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Sentiment de sécurité chez l'enfant : parents sereins avec leur histoire personnelle

 
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Dans l’article précédent sur « L’importance de l’attachement dans la petite enfance », j’avais insisté sur la nécessité d’instaurer une relation cohérente, continue, chaleureuse et bienveillante avec son bébé pour lui assurer un sentiment de sécurité interne et un bon développement social, émotionnel et intellectuel.

Malgré votre sentiment d’apporter tous ces éléments à votre enfant, peut-être continuez- vous à observer des signes d’insécurité chez lui ? Et vous vous demandez « Pourquoi » ? Et bien, cela est normal. La compréhension de la théorie de l’attachement et l’apport des éléments clés à son enfant ne suffisent pas entièrement à lui garantir un attachement sécurisant. De nombreux autres facteurs psychologiques et biologiques sont à prendre en compte, comme l’histoire du parent, son inconscient et sa génétique.

Sentiment de sécurité chez l’enfant :

Répétition transgénérationnelle de l’attachement par la psyché : l’histoire du parent et son inconscient

Le parent recréé inconsciemment avec son enfant la relation d’attachement qu’il a vécue avec ses propres parents.

– En effet, la naissance du tout-petit réactive inconsciemment chez le parent ce qu’il a été au même âge. Ce dernier a ainsi tendance à projeter sur son enfant ses propres manques et ses propres besoins, pensant qu’ils correspondent à ceux de sa progéniture. Par exemple, un parent conscient d’avoir manqué de l’amour ou de la présence de ses géniteurs va avoir tendance à se comporter de manière à pallier ces carences affectives au risque de couver son enfant. Ou encore : si le parent souffre de ne pas avoir fait d’études, il aura tendance à insister auprès de son enfant pour que celui-ci suive le parcours éducatif tant rêvé en pensant prévenir de regrets futurs. Cependant, les besoins de chacun sont différents. Cela est vrai pour un enfant qui est une personne singulière à part entière avec des besoins et des désirs propres qui se distinguent de ceux de ses parents. Le tout-petit n’est pas un objet que l’on sculpte à son gré. Aussi faut-il toujours rester à l’écoute de ses souhaits et de ses besoins sans projeter ceux que nous avions au même âge.

– Le parent qui projette ses propres besoins n’a souvent pas reçu de soins et d’écoute adaptés dans son enfance. Et c’est ce qu’il est justement en train de répéter avec son propre enfant : à son tour, il ne satisfait pas ses envies réelles. Il anticipe les besoins de ce dernier au prisme de sa propre histoire, sans être véritablement dans une attitude d’écoute ou en interprétant mal ce que lui exprime son enfant. Ce manque d’adaptation entraine de la frustration et de l’incompréhension des deux côtés : l’enfant ne se sent pas entendu, et le parent pas reconnu. Voici un exemple : si quelqu’un vous offre 5 euros alors que vous n’avez rien demandé, vous serez surement surpris, peut-être touché et au pire blessé. Mais si vous recevez les 5 euros qui vous étaient nécessaires pour acheter votre sandwich, vous serez immensément reconnaissant du geste de votre bienfaiteur et vous saurez le lui exprimer. Il en va de-même avec les enfants : ils ressentent de la gratitude envers leurs parents quand ceux-ci s’adaptent à leurs besoins et savent y répondre au moment opportun. A l’inverse, ils sont étonnés ou blessés si vous interprétez ou anticipez leurs souhaits.

– Si le parent a accumulé en lui beaucoup d’angoisses au cours de son enfance, il risque d’être inquiet en tant que parent et de transmettre inconsciemment cette insécurité profonde à son enfant, malgré son intention de dissimuler ses craintes. Comme expliqué dans l’article sur « L’importance de l’attachement dans la petite enfance », le cerveau du bébé n’est pas le même que celui d’un adulte. Le cerveau émotionnel d’un enfant est en pleine évolution alors que son cerveau rationnel est moins développé. Cela entraine chez le tout-petit une hypersensibilité qui lui fait éponger et ressentir dans son corps les incohérences et les angoisses de son parent. Ainsi, même si le parent cherche à rassurer son enfant (« c’est pas grave », « tout va bien », « y’a aucun problème », etc.), alors qu’en réalité il est angoissé, l’enfant sent et absorbe l’insécurité en lui. Il encode le message : « le monde est dangereux ».

