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« Je suis à bout », « je n’en peux vraiment plus »,« Je vais craquer »…
Quelle mère n’a jamais pensé cela ? Si la fatigue peut bien évidemment être la source de tels propos, il s’agit parfois d’un mal bien plus profond, un épuisement physique, émotionnel et psychique qui peut conduire à une rupture, un point de non-retour.
Aliénor de Boccard est psychologue et maman d’une petite Camilla de 16 mois. Nous l’avons rencontrée pour essayer de comprendre la réalité que vivent certaines femmes, ce que l’on appelle aujourd’hui l’épuisement ou le burn-out maternel.
Bonjour Aliénor, ce n’est pas un sujet facile que nous abordons là ! Alors, pour commencer, peux-tu nous décrire rapidement à quoi on fait référence lorsque l’on utilise ce terme de burn-out chez les mamans ?
Non en effet, c’est une dure réalité que je côtoie régulièrement chez mes patients. Il est difficile de le résumer, tant la problématique est large et propre à chacune. Souvent, la femme en question ne se reconnaît plus. Elle fait, elle agit par devoir,mais tout dans sa vie lui semble de plus en plus pesant. Cette lassitude profonde s’installe et vient l’user petit à petit. Parfois, c’est malheureusement un geste violent envers un enfant, une conduite autodestructrice ou simplement une hyper sensibilité qui interpelle l’entourage.
Qui d’entre nous n’a jamais rêvé de vacances ? Une femme en situation d’épuisement ou de burn-out maternel, ne rêve pas de deux semaines en famille au bord de la mer ou d’un we en couple, mais bien de 6 mois, seule, au bout du monde, dans un environnement où rien ni personne ne pourra venir troubler son repos.
Nous devons vraiment être vigilantes : guérir d’un burn-out n’est pas une mince affaire ; c’est un long et parfois pénible travail de reconstruction. Il faut vraiment essayer de comprendre de quoi il s’agit pour s’en préserver.
Alors, est-ce qu’il existe des types de personnalités plus sensibles à cela ? On a toutes des moments de fatigue, d’irritation, d’angoisses… ça fait partie du job ! Mais finalement qu’est-ce qui se passe pour qu’une maman arrive à ce point de non-retour sans réagir à temps ?
Avant toute chose, sachez que le burn-out en général atteint tout type de personnalité. Non, il ne touche pas que « les petites choses » ou « les fainéants » comme, malheureusement, on l’entend parfois. Bien au contraire, il se trouve que la majorité des personnes touchées par ce fléau sont des personnes très impliquées, à qui leur activité tient à cœur (et même à corps je dirais). Vous imaginez donc que cela peut nous concerner, nous mamans ! En effet, existe-t-il plus impliquée qu’une femme dans son rôle de mère ?
Cela n’a rien n’avoir avec la charge de travail effective (ce que vous avez vraiment à faire dans votre semaine) ou le nombre d’enfants, et ça peut donc arriver à toute mère, à tout moment de sa vie.
Un burn-out maternel est d’abord un épuisement physique. C’est avant toute chose une fatigue de fond, qui est directement liée à un stress chronique. Le stress n’est autre qu’un cocktail chimique mobilisant entièrement notre corps en le mettant en état d’alerte.
Et chez une maman, le stress peut prendre plusieurs forme : impuissance à calmer son bébé, incapacité à mener de front les demandes simultanées de ces enfants, solitude, culpabilité, surcharge entre vie professionnelle et familiale, continuité des tâches ménagères et maternelles (on parle bien là d’un job 24h/24 !).
Chacune reconnaîtra sa part de réalité. Et lorsque le stress dure, que la fatigue s’accumule, alors il devient chronique. C’est à dire que le corps s’y habitue et la personne n’en ressent même plus les symptômes. A un certain moment, et nous sommes très inégaux sur le sujet, le corps dit STOP et les symptômes prennent alors le dessus.
C’est vrai qu’en plus, le monde dans lequel on vit et la place de la femme aujourd’hui dans la société sont des facteurs sociétaux qui doivent contribuer à cet épuisement, non ?
Oui, bien sûr, la « super-sollicitation », réelle ou vécue, est un facture d’usure et de stress fort dans notre monde. A cela vient s’ajouter la grande culpabilité des mères au foyer qui bénéficient de peu de reconnaissance sociale (voir du mépris assumé de certains) et qui sont censées trouver, à défaut de gagner de l’argent, le bonheur et l’épanouissement absolu….
Et la culpabilité des workings moms, partagées entre les grandes exigences professionnelles, leur besoin viscéral de materner et les attentes ô combien légitimes de leurs petits poussins et de leur mari.
Tout cela induit un grand épuisement psychique et émotionnel, car la femme d’aujourd’hui doit sans cesse jongler entre différentes identités et composer avec les réalités de son monde qui, il faut le dire, n’est pas si facile.
