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Outre la question d’intimité, celle de la vie privée que l’on laisse à son enfant se pose : partager une photo de lui, c’est partager une part de sa vie à lui, de son identité, c’est exercer une forme de pouvoir arbitraire sur son image. Par ailleurs, une fois postée sur la Toile, le devenir des photos est incertain. Les paramètres de confidentialité changeant un peu tout le temps, et n’importe qui peut récupérer et diffuser la photo de votre enfant.
Et sur Internet, il est difficile de s’assurer de la disparition de quoi que ce soit : une photo, même supprimée, peut rester stocker dans un serveur et refaire surface un jour. L’image de l’enfant se construit donc en partie à son insu, et peut être utilisée plus tard contre lui pour une moquerie, et entraver un futur job, une carrière politique… On laisse la parole a deux blogueuses au parler vrai que l’on apprécie beaucoup , qui elles-mêmes ont changé d’avis sur l’exposition de leurs enfants sur la toile.
« Je n’ai jamais posté des photos de ma fille pour qu’on me dise qu’elle est belle – je n’ai besoin de personne pour me rendre à l’évidence.
Je n’ai pas fait ça pour attirer les regards, j’ai toujours détesté ça moi. Si vous me connaissiez vraiment, vous saurez à quel point je suis mal à l’aise.
Je n’ai pas non plus fait ça pour la mettre en danger ni pour qu’elle fasse le tour du monde.
Je n’ai pas voulu mais je l’ai fait consciemment durant plus d’un an. Je n’ai pas seulement exposé le visage de mon enfant même si le coeur du propos est bien là. J’ai aussi exposé une partie de ma vie, j’ai déversé sur le clavier mes émotions, mes histoires, mes rêves, mes ambitions. J’ai partagé avec des milliers d’inconnus mes doutes, mes coups de blues, mes petites victoires et mes grands bonheurs. Je n’ai jamais eu honte d’être une mère débutante, une femme qui doute et une épouse qui préfère parfois sortir avec ses copines plutôt que de rester à la maison pour étendre le linge ou préparer un bon petit plat à son mari.
Ça à la rigueur, je m’en fous pas mal comme certaines se foutent pas mal de ce que je ressens. Et c’est bien normal dans le fond. Qui suis-je après tout pour qu’on s’y intéresse ? Personne. Je voulais être un petit rien et que personne ne connaisse le visage de ce petit rien.
On parle beaucoup de l’exposition d’un enfant sur les réseaux sociaux mais il est aussi dangereux d’y exposer ses textes, ses photographies, ses recettes de cuisine, son art en somme. Tout est si paradoxal. Un portefolio peut s’avérer être un danger alors qu’il ne devrait être qu’un tremplin.
Me montrer moi toutefois n’a jamais été mon rêve. Je ne me déteste pas, j’ai appris à vivre avec mes complexes, j’ai accepté mes défauts et j’apprécie aussi ceux de celles qui s’assument pleinement. Quel courage de soumettre son visage, son corps aux compliments et à la critique – les deux trop faciles derrière un écran. Moi, je ne veux pas me mouiller je l’avoue et puis, c’est juste que j’ai toujours préféré photographier les autres – ceux que j’aime profondément. Puis, qui osera dire d’un bébé qu’il est moche ?
Aujourd’hui, mon enfant a 17 mois. Elle se reconnaît dans le miroir, elle se retourne lorsque je l’appelle par son prénom, elle sait dire « non », et surtout: elle pense. Elle est un être humain qui pense comme moi, comme vous. Aurai-je aimé que l’on me photographie à mon insu ? La réponse est bien évidemment non. Et même si j’ai essayé de tout donner pour « faire de jolies photos » de ma fille, les photos furent prises sans son accord. Elle n’a jamais pleuré toutefois et n’a pas montré de signe de refus mais elle n’aurait sûrement pas été d’accord que des milliers de gens la voient entrain de dormir ou dans ce sweat qu’elle déteste mais que j’ai payé une blinde tout ça pour être moi aussi une mère qui peut claquer 70 euros pour un sweat en polyester Made in Malaysia.
Pourquoi faire subir à mon enfant un comportement que moi-même je ne cautionne pas ? Alors voilà. Je pense publier quelques photos du visage Chiara de temps en temps – rarement. Des clichés moins explicites, plus vagues, plus distants – certainement.. Toutefois, sachez que ce choix ne s’appliquera pas à mes écrits. Eux, je peux les contrôler, effacer, recommencer, exagérer, embellir. J’ai le pouvoir et le parfait contrôle de mes mots et ils n’appartiennent qu’a moi. Les émotions, les sentiments et les ressentis de mon enfant eux, ne m’appartiendront jamais.