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L’enfant reçoit alors un double message : rationnel (« Tout va bien ») et émotionnel (« En fait, ça ne va pas »). Cette confusion entraine de l’incompréhension et un sentiment de culpabilité. En effet, tous les enfants se sentent toujours responsables du malaise de leurs parents. C’est pourquoi il est indispensable que l’adulte soit constamment transparent et rassurant – tout en restant évasif sur les sujets des « grands » et en adaptant le discours à l’âge de l’enfant. Par exemple, si les parents traversent une période de crise dans leur couple, l’enfant ressent ce stress et développe un sentiment de culpabilité. Pour soulager l’inconfort de l’enfant, les parents doivent mettre en mots ce qui se passe et le tranquilliser : « La période n’est pas facile en ce moment, mais tu n’y es pour rien et les choses vont s’arranger. Ce sont des histoires de grands, tu n’as pas à t’en soucier. Papa et maman vont trouver des solutions, tu peux rester tranquille. »

– Si le parent a lui-même intégré ces sentiments de culpabilité et d’incompréhension dans son enfance, il peut en transmettre les stigmates à sa descendance. En effet, un parent fragile recherche inconsciemment dans son enfant une manière de combler ses manques et ses besoins. Le bébé, qui s’adapte toujours à son environnement (cf. l’article sur « L’importance de l’attachement dans la petite enfance »), prend alors ce rôle « d’enfant modèle » dans le but inconscient de rassurer l’adulte sur le fait qu’il est un bon parent. Ou encore, il « colle » son parent en répondant inconsciemment au besoin de celui-ci de se sentir aimé et important. Et s’il ne répond pas aux besoins de son géniteur, ce dernier risque d’être touché par son comportement (« S’il pleure, c’est que je ne suis pas une bonne mère », « Il aime plus son papa que moi car il pleure moins avec lui », « il ne se rend pas compte de tout ce que je fais pour lui ! », etc.). Du ressentiment, de la culpabilité et de la honte se développent chez ce parent fragile, sentiments que le bébé éponge en lui. Un cercle vicieux s’enclenche alors : à son tour, l’enfant ressent de la colère, de la culpabilité voire de la honte en intégrant le message envoyé par son parent qu’il n’est pas assez bien, qu’il devrait être différent…

Etre en sécurité, c’est ne rien attendre de son enfant sinon le bonheur qu’il existe et accepter qu’il n’ait plus besoin de soi. Un parent sécurisant permet à sa progéniture de voler de ses propres ailes. En ayant la capacité de comprendre les besoins de son bébé et de s’y adapter, le parent créé un attachement sécure avec son enfant qui intègre une représentation du monde positive, bienveillante et prévisible. Cela autonomise l’enfant qui apprend à se détacher pour vivre librement et satisfaire ses envies, ses besoins et ses choix.

A l’inverse, un parent trop fragile risque de souffrir de la volonté d’indépendance de son enfant. Or, si le besoin de l’enfant –besoin universel- de se construire en tant que personne unique et séparée n’est pas satisfait, il risque d’entrer dans une rébellion intense (« J’en ai marre de toi, laisse-moi faire ce que je veux ! ») ou dans une soumission qui développe le sentiment d’impuissance et augmente fortement la menace de dépendance et de dépression.

-L’un des éléments clés qui apporte le sentiment de sécurité chez l’enfant est donc la sérénité de ses propres parents. Or, cette paix intérieure dépend en partie de l’attachement que ces derniers ont reçu dans leur enfance de la part de leurs géniteurs. C’est pourquoi, il faut se méfier des manuels qui décrivent des techniques d’éducation rigides et adaptables à tous. Le plus important est de se poser les bonnes questions qui ne portent pas que sur l’enfant mais sur le parent : Suis-je moi-même épanoui ? Etais-je un enfant libre, heureux ou triste et renfermé ? Comment mes parents se comportaient avec moi ? M’écoutaient-ils ? Reconnaissaient-ils ce que je vivais émotionnellement ? M’aidaient-ils à trouver des solutions qui me convenaient face aux problèmes rencontrés ? Me sentais-je en sécurité avec eux ? … Apporter une réelle sécurité interne à son enfant demande un travail personnel et profond car le passé est beaucoup plus présent en nous qu’on ne le croit. D’où ces questions que le parent doit aussi se poser sur sa propre enfance.

