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Maman Vogue vous partage de jolis contes de Noël à raconter à vos enfants, pour les aider à mieux patienter pendant ce temps d’émerveillement. C’est aussi un beau moment privilégié à partager en famille, assis au coin du feu !
Le cordonnier vit le balayeur, la mère malade et son bébé, et toutes les personnes qu’il avait aidées pendant la journée. Chacun lui sourit et dit : « Ne m’avez-vous pas vu ? Ne me suis-je pas assis à votre table ?… »
Un Noël, un vieux cordonnier se reposa dans son petit magasin et lut : « La visite des hommes sages à l’Enfant Jésus « , et des cadeaux qu’ils avaient apportés, et il se dit : « Si demain était le premier Noël, et si Jésus devait être né ce soir dans cette ville, je sais ce que je lui donnerais ! »
Il se leva et prit d’une étagère deux petites chaussures en cuir neige-blanc le plus mou, avec des boucles argentées lumineuses : « Je lui donnerais cela, mon travail le plus fin. Que sa mère sera heureuse ! Mais je suis un vieil homme idiot, » pensa-t-il avec un sourire. « Le Maître n’a aucun besoin de mes pauvres cadeaux. »
Remettant les chaussures à leur place, il souffla la bougie, et alla se reposer. Il ferma ses yeux, quand il entendit une voix qui appelait son nom. « Martin ! » Intuitivement, il reconnut de qui était cette voix. « Martin, tu as envie de Me voir. Demain je passerai par ta fenêtre. Si tu me vois, offre-moi ton hospitalité : je serai ton invité et m’assiérai à ta table. »
Il n’a pas dormi cette nuit-là à cause de la joie qu’il éprouva. Avant que l’aube ne se lève, il se leva et rangea son petit magasin. Il déploya du sable fin sur le parquet, et il tressa des combles sur les arcs verts du sapin. Il plaça un morceau de pain blanc, une fiole de miel, un pichet de lait sur la table, et, au-dessus du feu, il accrocha un pot de café. Ses préparations simples étaient complètes.
Quand tout était dans la promptitude, il a pris son vigil à la fenêtre. Il était sûr qu’il connaîtrait le Maître. Comme il observait le verglas et la pluie dans le froid, la rue abandonnée, il pensa à la joie qu’il aura quand il sera assis et mangera le pain avec son Invité.
Il aperçut un vieux balayeur qui passa près de là, soufflant sur sa main mince pour les chauffer. « Pauvre homme ! Il doit être à moitié gelé » pensa Martin. Ouvrant la porte, il lui dit « Entre, mon ami, et chauffe-toi, et boit une tasse de café chaud. » Plus de demandes n’étaient pas nécessaire, et l’homme, accepta l’invitation avec reconnaissance.
Une heure passa, et Martin vit une femme pauvre, vêtue tristement et portant un bébé. Elle fit une pause, d’un air fatigué, pour se reposer dans l’abri de sa porte. Rapidement il ouvra sa porte : « Entre et chauffe-toi, repose-toi « . « Tu ne te sens pas bien ? » lui demanda-t-il.
« Je vais à l’hôpital. J’espère qu’ils me laisseront entrer, mon bébé et moi » expliqua-t-elle. « Mon mari est en mer, et je suis malade, sans une âme à qui je puisse aller. »
« Pauvre enfant ! » pleura le vieil homme. « Mange quelque chose et réchauffe-toi. Je vais donner une tasse de lait au petit. Ah ! Quel joli enfant ! Pourquoi n’a-t-il aucune chaussure sur lui ! »
« Je n’ai aucune chaussure pour lui, » soupira la mère.
« Alors il aura cette belle paire que j’ai fini hier. » Et Martin prit les chaussures molles, petites, neiges blanches qu’il avait regardé la soirée auparavant, et les glissa sur les pieds de l’enfant. Elles lui allaient comme un gant. Et la jeune mère s’en alla, pleine de gratitude, Martin retourna à son poste, près de la fenêtre.
Les heures s’écoulèrent et encore d’autres personnes dans le besoin partagèrent l’hospitalité du vieux cordonnier, mais l’Invité attendu n’apparut pas.
Quand la nuit tomba, Martin se retira dans son lit avec un cœur lourd. « C’était seulement un rêve, » soupira-t-il. « J’ai espéré et ai cru, mais il n’est pas venu ».
Soudainement, la salle fut inondée par une lumière glorieuse : et le cordonnier vit le balayeur, la mère malade et son bébé, et toutes les personnes qu’il avait aidées pendant la journée. Chacun lui sourit et dit : « Ne m’avez-vous pas vu ? Ne me suis-je pas assis à votre table ? » et disparut.
