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Je suis persuadée que tout ce que nous faisons par amour porte ses fruits. Même s’il faut parfois attendre patiemment pour les récolter ! C’est d’ailleurs ce que m’inspire le vaste sujet des limites. Pourquoi est-ce nécessaire ? Que doit-on interdire et que peut-on tolérer ? Comment faire preuve d’autorité sans être dans le rapport de forces ?
Il faut savoir donner des limites aux enfants. Parce que vous les aimez : je t’aime donc je ne cède pas. Je t’aime donc je te donne un cadre, avec des règles.
Il y a des règlements partout. A l’école, au travail, dans la société. Et à la maison.
Imaginez que vous vous promener dans une ville : pour circuler en toute sécurité, vous devez respectez le code de la route. Prendre les ronds-points correctement, s’arrêter au panneau Stop, respecter la limitation de vitesse, éviter les sens interdits, faire une pause au feu rouge et repartir quand il est vert, mettre sa ceinture de sécurité… Il y a parfois les gendarmes au coin d’une rue, parfois non. Mais, même quand ils n’apparaissent pas dans notre champ de vision, il est important de respecter ce code. Alors, de temps en temps, vous commettez une infraction et vous avez une amende, un retrait de points sur votre permis. Un peu comme ces petits bonhommes pas contents qu’on dessine sur le tableau du frigo. Mais s’il n’y avait pas toutes ces règles dans la ville où vous circulez, comment cela se passerait-il ? Ma fille me répond « les voitures iraient dans tous les sens ! Ce serait une catastrophe, il y aurait plein d’accidents ! ». C’est exactement cela.
Alors, même si nous, nous ne respectons pas toujours à la lettre les règles et même si, de temps en temps, nous les enfreignons, apprenons à nos enfants que le respect du cadre n’est pas nécessairement là pour les frustrer ou pour les agacer. Si nous leur donnons des limites à ne pas dépasser, si nous tâchons de les leur rappeler constamment, c’est tout simplement parce que nous voulons le meilleur pour eux. Je rappelle régulièrement à ma fille que si je hausse le ton parfois, ce n’est pas pour l’embêter. Que je l’aime bien trop pour la laisser prendre un mauvais chemin. Ce n’est pas la partie la plus facile ni la plus agréable. Ce n’est évidemment pas drôle de sévir, de gronder, de punir.
Mais posez-vous les bonnes questions : que va-t-il se passer si je cède, si je ne balise pas les choses ? Est-ce lui rendre service que de tout accepter ? L’autorité ne doit pas rimer avec sévérité. Autorité peut et doit aussi rimer avec les verbes aimer et respecter. L’enfant a une vie à construire et c’est à nous et nous seuls de l’aider à le faire bien.
Un enfant a besoin de limites : ne pas lui en poser revient à le mettre en danger, à lui manquer d’amour et de respect pour la personne qu’il est et qu’il deviendra. L’autorité parentale n’est pas une privation de liberté, une atteinte à la personnalité de l’enfant, mais bel et bien une chance sur laquelle s’appuyer pour se développer et s’épanouir. Bien menées, les règles contribuent à structurer l’enfant, à lui donner un équilibre, à le construire afin qu’il soit capable de mener l’existence qu’il aura choisie.
Françoise Dolto l’expliquait très bien : l’enfant n’est pas un sous-adulte qui doit attendre de devenir grand pour avoir le droit d’exister à part entière et sa parole a autant de valeur que celle d’un adulte. Cela dit, l’enfant reste aussi un être en construction et il a besoin de règles, de limites posées par les adultes. La limite, quand elle est posée justement, revient à dire à notre enfant « Je te respecte et tu as de la valeur à mes yeux, c’est pourquoi je ne te permets pas tout ». C’est l’absence d’éducation qui est une maltraitance. L’essentiel est de réussir à apprendre les règles à nos enfants, de leur en faire comprendre le sens et l’intérêt. C’est uniquement dans ce contexte que les règles seront intégrées de manière efficace et constructive.