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Sentiment de sécurité chez l’enfant :

La transmission biologique de l’insécurité : la vulnérabilité au stress se transmet de génération en génération.

– Le stress a un impact sur la biologie : le vécu corporel d’un évènement angoissant touche directement le cerveau humain. En effet, le système de réponse au stress est géré par le cerveau qui sécrète le cortisol. Quand le cerveau perçoit un agent stressant, il libère du cortisol dans le corps afin de garantir un état d’alerte optimal. Ainsi, les muscles reçoivent l’énergie nécessaire pour fuir ou combattre la situation menaçante.

Dans le cas d’un stress normal, lorsque suffisamment d’hormones de stress ont été secrétées, le niveau de cortisol baisse pour rééquilibrer le taux de cette hormone dans le corps. Mais suite à un évènement vécu comme traumatisant, et en cas de trouble de stress post- traumatique (PTSD), la biologie du stress se dérègle : le niveau de cortisol tombe très bas et reste à un niveau faible. Or, le niveau de cortisol gère l’anxiété et la dépression. En effet, un niveau faible de cortisol dans le corps entraine des effets pénibles comme une baisse d’énergie, une incapacité à réagir face à des chocs émotionnels, des difficultés de concentration, ou encore un dérèglement du rythme du sommeil. La production de cortisol a donc un impact direct sur la qualité de vie, l’énergie et le bien-être.

– Les études de Rachel Yehuda, professeur en psychiatrie et neurosciences aux USA, montrent que le taux de cortisol sécrété par le corps est transmis de génération en génération par l’intermédiaire des gamètes. En effet, elle a développé des études avec les enfants de femmes enceintes rescapées du 11 septembre 2001 ainsi qu’avec les descendants des survivants de l’holocauste. Elle a trouvé chez ces deux populations un niveau de cortisol plus bas que chez les enfants de personnes n’ayant pas vécu de trouble post traumatique (PTSD). Ces études prouvent que, déjà pendant la grossesse, le fœtus a accès au niveau de cortisol de sa maman. De même, les enfants des survivants de l’holocauste décrivent des symptômes similaires à leurs parents et sont plus sujets à l’anxiété et à la dépression alors qu’ils n’ont eux-mêmes par vécu les évènements traumatisants. D’autres études menées sur les souris en arrivent à la même conclusion : un stress vécu par une souris qui vient de naitre a des répercussions comportementales et métaboliques sur au moins deux générations, même si les descendants n’ont jamais connu leurs géniteurs (études sur des souris fécondées in vitro). Toutes ces recherches prouvent que les symptômes de stress post traumatique se transmettent biologiquement aux générations suivantes.

– Attention, le traumatisme est un ressenti subjectif ! Il correspond à un vécu intense durant lequel la personne est débordée par une émotion et une situation qu’elle ne peut pas contrôler. Cette impuissance face à une expérience vécue comme extrême peut déboucher sur un état de stress post traumatique, quel que soit l’évènement. Se sentir humilié face à une classe, être témoin de disputes entre ses parents, subir des violences verbales, des abus physiques, une remarque déplacée d’un ami, une séparation… Toutes ces scènes sont autant d’exemples qui peuvent entrainer un état de stress post traumatique dont l’un des symptômes clés est la faible sécrétion de cortisol dans le corps.

Sentiment de sécurité chez l’enfant :

L’importance de l’épigénétique dans la compréhension biologique de la réponse au stress.

-Rachel Yehuda a cherché à comprendre comment un individu, qui est pourtant sensé garder le même ADN toute sa vie, peut se comporter si différemment et se sentir si changé avant et après un traumatisme. En effet, on entend souvent chez une personne souffrant d’état de stress post-traumatique : « Depuis que ça m’est arrivé, je ne suis plus la même personne ». Et tout s’explique par l’épigénétique.

– L’épigénétique est un domaine en plein développement qui révolutionne les sciences.
Alors que nous pensions que l’ADN d’un être-humain était toujours le même et s’exprimait tout au long de la vie de manière identique, les études montrent aujourd’hui que les gênes de l’ADN s’activent ou s’inhibent selon l’environnement et l’histoire de l’individu. Nous comprenons tout juste que ce n’est pas parce qu’on nait avec un patrimoine génétique que l’on en reste prisonnier toute notre vie. Des changements s’opèrent continuellement, en fonction de facteurs extérieurs. Cette idée explique de manière très simple comment nous pouvons nous sentir changé au cours de notre vie. Un traumatisme peut notamment modifier profondément l’expression des gènes : ce n’est pas la personne qui vit dans le passé mais le passé qui vit en elle et dans les générations suivantes… En effet, les symptômes d’un stress post traumatique se transmettent de génération en génération. C’est également le cas de la capacité de résilience, c’est-à-dire la capacité à sortir de la dépression et de l’anxiété.