Alors doucement dans le silence, il entendit encore la voix douce, répétant les vieux mots familiers : ’Quiconque reçoit en mon nom un de ces petits-enfants me reçois moi-même ; et quiconque me reçoit non pas moi, mais celui qui m’a envoyé… Car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire, j’étais étranger, et vous m’avez recueilli.’
« Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ce plus petit de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites. » Ruben Saillens
Comme Noël approchait, il fallait que chacun soit propre.
– Faites-vous belles! Cria la plus grande étoile de la Petite Ourse. Faites-vous belles, car cela va être Noël. Et tous les humains regardent alors le ciel.
– À quoi bon : il y a toujours des nuages qui nous cachent, Ourse, dit une petite étoile qui se trouvait à l’horizon.
– Est-ce que je t’ai demandé ton avis, paresseuse? La petite étoile se tut et se mit à faire son grand nettoyage. Les étoiles se lavent exactement comme les chats. Avec leurs langues – de feu! – elles se lèchent jusqu’à ce que toutes les poussières aient disparu.
– Je veux vous voir briller autant que l’or et l’argent réunis! Ordonna la grande étoile. Une comète paradait dans sa robe à queue scintillante.
– Ce n’est pas tous les jours Noël, pas vrai? dit-elle.
Mais elle était très contente de pouvoir à nouveau porter ses longs voiles argentés. Les Gémeaux s’astiquaient l’un l’autre. Une vieille étoile géante, toute rouge, faisait faire sa toilette par une bande de petites étoiles.
– Pas tant de bruit là-bas! Cria la grande étoile. Noël est un moment de calme.
Une étoile se tenait à l’extrême gauche du firmament. Elle y était déjà depuis des milliers d’années. Mais elle était si minuscule que même les savants de la terre ne l’avaient pas encore découverte. Elle vit tout ce remue-ménage et voulut y participer.
– Est-ce que je dois aussi me laver, Ourse?
Mais sa voix était si petite que même l’étoile la plus proche ne l’entendit pas. Et puis, chacun avait tant à faire que personne ne fit attention à cette étoile de rien du tout, à gauche dans le ciel. C’est alors que, partout, les cloches se mirent à sonner et que les humains se mirent en route vers les églises et les tables de fête. Et ils regardèrent les étoiles qui brillaient comme elles ne brillent qu’à Noël.
– Regarde, papa. Des millions d’étoiles! Sur terre, les enfants pointaient leur doigt vers elles. Regarde comme elles brillent fort. Voilà la Grande et la Petite Ourse, et là, et là,…
Ils montraient les étoiles. Personne ne voyait la plus petite, tout à gauche des autres.
– Bonjour tout le monde! Cria la petite étoile de rien du tout. Joyeux Noël!
Mais le pépiement d’un oiseau aurait été mieux entendu que sa voix. Alors, de gros nuages apparurent.
– Enfin, nous aurons un Noël blanc, dirent les gens, tout heureux.
– Voilà : on s’est faites belles et ces gros ventres à neige viennent chiper tous les compliments, grogna la grande étoile de la Petite Ourse.
Tout le ciel se remplit de nuages. Sauf le petit coin à gauche.
– Regarde, on ne voit plus qu’une seule étoile! S’écria une fillette au moment de se coucher. Une seule toute petite étoile.
– C’est un flocon de neige, ma chérie, répondit sa maman.
– Et moi je suis certaine que c’est une étoile, dit la petite fille.
Et elle se retint longtemps de s’endormir, pour regarder l’étoile de rient du tout. La seule petite étoile qui continuait à briller dans la nuit de Noël.
Source : Dauphin Noël
Madame La Cigale avait passé tout l’été à chanter dans les hautes herbes et à se chauffer au soleil.
Madame La Fourmi avait travaillé dur; elle avait amassé sa nourriture en prévision des jours difficiles.
L’hiver était venu, glacial, avec sa neige et son vent frigorifiant.Tandis que Madame La Cigale tremblait de froid, Madame La Fourmi était bien au chaud sous la terre avec ses enfants et ses provisions nombreuses. Elle s’apprêtait à passer d’excellentes fêtes de Noël. Madame La Cigale, elle, ne pensait même pas à Noël; elle sentait ses petites pattes geler peu à peu et tout son corps s’engourdir; elle ne voyait plus rien: ses yeux ne s’ouvraient plus… C’est vrai, dans sa tête, il y avait encore quelques rêves: elle aurait bien aimé être invitée par la fourmi. Mais elle savait que les fourmis n’aiment pas ceux qui passent leur été à chanter. A quoi bon rêver encore? Demain, sans doute, elle serait morte… Elle n’avait plus qu’à s’endormir…
La cigale fut tirée de son sommeil par une douce musique et par de bonnes odeurs. Elle se sentait moins gelée; son corps semblait se réchauffer peu à peu… Elle ouvrit les yeux et se mit à pleurer de joie. Auprès d’elle se tenait une fourmi souriante entourée de toute sa famille. Et tous chantaient d’une belle voix: « Joyeux Noël Madame La Cigale! »douce musique et par de bonnes odeurs. Elle se sentait moins gelée; son corps semblait se réchauffer peu à peu… Elle ouvrit les yeux et se mit à pleurer de joie. Auprès d’elle se tenait une fourmi souriante entourée de toute sa famille.
