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Pour certaines, c’est une évidence. Elles sont portées par les hormones de la grossesse ; leur désir est décuplé, leurs sensations aussi. Leurs relations sexuelles sont intenses, « faciles », sources de beaucoup de bonheur. Nous avons toutes lu ou entendu des témoignages de femmes très désirantes pendant qu’elles étaient enceintes ! Et nous avons eu le secret espoir de vivre nous aussi cette explosion du désir et du plaisir pendant neuf mois.
Mais pour d’autres, grossesse et désir sont tout à fait antinomiques. A peine la future maman a-t-elle découvert qu’elle était enceinte, que son désir s’en va à mille lieues de là. Pourquoi ?
La grossesse est synonyme d’importants changements corporels, qui me renvoient à la manière dont j’ai vécu ma puberté et toutes les modifications du corps vécues à ce moment-là. Soit celles-ci ont été bien vécues, et je vais probablement bien accueillir la façon dont mon corps s’arrondit, s’épanouit dans la maternité. Soit au contraire j’ai eu, jeune fille, du mal à m’accueillir avec ce « nouveau » corps. Lorsqu’il devient aujourd’hui terre d’accueil pour un enfant, il m’est difficile d’accompagner ces changements, cette transformation. Comment reconnaître mon propre corps, le faire mien lorsque les kilos s’ajoutent les uns après les autres ? Alors plus question de vivre un temps d’intimité avec mon mari; mon désir s’est envolé bien loin !
Ce qui peut m’aider, c’est d’accueillir le regard amoureux de mon mari. Je ne détiens pas toute la vérité sur qui je suis, sur le fait d’être belle ou pas. Ce n’est pas parce qu’il s’agit de mon corps que je suis objective sur ce qu’il est. Je peux accueillir, avec beaucoup de bienveillance envers moi-même, le regard de ceux qui m’entourent et qui apprécient qui je suis dans ces mois-là, c’est-à-dire une femme ronde, généreuse, accueillante, toutes ces choses qui sont synonymes de maternité dans notre culture. Cela va m’encourager à me réconcilier avec moi-même et mon corps. Cela peut être un premier pas pour retrouver mon désir perdu.
Par ailleurs, quand je suis enceinte, je peux être très occupée par toute cette énergie que je mets dans l’accueil d’un enfant en moi, pour lui laisser la place qu’il occupe de plus en plus dans mon corps et dans ma vie. Je vis alors intérieurement la difficulté que traversent certaines mamans à être à la fois femme et mère.
Nous n’avons jusqu’à présent pas eu beaucoup de modèles de femmes qui ont su être à la fois dans leur féminin et dans leur maternel. Celles des générations passées ont souvent fait le choix du maternel, au point d’oublier la femme qu’elles étaient, en étant entièrement consacrées à leur famille. D’autres au contraire ont été davantage dans leur féminin, au point de délaisser leurs enfants qui ont pu se sentir abandonnés. Cela reste une douleur pour les filles de ces femmes qui n’ont surtout pas envie de reproduire le schéma maternel. Elles vont préférer se couper de leur désir, parce qu’il est synonyme de souffrance et d’abandon.
Entre ces deux extrêmes, je peux aujourd’hui avoir du mal à me situer, à m’identifier, à tracer mon chemin. Pour (re)trouver le désir, je peux m’inspirer de femmes qui, autour de moi, sont à la fois dans leur féminin et dans leur maternel. Par ce qu’elles sont, elles peuvent m’aider à construire cet équilibre entre la femme que je suis et la mère que je deviens.
Je peux prendre aussi le temps de respirer, en me centrant sur mon bassin. Prendre le temps de retrouver ma féminité qui parfois s’endort avec la maternité. Enceinte, je suis à l’écoute de toutes ces sensations particulières, vivant cette expérience incroyable de la présence en moi d’un être qui bouge quand il en a envie, dort de même, réagit ou pas à mes invitations ; en bref qui « vit sa vie » !
Dans cette maternité toute nouvelle, toute naissante, grandissante, j’ai tellement de sensations nouvelles que j’ai tendance à oublier mon intimité, ou celle mon couple. Plus je vais l’habiter, plus je vais la relier à mon corps. Alors, je vais peut-être percevoir davantage de désir.
Marie BAREAUD
© crédit photo Albane de C
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