Le premier chat cloné, Rainbow, confirme que l’ADN n’est pas figé : ce chat ne ressemble pas à son original, malgré un ADN tout à fait identique. De même, les empreintes génétiques de vrais jumeaux sont plus semblables au début qu’à la fin de leur vie …

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Rainbow, chat cloné

 

– Notre organisme et notre personnalité sont donc en constant changement, ils s’adaptent continuellement à leur environnement et aux évènements extérieurs. Cette prise de conscience de l’épigénétique est révolutionnaire. Elle constitue une étape très positive dans la compréhension de nos comportements et confère une grande puissance à l’être humain. En effet, nous pouvons faire évoluer l’expression de notre ADN et ces changements se transmettront aux générations suivantes. Nous avons un grand rôle à jouer dans le bien être de notre descendance : nous pouvons accroitre sa capacité de résistance, son énergie et sa joie de vivre en améliorant notre qualité de vie.

Avoir conscience de son patrimoine génétique permet de mieux comprendre ses comportements, de mieux les accepter et cela donne le pouvoir de les changer plutôt que d’en être prisonnier. Connaitre ses racines c’est se délester des bagages transgénerationnels et alléger les générations futures du poids de son histoire. Il s’agit donc de se responsabiliser et de prendre conscience de soi pour en sortir grandi. Ces stratégies d’adaptation et de guérison se transmettent tout autant que les symptômes d’un stress post traumatique.

Le comportement des figures d’attachement peut notamment reprogrammer la biologie du stress du bébé. Les modifications génétiques se faisant au contact d’un environnement moins stressant, bienveillant et apaisant, il est essentiel que les parents aient une conscience profonde et personnelle de leur propre histoire afin de s’en libérer et d’offrir à leur descendance un environnement profondément sécurisant.

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Conclusion

La transmission au bébé du sentiment de sécurité se fait au contact d’une relation cohérente continue et chaleureuse avec la figure d’attachement dans l’enfance. Cependant, des facteurs entrent en jeu dans ce lien. L’histoire du parent et son inconscient ont un impact dans la relation d’attachement créée et dans l’épanouissement de l’enfant. La biologie et la transmission génétique jouent également un rôle essentiel dans la capacité de l’enfant à résister au stress du quotidien, à faire face aux chocs plus intenses et à se réaliser avec bonheur tout au long de sa vie.

Les parents ont donc tout intérêt à faire un travail personnel pour dépasser leur histoire et trouver une paix intérieure qui aura un impact positif et direct sur leur descendance et la capacité de leur progéniture à vivre sereinement.
Lorsque des parents amènent leur enfant chez un psychologue, par exemple, celui-ci doit donc aussi travailler avec ses figures d’attachement : plus les adultes qui s’occupent de lui sont apaisés, plus l’enfant le devient lui-même.

Bien entendu, que chacun d’entre nous soit bien rassuré : il n’existe pas de parent parfait ni d’éducation idéale ! Nous avons tous notre propre histoire avec ses difficultés et ses failles. En avoir conscience afin de travailler sur soi dans son intérêt et celui de sa descendance est déjà un premier point. Un premier point mais un point essentiel …

 

Dans le prochain article, je développerai des méthodes permettant d’accéder à un profond bien être. La pleine conscience et la thérapie par l’Intégration du Cycle de la Vie (ICV) sont deux d’entre elles.

Bibliographie :

  • –  « Le cerveau de votre enfant », Dr. Daniel Siegel
  • –  « Les secrets de famille », Serge Tisseron
  • –  « How trauma and resilience cross generations », Rachel Yehuda
  • –  “Post-Traumatic Stress Disorder”, Rachel Yehuda
  • –  Recherches de l’INSERM
  • –  Article du Monde

Margaux Jaillant,
Psychologue clinicienne, thérapeute ICV

http://www.margauxjaillant-psychologue.com

 

© crédit photo emilylucarzphotography

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