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Première grossesse. Miracle de la vie. Joie suprême après des années de mariage, des mois de galère, d’attente et de déception. Mais le chemin allait être encore long.
Cette première joie sera de courte durée car des saignements font bien vite leur apparition. La joie se transforme tout de suite en peur, et tout s’accélère. Urgences gynécologiques, seule, car marichéri ne peut être là. Panique car, en traversant les couloirs de la maternité (oui oui, ce n’est pas drôle sinon, pour les grossesses compliquées et les naissances, c’est au même endroit madame), je sens que les saignements s’intensifient. Et après de longs moments d’attente dans ce hall si accueillant, aucun verdict ne tombe. « Il faut juste attendre, voir si ça continue à saigner ou si tout revient dans l’ordre. » OK.
15 jours plus tard, je saigne toujours, chaque passage aux toilettes est une plaie. Je sais très bien ce que veut dire tout ce sang. Première grossesse, première fausse couche. Mais il paraît que j’ai de la chance, car elle est précoce. Sûrement. Cette grossesse ne se fera pas, je le vis comme un échec, c’est injuste et incompréhensible. Et le monde ne s’arrête pas donc il faut continuer à aller travailler, le quotidien ne t’attend pas.
Puis l’espoir renaît. Finalement, relativement vite. Les cycles finissent par redevenir normaux, et l’envie d’avoir un enfant se fait de plus en plus grande. De plus en plus grande est l’envie au fil des mois, comme de plus en plus grande est la déception, chaque mois. De longs mois.
Les rendez-vous médicaux commencent à s’intensifier, on cherche le pourquoi du comment, on commence à se renseigner sur la naprotechnologie. Et un jour, le miracle se fait. Je suis (enfin) de nouveau enceinte. L’enfant que nous attendions tant s’est niché au creux de moi et tous les signes sont bons : les prises de sang montrent que le taux de BHCG augmente considérablement, mes seins me font mal et au fil des semaines, mon ventre s’arrondi. J’adopte le régime adéquat (au-revoir, petit verre de vin, bonjour tranche de viande super carbonisée). L’entourage repère tous ces signes et attend, patiemment, notre annonce officielle après l’échographie des 3 mois. Celle-ci est prévue un jeudi.
Le dimanche soir, nous nous réjouissons avec marichéri à l’idée de voir ce petit être cette semaine, d’entendre battre son cœur dans quelques jours. Je suis à 12 SA, nous nous projetons et sommes les plus heureux du monde.
Lundi, le monde s’écroule. Deux gouttes de sang. Deux toutes petites gouttes de sang. Qui me valent un nouveau séjour, paniquée et encore seule, aux urgences gynécologiques.
Première échographie, l’interne n’est pas sûr. Le chef de service arrive, deuxième échographie. Après de longues minutes, il finit par poser un verdict (dans mon esprit et avant même qu’il ne parle, il ne manquait qu’un requiem en fond sonore pour bien marquer l’entrée dans le monde des morts). Trois mots. Poche-gestationnelle-vide.
Mais on ne sait pas depuis quand elle l’est. Peut-être un œuf clair. La grossesse s’est arrêtée.
« Vous voulez qu’on laisse faire la nature ou on prend un médicament tout de suite ? » Je suis les conseils de l’interne et décide de laisser faire la nature pendant quelques jours, je suis de toute manière incapable de réfléchir ou de prendre une quelconque décision dans la minute. Je suis enceinte mais il n’y a rien. Et tant que cette poche sera là, mon corps continuera à se préparer à la venue d’un enfant qui n’arrivera jamais. Quelle horreur. C’est lunaire.
Marichéri me rejoint dès qu’il peut, paniqué, et comprend à ma tête que tout est fini. Je m’écroule enfin dans ses bras et ne demande qu’une chose, qu’on quitte le plus vite possible ce lieu infernal qui est encore une fois synonyme, pour nous, de tristesse. Je n’aurai jamais pu donner le jour à cet enfant.
Mon corps n’est plus que larmes, mon esprit est vide, le ciel m’est tombé sur la tête. Tout bascule pour deux petites gouttes de sang. Je dois attendre que cette belle poche gestationnelle s’expulse, je dois attendre avec un petit ventre rond de femme enceinte. Les jours qui suivent cette annonce ne sont que tristesse, je hère, je me vide en larmes, me sens inutile, me rends compte qu’encore une fois, mon plus grand rêve est anéanti, mon espoir s’est brisé en quelques heures. Mais je dois attendre. Marichéri est aussi dévasté de tristesse, mais heureusement qu’il est là. J’ai un soutien infaillible.
J’ai aussi peur de la douleur lors de l’expulsion, qui ne semble pas arriver naturellement. Il faudra sûrement prendre ce satané médicament. 12SA qui se termineront, par une pilule, dans les toilettes. Le gouffre de mon cœur est immense. Je suis usée.
Et pourtant, dans quelques jours/semaines/mois, je sais bien qu’il faudra reprendre le combat pour arriver un jour à fonder une famille.
J’ai 26 ans et j’ai déjà vécu 2 grossesses, qui se sont terminées.
Je reste pourtant persuadée que l’espoir est plus fort que la mort, que la vie finira par vaincre. Je le sais. Mais quand ?
Photo : Nathalie Coster pour Maman Vogue