Depuis 15 jours, je me gourmande intérieurement…
Moi : Je sais qu’on parle du couple ce mois-ci, mais qu’est-ce qui t’a pris de choisir le thème de la sexualité ? Ne trouves-tu pas que ce soit un peu délicat d’aborder un sujet aussi intime, aussi complexe ?
– L’autre moi : Si ! Et, qui plus est, il supporte mal les injonctions… Difficile d’établir un mode d’emploi…
Moi. – Pourquoi l’évoquer alors ? D’autant que tu n’as guère de qualification puisque tu n’es ni conseillère conjugale, ni sexologue… Tu es juste une épouse et une maman, avec un peu d’expérience et mille questions à la fois !
– Parce que c’est essentiel dans une vie de couple. Parce que, si la sexualité contribue au bonheur des conjoints, elle peut aussi, paradoxalement, être source de complications. C’est un vrai sujet de réflexion…
Moi. – Mais tu n’as qu’une page, pour un sujet qui ne saurait être épuisé en 300 !!!
– Alors, allons à l’essentiel ! Comment faire quand deux conjoints n’ont pas le même regard sur la sexualité ? Quand on est dans le même bateau, il vaut mieux regarder dans la même direction…
Moi. – D’où vient leur difficulté ? On parle bien de sexe, d’amour et de procréation dans tous les cas ?
– Oui, mais L’un pense que ces 3 composantes sont sans lien les unes avec les autres ; que leur association est possible, mais non obligatoire ; qu’il ne faut pas confondre sexe et amour, même si c’est mieux quand ils sont liés, car la pratique sexuelle est surtout la satisfaction d’un plaisir personnel légitime, seul ou en couple ; que rien n’est interdit (sauf ce qui n’est pas légal) tant que le plaisir, le respect et le consentement y sont ; que la fonction reproductive est un droit laissé à l’appréciation de chacun, déconnecté potentiellement du rapport amoureux, et qu’on peut artificiellement maîtriser.
L’autre considère que le sexe est en lien étroit et ordonné avec le don mutuel et la procréation ; que c’est un don merveilleux, un « langage d’amour interpersonnel » qui embellit la rencontre des époux, enrichit leur union et féconde leur don mutuel ; que c’est « un acte total : physique, affectif, spirituel, qui met en jeu la responsabilité du couple, la structure de la vie familiale, le destin de la personne appelée à naître » ; que c’est une vraie recherche de bonheur et d’équilibre et d’épanouissement personnel à deux, dans laquelle le plaisir sexuel a toute sa place, mais de manière ordonnée, naturelle, raisonnée, au service de l’amour du conjoint et de la construction de la famille.
Pour l’un, tout est possible dès qu’il y a consentement, pour l’autre, tout est permis dans les limites fixées par la nature et l’amour.
Moi. – Effectivement, Ils ne sont pas sur la même route ! Si éloignés et pourtant si proches… Comment ont-ils pu envisager de vivre ensemble ?
– Soit l’amour qu’ils se portaient leur a fait croire qu’ils sauraient dépasser cela, soit il y a eu omission au début de la relation, par manque de confiance, soit il y a eu « changement » plus tardif de l’un des deux… Dans tous les cas, même si l’amour est profond, la souffrance est réelle et le raidissement menace.
En effet, le premier, se sentant trahi ou frustré, a tendance à se polariser sur ses frustrations ; il se croit parfois en droit d’essayer d’obtenir ce qu’il souhaitait par la persuasion ou la surprise ; ou bien il reproche à l’autre ce qu’il considère comme de l’égoïsme et de la rigidité ; ou encore il se renferme, doutant de ses capacités et de l’amour de l’autre puisqu’à ses yeux rien ne justifie une telle rigueur ou un tel changement.
Le second, quand à lui, est tiraillé entre le désir impérieux de respecter ses convictions, (qui ne sont pas forcément d’ordre religieux) et celui de ne pas faire souffrir son conjoint ; blessé par l’incompréhension de ce dernier, il perd confiance en lui, il esquive, sent son désir s’émousser et risque de se rigidifier davantage.
Moi. – On ne saurait donc trop conseiller de parler en vérité sur ces questions-là AVANT de se mettre en couple. Toutefois, si deux conjoints se retrouvent dans cette situation-là, que peut-on leur conseiller ?
– Il n’y a pas de solution toute faite. Je crois qu’il faut ajuster son regard à la vision de l’autre même si on n’y adhère pas, pour essayer de la comprendre et de le rejoindre là où c’est possible ; remettre en perspective sa propre position ; faire des ajustements mutuels sans pour autant abdiquer ses convictions.
Pour cela, échanger, communiquer, avec respect, sans se lasser. On peut demander l’aide de professionnels, de conseillers conjugaux qui pourront donner des pistes de réflexion ou favoriser le dialogue, comme Place du couple ou Thérèse Hargot. On peut aussi suivre l’un des nombreux parcours pour couple. On peut enfin lire et se documenter (L’amour dans le mariage, des éditions Magnificat, ou Le Slow Sex, s’aimer en pleine conscience, de Diana Richardson…). On peut encore prier si l’on est croyant… Il y a un réel cheminement à faire pour les deux.
Moi. – Mais si le premier ne veut rien entendre ou s’il n’est pas capable d’entendre les arguments du second ?
Il me semble alors que celui qui a provoqué cet état de fait peut invoquer la notion de consentement sexuel et demander le respect de ses valeurs.
Moyennant quoi il doit se dépasser pour trouver, dans la sexualité ou dans la vie quotidienne, des gestes et des modes d’échange acceptables pour lui, qui répondent au moins à une partie des « besoins » du conjoint, qui le rassurent et qui recréent le lien abîmé ou brisé. Il doit aller chercher son conjoint là où il se trouve. Qu’il se fasse accompagner seul si nécessaire, mais c’est à lui de franchir les abîmes pour pallier les frustrations…, en attendant que l’autre le comprenne, si un jour c’est possible !
Moi. – Il y a des donc des raisons d’espérer ?
Si le but de sa démarche est de mieux aimer, de comprendre et de connaître l’autre, d’aller sur son terrain (autrement) avec une vraie envie de s’y trouver ou d’y construire quelque chose de commun et de s’y sentir bien, le désir et la confiance reviendront et la relation pourra renaître, unique et belle, différente, riche d’audace et d’érotisme retrouvé.
L’essentiel est de ne pas abandonner et d’aimer. Car chacun, s’il aime vraiment, peut trouver dans la sexualité un coin de paradis où s’épanouir avec l’autre.