Publié
Merci à Isaure pour son témoignage autour de cette maladie si difficile à diagnostiquer : l’endométriose. Elle nous raconte son parcours et les conséquences de sa maladie pour tomber enceinte. Merci à elle pour ce beau témoignage !
Que cela vous étonne ou non, c’est sans aucun doute la phrase que j’ai la plus entendue depuis mon adolescence concernant les dysménorrhées – douleurs pendant les règles, un joli mot tout à fait limpide n’est-ce pas ? On pourrait presque croire à un prénom antique sorti d’une tragédie d’Eschyle, mais en fait non !
« C’est normal pour une jeune fille ou une femme de souffrir quand elle a ses règles, c’est comme ça, tu es une fille donc tu souffres et tu peux te taire parce qu’on n’y peut rien. De toute façon, moi aussi j’ai mal au ventre quand j’ai la gastro, et je trouve ça désagréable mais je n’en fais pas tout un plat… » Ok. C’est un peu comme si tu disais à un migraineux que toi aussi ça t’arrive d’avoir « mal à la tête » alors qu’il doit s’enfermer dans le noir sans pouvoir penser et avec la seule envie de se frapper la tête contre un mur pour que cela s’arrête.
Personnellement, je me suis toujours accommodée de ce « c’est normal ». Malheureusement, et les migraineux me comprendront, je suis habituée à la souffrance physique… À cette douleur fracassante qui paralyse et qui n’a ni but ni remède. Comme pour les migraines, je me suis résignée à avaler des anti-inflammatoires chaque mois afin de pouvoir à peu près tenir debout. C’est le médecin qui le dit, donc c’est que ça doit être normal.
C’est une nuit d’hiver qui m’a mis la puce à l’oreille. Je souffre tellement que mon mari appelle le 15. Ils m’envoient un médecin qui tarde à venir. Quand il arrive, la crise est passée. J’ai le droit à un haussement de sourcils et à une ordonnance de spasfon.
Ça fait bien longtemps que le spasfon ne m’est d’aucun secours. Cette visite m’a révoltée, j’ai eu l’impression d’être traitée comme une geignarde qui lui faisait perdre son temps, une petite nature qui s’affolait pour un rien. C’est à ce moment là que j’ai fait le lien. Et si toute cette souffrance physique avait un lien avec le fait que nous n’arrivions pas à avoir d’enfants ?
Pour la réponse à l’idée reçue : non, ce n’est évidemment pas normal de souffrir. La douleur est une manifestation que quelque chose cloche dans votre corps. Ce n’est pas forcément grave ni catastrophique… Mais cela peut-être très embêtant. Pas une seule fois en 8 ans je n’ai entendu parler de cette endométriose. Et pas une seule fois l’on m’a dit que je pouvais avoir une maladie, pas une seule fois on m’a dit que c’était anormal de souffrir ainsi.
PS : je n’ai pas l’habitude d’étaler ma vie, je ne le fais pas pour moi, je le fais pour toutes ces femmes qui souffrent sans être considérées et qui méritent d’être écoutées et soutenues (je ne peux malheureusement pas dire « soignées », on en parlera plus tard). J’ai eu de la chance d’avoir un super médecin qui, s’il n’a pas su me diagnostiquer, a reconnu sa méconnaissance de la maladie et a souhaité se renseigner dessus car « je vous avoue, nous connaissons mal cette maladie, alors nous ne l’aimons pas et nous la sous-diagnostiquons ».
RDV pris avec le meilleur gynéco de la ville, je lui explique mes douleurs et notre désir d’enfant, après une échographie rapide, il me déclare : « je ne pense pas que vous ayez de l’endométriose, vous êtes trop jeune. Si vous ne vouliez pas d’enfant, je vous prescrirai la pilule mais là du coup, essayez encore pendant trois mois et si vous n’êtes pas enceinte d’ici là, revenez me voir ».
Sauf que je ne vais pas attendre, j’attends déjà depuis trop longtemps et je souffre trop de ne pas avoir d’enfant. Je ne veux plus ne rien faire et attendre qu’on me dise de « revenir plus tard ». Inutile de préciser que je ressors frustrée et très insatisfaite de ce rendez-vous. J’attendais des réponses et j’ai le droit à un « vous êtes trop jeune ». J’ai 24 ans et je suis mariée depuis un an et demi.
Je ne sais pas trop par où commencer donc je recherche ce qu’est l’endométriose, puisqu’il en a parlé. On ne sait jamais. Je me sens vaguement concernée. Ce qui m’intéresse surtout c’est de savoir si je vais pouvoir avoir un enfant et quand. Je me renseigne sur la Naprotechnologie (il s’agit, pour ceux qui ne connaissent pas, d’une méthode qui allie observation du cycle féminin et examens médicaux afin de déceler ce qui pose problème et de le résoudre. Le suivi se fait par une instructrice et un médecin formé). On m’en a parlé de loin. Deux mois plus tard, nous sommes reçus par le médecin. Après m’avoir écoutée (enfin, je suis écoutée) et avoir observé ce que je lui ai apporté, il me dit « je pense que vous avez de l’endométriose, vous allez faire une IRM ».