C’est vrai que l’on expérimente toutes ce tiraillement… Et donc, comment comprend-on que l’on est en burn-out ? Quels sont les signes ou les symptômes repérables ?
J’aime bien utiliser deux images quand je parle de burn-out : la première est celle de la bougie qui s’est consumée lentement et dont la flamme a fini per s’éteindre, et celle de la prise électrique que l’on débranche d’un coup sec. Et bien, voilà les symptômes du burn-out sont globalement les mêmes, mais s’expriment de manière très différente chez chaque personne.
« C’est l’histoire de Marie qui, un jour, épuisée par son quotidien, se surprit à hurler sur son petit Louis, 3 ans, car il avait fait tomber sa fourchette par terre …».
La première chose repérable est qu’en général au niveau émotionnel ça devient n’importe quoi. On pleure pour un rien et on devient insensible face aux choses graves ; certaines multiplieront les colères très violentes et injustifiées envers leurs enfants, d’autres deviendront apathiques et ne manifesteront plus la moindre émotion. D’autres encore ne se sentent plus disponible pour rien ni personne et s’isolent, parfois même au sein de leur couple. Parfois, cette grande détresse émotionnelle engendre des comportements auto-destructeurs comme des abus d’alcool, de somnifères ou autre.
« C’est l’histoire de Jeanne qui, après plusieurs mois à oublier où se trouvait ses clés, partit du supermarché avec son coffre plein et deux de ses enfants, oubliant le troisième sur le parking… »
Le deuxième symptôme qui s’installe lors d’un épuisement maternel est l’atteinte des capacités intellectuelles. Une femme proche du burn-out n’a plus de vision d’ensemble. Ce stress chronique vient attaquer son cerveau et peut générer des pertes de mémoire importantes. Une de mes patientes disait : « C’est comme si mon disque dur était plein, je n’arrive plus à enregistrer quoi que ce soit. »
Le disque dur est plein, et en général le cœur est très lourd.
« C’est l’histoire de Delphine qui voit son rêve de « super-maman » littéralement s’effondrer sous ses yeux. Rien ne fonctionne comme prévu, elle ne s’arrête jamais, elle ne se reconnaît pas, elle se sent plus nulle que nulle, elle ne sais plus quoi faire, elle ne sait même plus si elle aime ces enfants…».
Attention, le burn out n’est pas « une mode », il peut conduire à des comportements graves. La détresse d’une femme épuisée n’est pas à prendre à la légère.
Le troisième symptôme, le plus terrible est la perte de confiance en soi et le vécu d’impuissance total. La vie est un combat, la femme agit mais ne maîtrise plus rien, elle ne choisit pas et subit tout.
Comment pouvons-nous aider concrètement une amie, une sœur qui rencontre cette problématique ?
Alors nous, amies, voisines, « copines d’écoles », belles-mères, belles-sœurs, et surtout mari, ne négligeons pas ces souffrances là, ne tombons pas dans le trop facile « elle exagère », « il faut juste qu’elle dorme un peu », qui nous dédouane si vite.
Il faut agir, alléger son fardeau ou proposant (ou en imposant !) une aide pour les tâches ménagères, pour les conduites des enfants, ou tout autre coup de main lui permettant de recharger les batteries.
L’aide matérielle est indispensable pour soulager la fatigue physique, mais la personne a aussi besoin d’écoute bienveillante, de temps d’échange sans jugement (à éviter les remarques de type « bon en même temps, tu les as voulu tes trois enfants, non ? Et puis, rassures moi tu les aimes quand même ? » ou le très courant – et assez insultant – « Je peux te dire que, de mon temps, on ne se posait pas tant de question ! »), bref la femme épuisée a besoin de personnes disponibles. Plus que jamais le socle de confiance compte et va devoir se mobiliser pour l’aider à se reconstruire.
Une aide extérieure peut également se révéler indispensable. Un médecin généraliste va pouvoir poser les mots et diagnostiquer la personne en « burn-out » et l’accompagnera pour retrouver une forme physique, l’énergie perdue.
Le psychologue ou le psychiatre pourra accompagner, semaine après semaine, la personne pour qu’elle réorganise sa vie et qu’elle retrouve un équilibre psychique et émotionnel, une juste balance entre les contraintes et les ressources de sa vie, pour qu’enfin elle se retrouve elle-même.
Pour finir, as-tu des petits conseils pour éviter d’en arriver là ?
Oui alors, que vous vous sentiez ou non borderline, voici quelques principes de préventions simples :
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Aliénor vous entoure pour des problématiques de psychologie et propose des accompagnements dans la prévention et la reconstruction après des phases de burn-out.
Aliénor de Boccard