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Quand une femme perd son bébé, elle peut avoir besoin – plus que jamais dans sa vie – de soutien et d’amour. Et paradoxalement, c’est un des moments où elle se sent le plus seule. Les proches ne se manifestent pas, ou peu, ou pas toujours de façon adéquate. Alors même qu’elle est déjà épuisée par ce deuil intense, il faut parfois qu’elle fasse des demandes claires pour pouvoir obtenir du soutien. Or cela peut être inconfortable car ce n’est pas si facile de demander de l’aide dans notre culture. Hélène Gérin, autrice du livre Dans ces moments-là, a interrogé de nombreuses mamans touchées par le deuil périnatal. Elle nous partage aujourd’hui les enseignements qu’elle a tirés de ces rencontres, dans l’espoir que cela puisse vous servir si, vous aussi, vous aimeriez d’être mieux accompagnée par vos proches.
Dans notre culture, s’en sortir seule est largement plus valorisé que de demander de l’aide, comme s’il y avait quelque chose de dégradant à chercher du soutien. « On doit être forte ! » Si bien que, comme d’autres mamans endeuillées, vous avez peut-être peur, vous aussi, de déranger. Peur d’être un fardeau pour les autres. Ou même de vous sentir redevable un jour. Ou encore de recevoir un « non » de leur part. Cela peut vous inciter du coup à garder vos demandes d’aide pour vous-même, sans oser les formuler. Mais le prix à payer est élevé car finalement cela vous prive du soutien de ceux que vous aimez et qui, peut-être, ne rêvent que d’un petit signal de votre part pour oser se manifester. Alors comment faire pour ne pas rajouter à la douleur déjà immense de vote deuil, celle du tabou et de l’isolement ?
Même si notre culture nous l’enseigne peu, je suis convaincue qu’il n’y a rien d’égoïste à prendre soin de soi. Rien d’honteux à demander du soutien. Au contraire, être doux envers soi-même et écouter ses besoins – comme on le ferait d’ailleurs pour sa meilleure amie si elle traversait une période sombre– est à mes yeux un acte de grande sagesse, de force et d’humilité. On a besoin les un·e·s des autres. Et pas qu’une fois, cela ne suffirait pas, parce qu’un deuil ne se règle pas en un jour ! Cela se vit sur des semaines, des mois, des années.
Et puis, toutes ces phrases que l’on se dit parfois à soi-même – les « faut pas déranger », « je dois m’en sortir toute seule », « les autres y arrivent bien, elles », etc. – cela n’a pas toujours été la norme. À d’autres époques, on fonctionnait exactement à l’inverse de cela. Dans ce genre de situation, on s’entraidait, c’était un acquis. On savait que nos tantes, nos sœurs, notre mère, les voisines allaient venir et prendre le relais. Cuisiner, prendre soin du logis, ou même prier parfois. Aujourd’hui encore, dans d’autres latitudes, c’est une évidence : quand une maman vit une épreuve aussi traumatisante, le village entier l’entoure et la soutient. Personne ne se pose de question, cela coule de source.
Dans nos grandes villes, malheureusement, ce tissu social et émotionnel n’existe plus. Du coup, il est important que vous vous donniez, à vous-même, l’autorisation de faire des demandes claires. Ce serait peut-être plus simple d’attendre et d’espérer que les paroles ou les petites attentions de vos proches viennent d’elles-mêmes. Mais la réalité montre que ce n’est pas toujours le cas. Alors pour ne pas rester bloquée entre ressentiment et frustration, il sera utile parfois d’oser dire ce dont vous avez besoin. Mais comment faire des demandes claires à votre entourage ?
Si vous avez déjà des facilités pour demander de l’aide, cela vous viendra naturellement. Mais si, comme d’autres mamans endeuillées, votre éducation vous inhibe un peu ou beaucoup à faire des demandes à vos proches, je vous invite à vérifier une chose : est-ce que vos freins sont vraiment justifiés ? Ou est-ce que, au contraire, vous aimeriez vous en libérer ?
