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Témoignage – Un accouchement aux USA, ça donne quoi ?!

 
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« Une émotion, c’est quand tu peux mettre un nom sur ton cœur. » Fabrice Melquiot

 

Aujourd’hui je vais vous raconter comment on fait les bébés américains. Vous venez ?

Depuis quelques semaines, dans la rue je réponds aux questions des passants. « Quel âge a-t-il ? C’est un garçon, n’est-ce pas ? Comme il est mignon ! Quel est son nom ? Et où avez-vous accouché ? Par césarienne ou par voie naturelle ? C’est votre premier ? Et vous en voulez d’autres ? » Le small-talk à l’Américaine tient dans ces quelques questions (toujours les mêmes) et s’applique particulièrement aux jeunes parents en poussette. La Française que je suis trouve parfois ces séries de questions un peu intrusives et pourtant, n’y voyez rien d’impoli : aux Etats-Unis, c’est ainsi, on s’intéresse. C’est une manière de vous témoigner de la sympathie, de la gentillesse.

Une organisation militaire !

Durant les huit mois et demi qui ont précédé l’arrivée de notre oiseau tombé du nid, j’ai été suivie dans un hôpital militaire, le Walter Reed National Military Medical Center, le top du top au niveau national : le Président des Etats-Unis himself y est suivi. Les familles de militaires sont également prises en charge. Au fil des travaux d’agrandissement successifs, le Walter Reed est devenu l’un des plus grands centres hospitaliers du pays et le plus grand centre de santé et de recherche du ministère de la Défense, avec plus de 22 hectares de salles de soins et environ un million de patients traités chaque année.

Trouver son chemin peut s’avérer labyrinthique, mais vous croiserez toujours un membre du staff pour vous guider. Facilement reconnaissables, les médecins, les infirmiers et tout le personnel médical portent le treillis ou bien encore ces pyjamas dignes de séries télévisées. On croise surtout beaucoup de patients et parmi eux, de nombreux soldats de retour du front, mutilés. Le directeur BG Jeffrey B. Clark leur rend hommage dans la brochure de présentation de l’hôpital : patriotique à souhait, mais nous sommes dans une enceinte militaire. Le Walter Reed c’est aussi une ville dans la ville ; parmi les services annexes offerts ici, on trouve une hôtellerie, un grand choix de restaurants (le fameux food court et des cafétérias), une banque, une billetterie, des gymnases, une piscine, des terrains de sport, un bowling, un supermarché et des magasins, une poste, et bien sûr, un Dunkin Donuts ! Voilà qui est rassurant, car lors de la préparation à la naissance, on nous l’a dit : il faut que le papa pense à se nourrir durant l’accouchement. Snacking forever.

Un plan de naissance

Je passerai sur les détails trop personnels de mon séjour à l’hôpital. Voici tout de même un petit florilège de nos meilleurs moments. Depuis plusieurs mois, on me demandait de réfléchir sérieusement à un Birth Plan : Comment voulais-je accoucher ? Quelle serait ma gestion de la douleur ? Qui serait là à mes côtés ? Le future Dad aurait-il envie de regarder le bébé sortir, de couper le cordon ? Voudrais-je conserver le cordon dans une banque personnelle ? Voudrions-nous faire circoncire notre baby ? (cela se pratique beaucoup aux Etats-Unis) Voudrais-je l’allaiter ? On me proposait même un miroir pour profiter pleinement du spectacle. Sur le site mybirthplan.com, vous pourrez télécharger des modèles de Birth Plan, comme le propose le slogan : « Every birth is different. Take a plan for yours. » Cela fait un peu rire les médecins, qui se réservent tout de même le droit de contrecarrer les plans des patientes en cas d’extrême urgence.

La préparation à l’accouchement

J’avais bien sûr suivi des classes de préparation à l’accouchement. Durant ces cours intensifs (comptez tout de même huit heures de classe pour le combo « Accouchement-Allaitement »), on vous explique les différentes étapes de l’accouchement, c’est très bien fait. Une nurse fait défiler des slides devant des futures mères pas toujours très rassurées et des Dads to be un peu fébriles en pensant au trafic (la banlieue de DC est fameuse pour ses embouteillages cauchemardesques). Le but est de vous former à cette grande étape de la vie, un peu technique certes, mais en la mettant à la portée de tous. On explique aux mamans qu’elles peuvent, si elles le souhaitent, bénéficier d’une péridurale. On fait passer dans les rangs une ventouse et des forceps. On répond aux questions des plus simples aux plus saugrenues.

L’allaitement

Au chapitre de l’allaitement, le Walter Reed étant un hôpital « ami des bébés » et partenaire de la Leche League, tout est fait pour vous convaincre qu’allaiter bébé est fait pour vous, on vous donne même un sein en tissu à palper, le mieux étant d’allaiter le plus longtemps possible, jusque quatre ans… et toutes ses dents ?! Je me tourne vers mes camarades de classe, cherchant un visage ami, personne ne bronche, oups. Tout cela est en réalité très amusant, j’aurais envie de prendre des photos et d’interviewer les gens, très occupés à snacker, pizzas et paquets de chips à la main.

Je fais le calcul : 13% seulement des Américaines ont accès à une forme de congé maternité payé, selon le Bureau of Labor Statistics ; d’ailleurs un quart des mères retourne travailler deux semaines après la naissance – et tire son lait au bureau grâce à des tireuses à lait en vente en grandes surfaces. Comment font-elles ?