J’ai fait cette IRM, j’ai toujours 24 ans et pourtant, le diagnostique tombe dans la salle d’attente, à ma sortie de la pièce d’IRM. Oui, dans la salle d’attente, devant d’autres patients, des illustres inconnus qui sont assis à côté de moi. Comme ça, tout le monde sait que j’ai une maladie gynéco et je dois me retenir de pleurer, pour ne pas me donner en spectacle. Avec le recul, je me demande comment j’ai pu ne pas faire un scandale de ce manque de considération ! Peut-être que j’étais trop sonnée (et trop occupée à vomir à cause du produit de contraste 🤪). Heureusement, j’ai une super amie à mes côtés.
Maintenant, je m’interroge, comment un gynécologue expérimenté et reconnu a-t-il pu me dire une énormité pareille et me laisser repartir sans rien, sans examen ni ordonnance ? Parce que l’endométriose ne s’intéresse absolument pas à notre âge. Elle évolue avec le temps, c’est certain, et plus les années passent, plus elle risque de s’étendre. J’ai eu beaucoup de chance pour cela car si je ne m’étais pas mariée si jeune et que nous n’avions pas essayé d’avoir un enfant, j’aurais pu attendre encore des années, que la maladie se développe et s’étende à d’autres organes, qu’elle me pourrisse la vie un peu plus avec des « revenez plus tard » ou « prenez la pilule » (entre nous, j’étais déjà suffisamment esclave de mes douleurs pour ne pas m’enchaîner davantage avec un médicament à prendre chaque jour qui m’aurait dépossédé de mon propre corps).
Malheureusement, cette attente du diagnostic, ce manque d’écoute et de considération concernant le tabou des dysménorrhées enferment beaucoup de femmes, quel que soit leur âge, dans leur souffrance.
Quand j’ai dit à mon médecin traitant que j’avais de l’endométriose et que j’avais été opérée, il m’a répondu qu’il se félicitait de m’avoir envoyé vers ce gynécologue. Je lui ai expliqué que ce dernier pensait justement que j’étais trop jeune pour cette maladie et mon médecin a eu cette réponse qui m’a beaucoup touchée : « vous avez eu raison d’aller chercher des réponses autre part si vous n’étiez pas satisfaite, nous ne connaissons pas cette maladie et nous ne l’aimons pas ».
En résumé : peu importe l’âge, la maladie peut se déclarer n’importe quand. Je ne sais pas depuis combien de temps je l’ai en moi, elle grandit avec le temps ; mais je sais que si nous n’avions pas eu ce désir d’enfant, je ne serais peut-être toujours pas diagnostiquée ! J’ai eu la chance avec la Napro de découvrir la maladie très rapidement à partir du moment où j’ai débuté un suivi médical. Pour certaines femmes, cela prend des années, car ce n’est pas considéré comme important. D’où l’annonce en salle d’attente…
La phrase du gynécologue m’avait marquée « je vous aurais prescrit la pilule », donc on ne va pas chercher plus loin. Vous souffrez, voici un cachet miracle qui résoudra tous vos problèmes (enfin presque… parce que pour l’infertilité… hum 🤪). On n’est pas loin de la pilule du bonheur.
Et pourtant… Il est vrai que la pilule est très souvent prescrite pour les femmes atteintes d’endométriose, afin de soulager leurs douleurs ou d’éviter une propagation trop rapide de la maladie : la pilule en créant des cycles artificielles est censée stopper le processus de l’endométriose. Car cette maladie avance avec les cycles : chaque mois, au moment des règles, l’endomètre se désagrège et s’évacue. Chez les femmes atteintes d’endométriose, certaines cellules décident d’aller se balader dans les organes voisins (puis de plus en plus loin, ça peut se restreindre aux ovaires comme partir migrer dans les organes les plus improbables (genre les poumons ou le cerveau… oui oui). A chaque nouveau cycle, ces cellules voyageuses saignent et provoquent des douleurs là où elles sont installées.
La pilule, donc en stoppant les cycles naturels, réduisent ces douleurs (sans forcément les faire disparaître, ça dépend des femmes).
En réalité, ce qui me gêne n’est pas tant sa prescription en vu d’un soulagement (même si je n’ai jamais été très attirée par elle, bien au contraire) mais plutôt le fait que comme on a la pilule, on ne va pas chercher plus loin et que personne ne semble trop pressé de trouver un traitement curatif à l’endométriose.
Il existe d’autres « traitements » de l’endométriose, à savoir l’opération chirurgicale par coelioscopie (pour enlever, quand c’est possible, les cellules concernées) et la ménopause artificielle (trop glamour).