Malheureusement, je n’ai pas non plus ce pouvoir sur les clichés que j’expose publiquement de mon enfant. Le monde est devenu fou et moi je n’ai pas du tout confiance en lui. «
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« Aux prémices de mon aventure Instagram, je ne souhaitais pas afficher mon visage. Par manque de confiance en moi avant tout, par peur du jugement de mon entourage surtout, par l’envie de rester anonyme beaucoup. Sûrement pour toutes ses raisons. Dans cette logique, il allait de soi que je ne souhaitais pas non plus exposer celui de mon enfant à naître. Puis, Louise est née, et a, encore une fois, bousculé mes convictions et mes choix. J’ai puisé en elle la force de ne pas me cacher derrière mes peurs du jugement d’autrui, et eu le courage de prendre confiance enfin en moi. Elle m’a permis de m’assumer et d’assumer ce que j’écrivais. Petit à petit, je me dévoilais et j’osais les premières photos de moi sur mon compte.
Autour de ses 8 mois, j’ai eu envie de vous la montrer. De partager ses yeux en amandes, son sourire à croquer, ses joues à bisous. Par fierté. Mais aussi, je crois, sans aucun tabou, que j’avais envie (et certainement besoin) de partager avec « ma » communauté et recevoir des compliments sur mon bébé. Une sorte d’approbation qui me dirait « ta fille est belle, il n’y pas que toi qui le pense ». C’est bête non?
Alors je me suis demandé pourquoi je ressentais cela. De un, pourquoi ressentais-je le besoin que des mamans « virtuelles » me disent cela? De deux, est-ce si important que cela qu’on la trouve belle/mignonne/gentille/douce?
Sans rentrer dans une introspection, j’ai compris aussi que je partageais avec vous bien plus que je n’oserais partager avec mes proches parfois. Vous connaissiez mes peurs, mes joies, mes doutes, le RGO de Louise. Vous suiviez notre quotidien, preniez le temps de me demander des nouvelles, me réconfortiez. Et vous ne connaissiez même pas le visage de ma fille. C’est étrange quand on y pense : partager ce qu’il y a de si intime sans même nous connaître. Alors oui, votre avis m’importait, comme celui de mes proches m’importent.
Pendant un mois, j’ai posté des photos en affichant le visage de Louise. Je n’avais pas plus de likes, pas plus de commentaires, mais plus de compliments. Et ca m’a fait du bien, oh oui un bien fou. J’ai eu l’impression de vous la présenter, enfin.C’est le moment où vous pouvez vous dire que je suis superficielle, bizarre ou je-ne-sais-quoi. Je vous comprendrais mais je souhaite être transparente sur ce que j’ai ressenti, qui me semble être, sans honte aucune, un sentiment humain.
Puis, les raisons pour lesquelles nous ne souhaitions pas montrer le visage de Louise nous sont devenues importantes à considérer.
La première raison concerne le droit à l’image et la potentielle réutilisation des photos par une marque/un tiers. En effet, dans les CGU, il y a une clause de licence d’utilisation au profit d’Instagram : « Vous accordez par la présente à Instagram une licence non exclusive, entièrement payée, libre de droits, transférable, sous licenciable et mondiale pour l’utilisation du Contenu que vous publiez sur le Service ou par son intermédiaire… » (si vous voulez en savoir plus sur le sujet, ici). En résumé, vous avez le droit à l’image de vos photos, mais ce n’est pas interdit pour un tiers/une marque de l’utiliser. C’est à ce moment-là que je suis passée en compte privé.
La deuxième raison est la présence de personnes « malveillantes » sur ce réseau, et plus globalement sur Internet. Mes abonnés sont essentiellement des mamans, mes proches. Mais pas uniquement. Lorsque je suis passé en privé, et que j’ai dû accepter un à un mes abonnés, j’ai pu apercevoir un spectre plus large de personnes. Et je suis bien incapable de pouvoir savoir qui se cache vraiment derrière les comptes. Louise est encore un bébé, mais c’est une petite fille et je souhaite la protéger de personnes qui auraient de mauvaises intentions à son sujet. Si mon compte avait quelques dizaines d’abonnés, la question se poserait certainement moins, mais avec presque 4000 abonnés, il suffit d’un. J’essaye aussi au maximum de protéger nos informations personnelles, même si beaucoup savent déjà la ville dans laquelle nous habitons et qu’il est facile de retrouver mon adresse personnelle ainsi que mon nom… »
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