L’accouchement

Une autre formation consacrée aux soins du nourrisson nous apprend à changer une couche comme un pro et à donner le bain à un baigneur dont on peut choisir la couleur de peau. Au fil des mois, nous apprenons à maîtriser le vocabulaire technique afin d’être autonomes pour le grand jour. Delivery, qui jusque-là nous évoquait la « livraison » de nos colis, est le terme choisi pour signifier « accouchement ». Tous les mois lors des visites, je peaufine mon Birth Plan et nous voyons notre petit pois prendre de plus en plus de place, l’émotion grandit et un sentiment d’inconnu aussi. Bref on s’amuse bien !

Enfin le jour J arrive, un peu par surprise, je suis admise à l’hôpital très rapidement : le service est vide et tout le staff est là pour s’occuper moi. L’ambiance est détendue, sympathique, j’ai l’impression que je vais rentrer ce soir à la maison et revenir le lendemain, ce n’était pas l’idée que je me faisais d’un accouchement. On signe des liasses et des liasses de papier (des décharges en cas de complications). Je tâche de ne pas trop écouter tout ce qui pourrait arriver. On me demande si mes convictions religieuses nécessitent des mesures particulières. On nous appelle par commodité « Mummy » et « Daddy ». Et quelques heures plus tard, notre baby boy est là, dans nos bras. « Welcome to the American life. »

Se rencontrer pour la première fois ça chamboule tout. J’ai envie de relier les lettres de ton prénom comme une constellation d’étoiles formée dans le ciel. Je pense très fort à tout ce qu’on ne dit pas, à tout ce qui est plus grand que nous, que toi – pour toujours, et je me dis que vu de l’espace, nous sommes bien peu de choses. Face à tout ça, notre vulnérabilité me dépasse, m’agace, et pourtant, la batterie de médecins qui se succèdent dans la chambre me l’affirment, « votre bébé est dans la safe zone ».

Un grand voyage

On échange beaucoup de messages car ce n’est pas simple de vivre une naissance à 6000 km de chez soi. Lorsque nous passons les premiers coups de téléphone vers la France, c’est la surprise au bout du fil : là-bas, c’est le matin, c’est déjà demain, et nous nous sommes encore à hier, à maintenant en fait, et chaque minute compte pour notre bébé qui démarre sa vie. Avec le décalage horaire, on obtient des amies les conseils dont on a besoin en un temps éclair ! « Allô ? Comment fais-tu quand ton bébé fait du vélo avec ses bras et que ça l’empêche de dormir ? Ça fait ça aussi chez toi ? »

Accoucher loin de « chez soi » ? Et pourtant, moi je pensais que chez nous, c’était ici ! Un nouveau citoyen américain est né cette nuit, sera-t-il ici chez lui ? Et qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire, être citoyen américain ? Je me fais ces réflexions et j’imagine : depuis trois ans, nous vivons ici, nous habitons ces lieux et nous nous imprégnons de culture américaine, elle nous définit un peu aussi. Etrange et ambigüe, cette position d’entre-deux : on s’acculture, on se métisse, mais on ne se démétisse pas.

Partis à deux, revenus à trois, à notre retour chez nous on chuchote car on a peur de te réveiller. Notre bébé dort beaucoup, cela nous surprend, il est juste un peu fatigué de son grand voyage. Moi aussi j’ai l’impression de revenir d’un grand voyage, de très très loin sans avoir bougé, comme si je devais puiser tout au fond de moi, pour tout, c’est indescriptible, heureusement celles qui sont passées par là sont là et vraiment MERCI.

Dépasser ses propres obstacles

Premier jour chez nous : on a passé de trop chouettes moments tous les trois. On a pris un bain en écoutant des comptines et en suivant les conseils de la formatrice ; l’allaitement marche bien, c’est parti pour quatre ans ! Vers 23h, on est trop fiers de t’avoir bien préparé pour dormir et on tope, en se disant qu’on ne s’en sort pas trop mal. Mais surprise ! La couche déborde et bébé réclame à manger tout le temps, il a contrecarré nos plans, on passe la nuit à se relever.

Et puis… les jours passent, l’un après l’autre. C’est fou comme le temps passe vite, on me l’avait dit mais je n’avais pas entendu. La peur cède la place à l’émerveillement et la confiance. Soudain l’expression « les nuits sont courtes » me semble erronée, ce n’est pas du tout ça : les nuits sont aussi longues qu’avant, mais on dort si peu et on a une vie nocturne… étonnante.

Qui dit retour à la maison dit aussi visites à la maison : notre bébé a déjà un sacré carnet de bal, et même si c’est surtout le bébé que nos amis d’ici viennent voir, la présence et l’affection dont ils nous entourent nous vont droit au cœur. La baby shower n’ayant pu avoir lieu, une fête de naissance est organisée. Notre bébé a un succès fou auprès de la communauté d’expats très bienveillante, je ne vous raconte pas !

Dans quelques semaines, on va retourner au Walter Reed pour faire des vaccins, ça va pleurer dans les chaumières (surtout la nôtre !). Un médecin baraqué en treillis prendra sous son aile notre petit renardeau sorti des bois et Ms Sugar, la nurse, va lui refaire des piqûres (elle a beau faire de son mieux, je ne l’aime pas beaucoup). Pourtant la déco du service de pédiatrie, sponsorisé par Disney, est là pour nous remonter le moral. Alors en attendant, on reste au chaud et on le garde encore un peu pour nous, en observant les derniers flocons de l’hiver tomber sur les toits.

Qu’est-ce qui m’arrive, quel est ce changement qui s’opère en moi ? On dit qu’aimer c’est apprendre à dépasser ses propres obstacles. C’est une œuvre de patience, qui se construit lentement, un travail de la volonté, un travail dans le temps sur ma volonté. Michel Rocard disait que les bonnes choses mettent du temps à naître.

Gros baisers pleins de lait

 

Marie Amélie Léon

https://flymetodc.wordpress.com

photo @expectful

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