Et tous chantaient d’une belle voix: « Joyeux Noël Madame La Cigale! »
La campagne était toute de neige autour du bourg de Bethléem, et les cubes blancs des maisons prenaient des teintes laiteuses parmi cette surnaturelle pureté.
Le ciel bombait au-dessus, comme un grand bocal d’un bleu pâle et translucide. Il y avait dans l’air une joie paisible comme si des anges venaient d’y passer.
A la vérité, des anges l’avaient traversé la nuit précédente. Jésus étant né, cette nuit-là, dans une grotte des environs, ils avaient chanté, devant un groupe de bergers d’abord, au-dessus de la grotte ensuite, un beau chœur à plusieurs voix dont le refrain est demeuré célèbre : » Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre paix aux hommes de bonne volonté. »
La nouvelle du miracle s’était répandue dans les maisons du bourg, et circulait sous le manteau, accueillie ici avec joie, là par des haussements d’épaules.
La fin de la classe du matin venait de lâcher les enfants dans les rues. Sur la placette, autour de la fontaine, beaucoup s’attardaient à bavarder, en petits groupes mystérieux et animés. La glissoire en pente luisait comme un marbre sombre, délaissée.
– Bien sûr que c’est vrai ! dit un gamin dont les yeux noirs étincelaient d’enthousiasme. Le père de Lévi doit le savoir, je suppose, puisqu’il y était !
-Mon père ne veut pas y croire, répliqua sans conviction un enfant mieux vêtu que les autres. Mon père est savant. Il doit avoir ses raisons. Mais j’aimerais mieux que ce soit vrai.
– Tiens ! intervint un troisième, pourquoi ne serait-ce pas vrai ? Ils étaient huit à aller à la grotte cette nuit, et tous racontent la même chose. Ils ont vu un ange, je vous dis, ils ont entendu le chant, ils ont vu l’Enfant et sa Mère.
– Mon père prétend que le Messie sera un Roi, objecta un autre. Alors, cet enfant pauvre ?…
– Oui, mais ces anges ? Est-ce qu’ils viennent chanter autour de notre maison, quand nous recevons un petit frère ou une petite sœur ?
– Mais… si on allait voir ? proposa quelqu’un. Je connais la grotte.
– Moi aussi, je la connais. – Moi aussi !
– Nous y avons joué l’été dernier, tu te rappelles, Ruben ?
– Allons-y ! Allons-y!
– Chut ! il ne faut pas que nos parents le sachent… On n’a pas le temps maintenant. I1 est presque midi. Et à une heure sonne la cloche de l’école.
– On ira après la classe, à trois heures ! D’accord? Mais… le secret, hein !
– Va-t-on se rassembler ici ?
– Oui, mais nous partirons ensuite en petits groupes, glissant et jouant, et pas par les mêmes rues. Nous nous réunirons sur la route d’Engaddi.
Élie, le fils du potier, n’était pas du nombre des conspirateurs.
– Vous savez bien que maman est malade. Je ne puis m’absenter si longtemps.
Et, montrant sa cruche :
– Je dois aller acheter du sirop pour adoucir le lait battu. D’ailleurs, dans une heure il fera sombre. Et mon père ne veut pas que je cours la rue le soir.
– Voyons, Élie ! Ta mère attendra bien un peu. Nous serons de retour avant une heure. Tu diras…
– Fi ! interrompit Elie en les écartant. Je ne veux pas mentir. Je ne veux pas être désobéissant.
Et il s’en alla. Ses compagnons le suivirent du regard, à la fois étonnés et un peu dépités.
Puis, haussant les épaules: » On ira sans lui ! » dit le plus grand de la bande. Et les groupes s’égaillèrent, pour se retrouver dans la campagne.
