aigrie, ou paresseuse…
Cela va bientôt faire un an que j’ai arrêté de travailler dans une entreprise. Et cela fait un an que je ne sais pas quoi répondre quand on me pose cette question. Le paradoxe, c’est que je ne me sens ni bête, ni ringarde, ni aigrie, ni paresseuse depuis que j’ai démissionné pour être à la maison et m’occuper d’y faire tout tourner. Au contraire, je me sens très bien ! Je suis aux commandes de ma vie et de ma famille. Je sais pourquoi j’ai pris cette décision et je connais les enjeux de ces années où les enfants sont encore petits. Je suis même fière de la manière dont je me débrouille. Alors, pourquoi est-ce que je n’arrive pas à en parler facilement ?
L’année qui a suivi la naissance de notre troisième a été très dure. Grosse pression au boulot, horaires à rallonge, problèmes de discipline avec mes aînés, mari en voyage la moitié du temps, changement de mode de garde pour notre bébé 3 fois dans l’année… On a donc fait les comptes (la nounou du petit, la baby-sitter à partir de 16h30, les activités des vacances pour occuper les grands…), pesé le pour et le contre (en terme de logistique, de matériel et de santé psychologique de chacun) et j’ai quitté mon job.
Les plus grandes raisons : passer du temps avec mes enfants, me recentrer sur notre vie de famille pour un quotidien plus harmonieux.
Cette année écoulée a été comme j’imaginais : des débuts difficiles pour moi (« Mais pourquoi j’ai quitté mon job ?! »), puis je me suis créé un bon rythme et je me suis adaptée. Aujourd’hui, j’ai trouvé mon équilibre et je ne changerais ma vie pour rien au monde. Il ne me reste plus qu’à réussir à répondre à cette fameuse question : « Tu fais quoi dans la vie ? ».
« Je ne travaille pas. », « Je suis femme au foyer. », « Je reste à la maison. », « Je m’occupe de mes enfants. »…
Il n’y aucune réponse là-dedans qui me convienne.
Une de mes amies a écrit sur son profil Facebook à la case métier : « Gérante de l’entreprise familiale ». J’avoue que j’aime beaucoup l’idée !
Alors un jour, quand on m’a demandé ce que je faisais, j’ai répondu : « Gérante de l’entreprise familiale ». Et là, on m’a dit : « Ah, vous avez une société de famille ? Vous êtes dans quelle branche ? » J’ai été un peu prise de court, j’ai failli répondre malgré moi « La branche lessives et cuisine », puis j’ai dit (presque honteusement) « En fait, je suis femme au foyer ». Là, j’ai senti qu’il me prenait pour une cruche avec ma première réponse.
Mon amie qui a écrit cela sur son profil Facebook me dit que c’est sa réponse à chaque fois qu’on lui pose la question et que, ensuite, elle embraye directement sur les « grosses responsabilités » qu’elle a et qu’en général, elle cloue le bec de son interlocuteur.
Elle me fait rire mais, clouer le bec de mon interlocuteur, ce n’est pas ce que j’ai envie de faire quand on me demande ce que je fais dans la vie. Il y a deux ans, quand on me posait la question, je répondais : « chef de projet dans une agence de comm’ ». Je ne clouais le bec de personne et pourtant, je ne me sentais ni bête ni ringarde. Et surtout, je ne ressentais aucun besoin de me justifier. Jamais je n’ajoutais : « Ben oui, tu comprends, j’aime bien la communication. » Alors qu’aujourd’hui, je me sens toujours obligée d’expliquer mon choix.
Finalement, je fais un mélange de toutes les réponses que j’ai citées au-dessus. En ce moment, je dis souvent : « J’ai arrêté de travailler pour faire tourner ma maison et ma famille ». C’est une réponse qui se justifie beaucoup, je sais !
« J’ai arrêté de travailler » : je crois bien que je cherche à prouver que, avant, j’avais un VRAI travail ! Ensuite, je fais exprès de ne pas dire “foyer”, ni de prononcer le mot “enfants”… Oui, c’est clair, j’ai encore du mal à assumer. Bon, je ne suis pas encore 100% satisfaite de ma réponse mais je sens que je vais finir par trouver la bonne formule !
Rassurez-moi, c’est moi qui suis un peu compliquée ou c’est difficile pour chacune dans la société d’aujourd’hui de dire qu’on s’occupe de son foyer ?
Propos recueillis par Mathilde Paterson