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Ce témoignage n’est pas facile à écrire. Il me donne l’impression d’être très ingrate envers ceux qui m’ont élevée du mieux qu’ils le pouvaient j’en suis sûre. Je suis sûre qu’en le relisant je m’en voudrai terriblement et je me demanderai avec angoisse « Mes enfants aussi diront-ils ça de moi dans 30 ans ? ». Mais je dois le reconnaitre, je ne suis pas de celles qui vont copier l’éducation qu’elles ont reçue.
J’en garde de bons souvenirs et j’en retire de vraies forces mais j’ai l’intime conviction que la façon dont tout ce chemin a été parcouru n’est pas la seule qui nous aurait permis d’arriver au même point.
Nous nous sommes beaucoup entendus dire que nous étions trop bruyants, trop demandeurs et que nous mettions trop de bazar. « Allez jouer dehors les enfants, ne revenez pas avant que je vienne vous chercher », « Laissez-nous tranquilles », « Vivement lundi que vous retourniez à l’école », « 2 mois de grandes vacances c’est long ». Bien sûr, c’est un sentiment que je connais. Ce serait mentir que de ne pas reconnaître que parfois, je paierai pour qu’on les occupe 30 minutes pour que je puisse faire un truc sans être interrompue par d’incessants « Maman ». Néanmoins, j’essaie de ne pas trop le dire.
J’ai gardé en mémoire ces moments où j’avais vraiment l’impression de déranger mes parents sans qu’ils soient contrebalancés par un « je suis contente de passer ce moment avec toi », « Vivement le week-end »,…Or, même si les week-ends sont fatigants et les fins de journée épuisantes, pour rien au monde je ne laisserai ces moments à d’autres que moi. J’aime trop passer du temps avec mes enfants et je m’emploie à ce qu’ils le sachent.
On nous a comparés pour nous tirer vers le haut
Mes parents sont de la génération qui est convaincue que la compétition créé une volonté de se dépasser et de donner le meilleur. Mais cette recette ne marche pas avec tout le monde. Elle créé aussi des attentes non comblées, une culpabilité de décevoir, de la jalousie, un rejet de soi-même. C’est un mal dont j’ai énormément souffert petite « ton frère est plus … que toi », « à ton âge, il savait ceci il savait cela », « non mais toi c’est pas pareil »,…
Le sentiment de n’exister que dans la comparaison à un autre élément considéré comme la référence en la matière, le seul bien à atteindre a longtemps miné mes relations avec mes frères et sœurs et m’a donné l’impression que je n’étais rien du tout, que je n’étais pas assez bien. Aujourd’hui, mes enfants à moi sont très différents. Je ne peux que le constater.
Bien sûr je laisse échapper une comparaison de temps en temps mais je reste toujours vigilante à valoriser les uns et les autres et à ce que chacun entretienne des talents qui lui sont propres. Que chacun existe en tant que tel et en étant heureux dans ce qu’il fait plutôt qu’en étant bon.
Nous avons vécu dans un environnement limité par des interdits très clairs. Pour une grande partie très bénéfiques, mes frères et moi n’avons jamais vraiment fait de bêtise, nous sommes rapidement devenus assez responsables et raisonnables. Mais nous n’avons jamais compris le sens de certains interdits dits de la vieille école.
Interdit d’aller dans le bureau de papa, interdit de manger tel aliment réservé au père qui travaille toute la semaine, interdit de sortir jouer un peu dehors après le dîner l’été, interdit de se coiffer d’une certaine façon à un certain âge, de porter certaines couleurs,…tout une quantité de choses défendues dont je me souviens que je ne les comprenais pas du tout.
Lorsque je demandais un rationnel, j’étais menacée de représailles et m’entendait dire le magistral « C’est comme ça » qui ponctue beaucoup de conversations parents-enfants. Ne vous sentez pas visées ; moi aussi j’utilise cette phrase avec mes enfants. Mais j’essaierai de la bannir quand ils seront ados. Parce que franchement, il y a des âges où l’on veut bien se conformer à un interdit mais on aimerait quand même bien en comprendre la raison.
C’est un héritage culturel très lourd. Éduqués « à la dure », mes parents ont reproduit un schéma qui consiste à moquer un comportement ou une réaction pour forcer son enfant à le corriger. La censure du public. Mais j’en suis ressortie avec un sentiment d’être perpétuellement humiliée. Sans doute parce que ce principe n’a pas été contrebalancé par la valorisation d’autres actions. Aujourd’hui, d’une part, je ne ressens pas le besoin d’endurcir le caractère de mes enfants et d’autre part, je trouve injuste de se moquer. Parfois on peut rire ensemble d’une situation ou d’un acte mais me poser en censeur autoritaire n’est pas la bonne façon selon moi de les accompagner pour grandir.
Ecouter nos enfants est une habitude relativement récente. Hier, nos parents ont calmé nos humeurs plus qu’ils n’en ont écouté les raisons. Mes parents étaient dans le rejet de la « psychologisation» de tout, « à la Dolto ».
Les enfants sont là pour suivre les règles et si elles les dérangent, peu importe de comprendre leurs raisons ; ce qui compte c’est de les remettre dans le rang. Comment leur en vouloir ? Moi aussi j’ai essayé cette méthode…jusqu’à en constater l’échec total…depuis j’écoute et j’essaie d’être attentive dans la mesure de mes moyens et je reconnais que ce n’est pas toujours facile. Mais j’en vois les bénéfices au quotidien.
Nous n’étions écoutés qu’en cas de force majeure, résultats scolaires en chute libre, bêtise anormale, mal être continu et inexpliqué. Ce qui nous a souvent donné le sentiment qu’il fallait souffrir vraiment pour être entendu.
C’est l’enseignement le plus lourd et à la fois peut-être un des plus profitables sur le long terme. L’exigence. C’est encore une vraie question pour moi : faut-il être exigeant envers ses enfants ? quelle est la limite ?
Je garde des souvenirs compliqués des soirs où je ne rapportais pas les notes qu’il fallait, de mes performances sportives en tous genres vraiment pas à la hauteur, de ces apprentissages compliqués par lesquels il fallait passer car il était temps,…
J’avais peur de décevoir et j’ai mis très longtemps avant de comprendre que ce qui comptait n’était pas comment mes parents me voyaient, ni la satisfaction qu’ils pouvaient en retirer mais plutôt mon propre regard sur moi-même et ma propre estime de moi. Evidemment, aujourd’hui j’ai une profonde culture de l’effort. Je me donne les moyens de ce que je veux et j’accorde beaucoup d’importance au fait de me donner à 100%, de ne pas faire les choses à moitié. Mais est-ce vraiment grâce à ça ? Sans doute un peu. Mais qu’en aurait-il été si mes résultats ne s’étaient pas améliorés ? Si je n’avais pas trouvé une sphère d’excellence où je pouvais combler les exigences parentales ?
Cet article vous semblera surement très dur et très injuste envers mes parents et ma mère. Vous ne me croirez peut-être pas mais je n’ai pas de rancœur par rapport à l’éducation que j’ai reçue.
J’ai l’intime conviction que mes parents ont fait tout ce qu’ils pouvaient et ce qu’ils pensaient être bon pour moi. Ça ne m’empêche pas de remettre en question quelques beaux principes.
Je ne rejette pas tout en bloc mais je crois qu’il faut savoir prendre du recul sur l’éducation que l’on a reçue pour définir ses propres convictions.
© Photos Annaclick
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