Contrairement à une autre époque, le but n’est pas d’avoir des enfants dociles, passifs, obéissants à tout. On peut aujourd’hui donner à nos enfants la chance d’être acteurs de leur propre éducation : pour respecter les règles et les limites, il faut avant tout qu’ils les comprennent et qu’ils se les approprient. C’est la seule façon pour qu’elles leur servent à bien grandir.
Alors, certes, en théorie cela paraît bien simple, mais dans la pratique quotidienne les choses ne sont pas si évidentes. On ne peut pas toujours empêcher le conflit, le rapport de forces. Il est parfois inévitable à partir du moment où l’on sait que les règles vont nécessairement à l’encontre du désir premier de l’enfant qui est celui de la toute-puissance : faire ce qu’il veut, quand il veut, comme il veut. Forcément, la tâche n’est pas toujours sans présenter quelques difficultés ou sans générer quelques heurts.
Nos enfants sont amenés à vivre avec d’autres humains et, même si cela peut sembler d’une banalité affligeante, c’est souvent ce que je répète à ma fille. « Il y a les règles à la maison mais aussi les règles à l’école, les règles au travail, les règles en société… tu trouveras des règles partout, toujours. Et si tu acceptes de les comprendre et de les respecter, alors tu auras trouvé les bonnes clés pour l’avenir ». Les règles de la vie s’apprennent dès l’enfance. Pour cela il faut être convaincu de ce que vous voulez transmettre, de ce en quoi vous croyez, mais aussi de l’incarner, de montrer l’exemple. Un enfant insupportable est toujours un enfant en difficulté. Il faut comprendre que c’est dur pour l’enfant de respecter toutes ces règles. C’est à nous d’être là et de lui manifester notre compréhension, notre compassion, tout en maintenant les limites avec fermeté. « Je comprends que ça te déplaise, je comprends que tu sois triste ou énervé, mais il n’est pas possible de te laisser hurler et taper des pieds comme tu le fais. Je t’aime profondément et je ne veux pas que tu grandisses mal, donc je t’empêcherai de le faire. Je sais que c’est dur pour toi de faire autrement. On va juste essayer de trouver un autre moyen d’évacuer ce que tu ressens. »
Ces propos ne règlent bien évidemment pas tout d’un seul coup, mais l’enfant se sent entendu, aimé, compris. Il faut pouvoir lui montrer que vous êtes à ses côtés pour l’aider à traverser ces moments moins faciles et que, si vous êtes justement là, c’est parce que vous l’aimez. Que tous les enfants vivent la même chose, que les règles et les limites sont pour tout le monde et qu’elles permettent de vivre les uns avec les autres, qu’elles sont importantes et pas si agaçantes qu’elles lui paraissent.
N’oubliez jamais que la pire des choses est de ne pas donner de limites à son enfant.
Un monde sans interdits posés par les parents, c’est un monde d’angoisses pour un enfant. Voyez l’autorité comme une aide, comme un soutien dont votre enfant aura besoin pendant quelques temps et dont il réussira à se passer une fois qu’il aura intégré les règles.
« Je t’oblige à faire ou à ne pas faire telle chose parce que c’est mon travail de maman ou de papa et parce que je t’aime. Je sais que c’est parfois difficile pour toi, je sais que parfois tu m’en veux, que parfois tu es très fâché et vexé, que parfois tu penses que je suis un méchant parent, mais je me préoccupe surtout de ta vie et de ton avenir, parce que je veux le rendre meilleur ».
Une fois que l’enfant comprend que son parent est déterminé, il va pouvoir commencer à penser les règles et les limites et arrêter de vouloir les contourner, les mettre à l’épreuve en permanence. Il accepte les règles parce qu’il en aura compris le sens et l’importance, à la différence d’un animal que l’on dresse.
Je me dis que ces repères que nous tâchons de leur transmettre par l’éducation, ce sont tout autant de repères qu’ils pourront utiliser dans quasiment toutes les situations de la vie quotidienne civilisée : on ne peut pas tout avoir, même si l’on aimerait. On ne peut pas tout se permettre avec les autres, on ne peut pas tout faire. Et les choses ne tombent pas du ciel. Alors, oui, il faut répéter, tout ne s’apprend pas en un jour et les enfants ont la capacité de faire flancher notre patience.