Ce qui est finalement assez remarquable, c’est l’énergie que déploient certaines femmes pour trouver à se soulager elles-mêmes. Je suis sur un groupe d’endogirls ayant révolutionné leur alimentation pour mieux vivre. A les lire, et je les crois volontiers (je n’ai pas mis ce régime anti-inflammatoire pour moi-même, je l’ai découvert après mon opération et n’en ai, par chance, pas eu besoin pour le moment), le résultat est bluffant. Cela leur demande des efforts (des légumes bio à l’éviction du gluten et de la viande rouge pour certaines – je raccourcis), une vie parfois un peu en marge mais elles y trouvent un véritable confort de vie, qu’elles ne trouvent pas ailleurs.
PS : je parle d’une attitude générale quand j’évoque le peu de cas et d’attention portés aux femmes atteintes d’endo, j’ai eu la chance de rencontrer également des médecins exceptionnels qui se sentaient très concernés. Mais le fait est que la recherche sur l’endométriose est… légère !
Vous l’aurez compris, l’endométriose a été diagnostiquée chez moi car on la soupçonnait d’être à l’origine de notre infertilité. Cela dit, cette infertilité ne touche pas toutes les femmes atteintes d’endométriose, loin s’en faut. Pour être précise, on estime qu’une française sur dix est touchée par la maladie mais parmi ces femmes, seulement une sur sept est concernée par un problème d’infertilité (c’est mon ticket gagnant, je devrais jouer à euro millions 😄).
Certaines femmes ne découvriront donc jamais leur maladie ou très tardivement car elle auront eu des enfants sans trop de souci (et que leurs douleurs sont décrétées « normales »), d’autres feront des fausses couches à répétition, d’autres n’auront jamais d’enfant. Comme pour tout le reste (symptômes, évolution de la maladie etc), l’endométriose sera unique pour chacune.
Par ailleurs, chez la plupart des « endogirls », la grossesse annihile les douleurs et l’évolution de la maladie (qui reprend plus ou moins après l’accouchement ou le retour de couches). On conseille donc aux femmes d’allaiter le plus longtemps possible afin d’avoir un retour de couches tardif et de ne reprendre des cycles que le plus tard possible (ainsi, on « retarde » le retour de la maladie).
Mais pour ce septième du dixième des françaises restantes, la plupart des gynécologues vont proposer, assez naturellement et après l’arrêt de la pilule, de passer directement par l’étape PMA ; ce qui donne lieu à un défilé d’infirmières et de sages-femmes ébahies quand elles apprennent que, oui, j’ai été opérée d’endométriose et que, oui, ma grossesse est naturelle.
Ce n’était pas gagné pourtant et ce pour d’autres raisons que l’endométriose (pour faire court, on nous a dit clairement qu’on pouvait prier pour un miracle, nous ne souhaitions pas avoir affaire à la FIV – notre miracle est arrivé un mois après cette annonce fracassante dans nos vies).
Toujours est-il que l’endométriose est tellement protéiforme que l’on ne peut en faire des généralités ni dans un sens ni dans l’autre. Certaines femmes ont des endométrioses si violentes dans leur récidive (du genre, une opération par an) qu’un enfant ne peut hélas venir s’installer, d’autres ont des bébés miracles, pour d’autres encore, l’endométriose ne récidivera pas après l’opération (lucky one dont je devrais faire partie selon mon chirurgien… Mais je me méfie quand même, au cas où, on n’est jamais trop sûr de rien avec cette compagne indésirable 🤨).
Il y a plus de femmes que l’on croit qui tombent enceinte suite à une opération, ce n’est pas un traitement miracle bien sûr mais pour moi, c’est le meilleur. Il a clairement changé ma vie ! Petite Rose s’est manifestée 4 mois après mon opération, après des années de souffrance et plus de deux ans d’attente (une autre forme de souffrance). Nous espérions, bien conscients de notre chance infinie, que le miracle ne serait pas isolé.
Et nous avons maintenant notre Joseph ! De l’espoir pour celles qui souffrent et se questionnent, sans non plus distribuer du rêve à qui en veut. Voici ce pour quoi je témoigne ici, non pas pour parler de moi, ni pour faire ma malheureuse mais pour faire connaître cette maladie et ce qu’elle peut engendrer de douleurs et de tristesse, pour que chacun soit plus attentif à sa voisine, pour changer le regard des gens sur cette femme qui va s’isoler en soirée pour s’allonger sur un canapé, pour que celles qui s’interrogent ne se sentent plus seules et osent franchir la porte d’un spécialiste !
"Gaspard, entre Terre et Ciel" : Témoignage d'un père face à la maladie et au deuil
Le combat des parents d’un enfant atteint d’une maladie grave: rendre chaque jour restant le plus beau possible dans la maladie
"Mères malgré tout"- Récit bouleversant sur le deuil périnatal
Tomber enceinte après un cancer du sein c'est possible ! Témoignage d'Agathe devenue maman…