« A l’école, le copain de mon fils de 3 ans a deux mamans… m’a dit une voisine l’autre jour ; et je ne sais pas comment réagir parce que cela ne correspond pas aux valeurs que je veux lui transmettre, bien que ce soit tout à fait légal. »
Chère maman, il n’y a pas de réponse toute faite. Pas de mode d’emploi systématique. Mais je vous propose d’y réfléchir ensemble pour comprendre d’où vient la difficulté et trouver des pistes…
Le rôle des parents est de donner aux enfants tous les soins nécessaires à la formation et à l’épanouissement de leur personnalité. L’éducation de la conscience en fait partie. Sans jugement, sans moralisme étroit, en tenant compte de l’âge et de la maturité de chacun, nous essayons de leur transmettre nos valeurs.
Or, dans un monde en mutation, de plus en plus divers et pluriel, les disparités grandissent. Certes, quand elle est culturelle, la diversité est un atout et permet d’éveiller la curiosité et l’ouverture d’esprit de nos enfants. Mais, quand elle est d’ordre moral, la différence rend les choses plus difficiles aux parents que nous sommes.
En effet, si les valeurs, fondées sur la recherche du bien, sont – dans l’absolu – universellement valables, elles dépendent en pratique de l’idée que chacun se fait du bien et du mal, de ses droits et de ses devoirs. Elles sont soumises à interprétation selon les époques, les lieux, les cultures et les croyances. Pascal le disait déjà dans ses Pensées : « vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà. » La loi, cet ensemble de règles, promulguées par l’autorité dans une société donnée, auquel les individus doivent se soumettre, est le reflet de ces évolutions et de ces interprétations. Elle n’est pas toujours morale, comme lorsqu’elle est promulguée par des dictateurs. Elle n’est pas non plus pérenne, puisque sujette aux évolutions (il n’y a pas si longtemps la peine de mort était légale, le divorce interdit, et des gens courageux et convaincus ont fait évoluer une législation qu’ils ne cautionnaient pas tout en lui étant assujettis).
Pas facile dans ce cas, de transmettre des valeurs à nos enfants si la société leur propose d’autres modèles…
Nous pourrions être tentées, pour les protéger, de couper les ponts avec les personnes qui n’ont pas les mêmes choix de vie que nous ; de construire une belle serre dans laquelle ils ne souffriront ni du vent, ni du gel, ni du soleil éclatant, ni de la pluie battante… Mais comment pourront-ils se développer harmonieusement s’ils ne peuvent profiter de cette nature qui va les éprouver, certes, mais aussi les nourrir ? L’évitement n’est pas une solution. Tout au plus permet-il parfois de gagner du temps. Mais le monde réel finit toujours par s’imposer. Il semble donc important de ne pas refuser l’obstacle, et de les accompagner dans cette découverte. Mais comment faire ?
Peut-être d’abord apprendre à nos enfants à faire la distinction entre la loi et la morale. Entre ce qui est permis et ce qui est profitable. Entre ce qui est licite et ce qui est bon pour eux. « Oui, mon chéri, ton amie a des bonbons roses pour son goûter et elle a bien de la chance. Cependant, j’estime que ce n’est pas bon pour toi… ». Ou encore : « Oui, Tartempion, tu as le droit d’aller à la cantine ou à l’étude ! Cette possibilité t’est offerte et c’est très bien pour ceux qui la choisissent. Mais ce n’est pas ce que je décide pour toi, car je pense, dans ma situation, avoir mieux à t’offrir… ».
Ensuite, éprouver nos convictions et se former pour être capable de répondre aux questions… Bien souvent, les silences, les rejets ou les affirmations péremptoires ne reflètent que notre fragilité ou notre peur. Laquelle est mauvaise conseillère. Nous avons donc besoin d’ancrage. Pourquoi ai-je fait le choix de ne pas donner de bonbons à Tartempion ? Est-ce par tradition ? Cette décision est-elle permanente ou y a-t-il des exceptions ? Est-ce parce que les bonbons sont mauvais pour lui seul ? Ou en général ? Ou simplement parce que j’ai fait un autre choix que j’estime meilleur ?
Se préparer, donc, et être à l’écoute, sans devancer les questions, mais sans fuite ni tabous. Le jour où Tartempion demandera le plus innocemment du monde « Pourquoi ? » Un simple « Parce que » ne saurait lui suffire. S’il ne trouve pas de réponses auprès de nous, il ira en chercher ailleurs… Parfois, il n’y aura pas de questions parce qu’on aura su lui proposer des livres et des jeux (certains sont très bien faits) qui l’auront accompagné dans sa découverte du monde, qu’ils soient en lien ou non de manière explicite avec le sujet (quand il s’agit d’apprendre le calcul mental, rien ne vaut les petits chevaux ou le Monopoly !) Les relations amicales sont aussi un bon moyen de s’ouvrir au monde et de découvrir la diversité des opinions et des cultures.
Dans tous les cas, avoir confiance aussi dans la force du bien et dans l’intelligence des enfants. Quelqu’un qui a été habitué à une nourriture saine développe non seulement une meilleure santé, mais aussi le goût du bon.
Et puis lui apprendre à aimer, sans réduire les personnes à leurs choix de vie, sans juger ceux qui ne pensent pas comme nous. Les différences de point de vue n’empêchent pas l’amitié ou les bonnes relations, et permettent à chacun de grandir.
Dans cet apprentissage des valeurs, l’exemple semble être la plus merveilleuse des leçons. Et le bonheur, si contagieux ! Rechercher pour nous et pour lui notre chemin de bonheur, sans réduire la transmission des valeurs à une liste de « il faut, il ne faut pas, c’est bien, ce n’est pas bien ». Ne pas avoir peur des faux-pas, des tâtonnements, des questions, des échanges… Rechercher ce qui fait l’essence de la vie… « Il y a deux manières d’éviter les mauvaises herbes dans son jardin, disait un sage : soit on passe sa vie à le désherber, mais c’est ennuyeux, cela fatigue et on n’a plus de temps pour planter de fleurs, soit on plante de belles fleurs partout, ce qui fait chaud au cœur et ne laisse plus de place pour autre chose ».