Combien de fois sommes-nous amenés à répéter dix fois, vingt fois la même chose ? Pour changer son fonctionnement, l’enfant a besoin de se heurter plusieurs fois à la rencontre, ferme, avec la même limite. Au fur et à mesure, le changement intérieur s’opère mais il ne tient qu’à vous de garder le cap de la fermeté. Soyez convaincu pour être convaincant. Communiquez toujours avec lui sur l’importance de ces règles et surtout sur le fait que vous le faites parce que vous l’aimez. « Je t’aime donc je me dois de te transmettre ces règles de vie qui t’apprendront à vivre heureux, je ne suis pas un bon parent si je ne le fais pas ». Le fameux « tu comprendras plus tard ».
L’enfant est naturellement fougueux et insouciant. Sans limites mises à son comportement, il prendrait des risques trop importants que nous, parents, ne pouvons pas lui laisser courir. Il est vraiment difficile et pourtant rassurant pour un enfant d’accepter qu’il n’est pas tout-puissant. Il doit apprendre à réfréner ses envies, suspendre ou différer ses actes, renoncer à ses pulsions.
Difficile de ne pas céder à l’envie de taper son petit frère qui vous prend un jouet. Difficile de s’arrêter à la première glace alors qu’on en voudrait bien une deuxième. Difficile de ne pas piquer une colère au supermarché quand maman ne veut pas acheter un paquet de friandises. J’ai déjà eu droit, comme vous tous, à une scène de colère à la caisse pour avoir refusé de céder. Dur de résister quand tous les regards se tournent vers vous. On ne peut pas se mentir, ce genre de situation met mal à l’aise et nous remet en question.
Je pars du principe que si j’ai commencé à dire non, je ne peux pas revenir dessus, sinon cela reviendrait à montrer que le non est parfois non ou parfois oui ; une totale incohérence qui n’apporterait au final que désordre et angoisse chez mon enfant. Tenir bon, du mieux que possible. Je dis souvent, surtout pas « un jour tu me remercieras» mais «si tu comprends et que tu apprends bien à respecter ces règles que papa et moi te posons, alors tu verras qu’en grandissant ta vie sera bien plus riche et agréable que celle de ceux qui n’auront jamais rien écouté et auxquels les parents auront toujours tout cédé ». Mais si je fais remarquer à mes enfants combien je suis mécontente d’un mauvais comportement, je n’hésite pas évidemment à les féliciter quand ils se comportent tel que j’en attendais d’eux. J’essaie en tout cas, de le souligner autant que je peux, même et surtout pour des choses parfois insignifiantes. Il faut vraiment donner envie à l’enfant de poursuivre ces efforts, il faut vraiment lui montrer que l’on se rend bien compte de ce qu’il fait pour aller dans le bon chemin. On ne peut pas toujours dire quand les choses ne vont pas, il faut savoir quotidiennement encourager ce qui doit l’être. Bien des parents s’enlisent car ils se croient incapables d’autorité, à force de douter de soi ou de se sentir dépassés par un enfant ingérable.
Claude Halmos le dit très bien « Si ces parents avaient compris (si on leur avait permis de comprendre) que l’éducation est par exemple aussi vitale pour leur enfant que la prise de médicaments en cas de grave maladie, si on leur avait expliqué que sans autorité, comme sans médicaments, leur enfant tomberait malade psychologiquement, ils trouveraient en eux la force de s’imposer et ce même si c’est difficile. Et tout serait changé, parce que les sentant sûrs de leurs faits et parfaitement déterminés, l’enfant cesserait de se montrer en permanence opposant et il se mettrait à faire ce qu’il a à faire. Parce que, il faut le savoir, un enfant qui grandit sans autorité n’est jamais heureux. On ne peut pas continuer à voir des enfants se détériorer simplement parce qu’il n’y a personne pour leur dire « maintenant ça suffit, tu obéis ». C’est un gâchis humain incroyable et inacceptable ».
Si vous souhaitez aller plus loin, découvrez le coaching « Pourquoi et Comment mettre des limites à nos enfants ? Réalisé par Lénaïg Steffens, psychologue clinicienne.
Photo insta @annalandstedt
Charline Jouint-Lesassier