Je vous donne un exemple : si vous vous dites que votre bonne amie n’a pas le temps de vous aider en ce moment (le covid, son travail, ses projets…), est-ce vraiment vrai ? Cela peut valoir la peine de vérifier avec elle, en lui posant directement la question, d’autant que parfois ce sont les petites choses qui font le plus de bien et qui prennent le moins de temps. Envoyer un bouquet de fleurs, une petite carte, ou même un simple emoticon dans un texto, cela ne prend que quelques minutes et pourtant cela pourra faire toute la différence pour vous. Et même si votre amie était réellement prise par un travail harassant par exemple, elle trouverait peut-être, en se manifestant auprès de vous, quelque chose qui ait vraiment du sens pour elle dans sa journée. Quelque chose qui fait que quand elle se couche le soir, elle se dise « wow, j’ai été heureuse d’être là pour mon amie ! »
Autre exemple : vos amis sont en pleine rupture et vous n’osez pas les déranger, vous vous dites peut-être qu’ils sont trop absorbés par ce qui leur arrive. Cela est peut-être vrai, mais peut-être aussi que c’est justement dans des moments comme ceux-là qu’ils vont d’autant plus pouvoir mesurer votre propre douleur. C’est parfois quand on passe soi-même par des épreuves difficiles que l’on développe de l’empathie pour ce que vivent les autres… Donc donnez-vous le droit de leur poser la question. « Est-ce que tu pourrais … [m’aider à écrire un texte pour les funérailles, aller m’acheter des médicaments, m’aider à y voir clair dans toutes les démarches administratives, etc.]. » Vous n’avez rien à perdre. Au pire, ils vous diront « non » et cela ne changera pas de ce qu’ils faisaient avant votre demande. Au mieux, ils vous diront « oui » et votre relation en sera d’autant plus belle.
Ne pas faire de suppositions et demander simplement aux proches s’ils peuvent aider est souvent plus porteur pour les parents comme pour leurs proches. Non seulement vous aurez ainsi plus de chances d’obtenir une réponse claire, mais en plus cela peut aussi faciliter les choses pour votre entourage lui-même.
Vous l’avez peut-être constaté vous-même, certains d’entre eux ont peur d’être maladroits. Ils se demandent si leur geste va tomber juste ou pas. Si bien qu’ils n’osent pas se manifester. Mais si vous leur exprimez vos besoins, il y a de grandes chances pour que cela les soulage car ils n‘auront plus à tâtonner pour passer à l’action. Ils pourront simplement se mettre à votre service.
Si vous leur dites par exemple « j’aimerais tellement qu’on m’apporte à manger, je n’ai pas l’énergie de cuisiner ces jours-ci », ou bien « c’est tellement bon quand vous me parlez de mon bébé, quand vous prononcez son prénom avec moi, ça continue à le faire exister », alors ils auront une direction claire. Ils pourront s’aligner sur votre pas. Et tout le monde en sortira gagnant.
Oui, aujourd’hui c’est vous qui avez besoin de recevoir de l’aide et c’est tout à fait normal. Un deuil périnatal est un processus épuisant qui mobilise une quantité inimaginable d’énergie, tant au niveau physique que psychique. Mais demain, après-demain peut-être, ce sera à votre tour d’offrir votre amour à quelqu’un d’autre.
Alors si je n’avais qu’un seul conseil à vous donner, à vous maman endeuillée, ce serait le suivant : « N’attendez pas que le soutien dont vous rêvez arrive tout seul, car il y a peu de chance que cela se présente exactement sous la forme que vous le souhaitez. Osez dire haut et fort ce qui vous ferait du bien. C’est un droit essentiel, en particulier pendant un deuil. Et personne ne peut vous le retirer. »
Bien sûr, si vous n’avez pas l’énergie certains jours pour formuler vos souhaits, ne vous mettez pas la pression. Mais dès que vous sentirez suffisamment d’énergie en vous, n’hésitez pas à exprimer vos besoins et vos demandes à l’extérieur. Vous vous épargnerez beaucoup de solitude et de souffrance inutile. Votre deuil est déjà bien assez lourd à vivre…
Pour aller plus loin : de nombreux outils sont disponibles dans le livre « Dans ces moments-là » pour vous aider à identifier et formuler vos besoins du moment. Certains sont d’ailleurs disponibles sur le site https://www.danscesmomentsla.com/
Hélène Gérin
Crédit photo : Janko.ferlic
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