Élie avait bien du chagrin. Aucun de ses petits amis, bien sûr, ne désirait autant que lui cette visite à l’Enfant merveilleux. Quand il avait entendu le berger dire au potier : » Crois-moi, potier, cet Enfant-là est le Messie promis à Israël, „ il avait senti la foi de cet homme pénétrer en lui. Et elle avait occupé sa pensée et son coeur toute la journée. Ses camarades verraient. Lui, il n’avait que son beau désir, qui devenait de plus en plus douloureux.
Mais sa conscience lui disait : » Obéis … Pouvait-il mieux recevoir le message du salut qu’en observant la Loi sainte ?Il fit remplir de sirop sa cruche à la confiserie, et rentra en hâte, pour servir sa mère.
Le crépuscule peu à peu emplissait la maison. Élie alluma la petite lampe à huile. Le potier sortit de son atelier et vint s’asseoir sur un escabeau près de sa femme alitée, qui toussait. L’enfant était rêveur. Ses petits compagnons devaient maintenant se presser dans la grotte visitée par les anges… Mais maman est malade, je veux rester près d’elle…
Il s’assit à son tour près de la lampe, et essaya de repasser ses leçons pour le lendemain.
Après le souper et la prière du soir, Élie s’en fut se coucher. Il eut beaucoup de peine à s’endormir. Sa pensée voyageait du lit de sa mère à la crèche de l’Enfant. Puis peu à peu elle s’obscurcit, se voila, s’éteignit dans le sommeil.
Mais soudain, sans que la porte se fût ouverte, un homme se tint debout dans la petite chambre. Un ouvrier, eût-on dit, vêtu d’un manteau brun à capuchon.
I1 avait une belle barbe grisonnante, et des yeux très doux. A la main il tenait un bâton de marche, qui lui venait jusqu’à l’épaule. Une lueur étrange, comme un peu de clair de lune, blanchissait autour de sa tête. Il se pencha sur Élie qui s’était dressé sur son séant et il lui dit avec bonté :
– » Viens, je te conduirai à la grotte. »
Sa voix était persuasive. L’enfant mit sa petite main dans la large paume calleuse du visiteur.
Et sans qu’il sache comment cela s’est fait, Élie se trouve dehors, habillé et chaussé, trottant à côté de son guide, par les rues endormies de Bethléem, puis dans la campagne solitaire, où la neige se bleute à la clarté d’étoiles grosses comme des pêches. Il a confiance, il se sent tout léger et joyeux. De temps en temps, il lève vers son ami ses beaux yeux bleus, comme pour l’interroger: » Est-ce encore loin ? »
Là-bas, au flanc d’une colline, juste au dessous d’une étoile plus belle et plus grande que les autres, se creuse, dans la blancheur, un trou sombre vaguement éclairé d’une lumière rose.
» C’est là, dit l’homme. Ils entrent. »
I1 n’y a pas de lampe allumée. Mais une douce clarté monte d’une mangeoire d’animaux, emplie de paille, où dort, enveloppé de langes, un petit enfant. Une jeune femme est agenouillée à droite de cette crèche. L’homme qui vient d’entrer, après avoir déposé son bâton et ôté son manteau, s’agenouille à gauche. Derrière, dans une pénombre luisante de paille, un âne et un bœuf avancent leurs têtes débonnaires.
Élie tombe à genoux en joignant les mains. Quel bonheur ! Voilà donc l’Enfant annoncé. C’est le Sauveur d’Israël !
La mère, détachant son regard du bébé, sourit au petit visiteur.
Élie récite tout haut toutes les prières qu’il sait. Il lui semble qu’il n’a jamais prié ainsi.
Sa voix cristalline a éveillé l’Enfant qui le regarde et lui sourit. Aussitôt, très lointaines et très proches, des voix d’anges invisibles chantent en chœur : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre paix aux hommes de bonne volonté! »
Une immense vague de joie emporte l’âme du petit Élie. Il n’y a plus rien autour de lui que de la lumière, une lumière qui a un goût de miel et une odeur de roses.
– Élie ! Élie ! Lève-toi ! Il fait grand jour.
Elie ouvre les yeux. Il est dans son lit. Un peu de soleil tombe de la lucarne sur ses couvertures.
Qui l’a appelé ?
C’est sa mère. Elle entre dans la chambre ; elle n’est plus pâle ; elle a l’air rayonnant.
– Vite, mon petit, ton déjeuner est prêt. – O maman, tu n’es plus malade ?
– Non, mon chéri. Je me suis sentie guérie, subitement, à mon réveil. Je ne m’explique pas cela. Mais je bénis le Seigneur.
Élie se tient debout, en chemise, sur son lit. Il tombe dans les bras de sa mère :
– Maman, cet Enfant dont nous a parlé le berger, je l’ai vu ! C’est le Sauveur d’Israël ! C’est Lui qui t’a guérie ! …
A son père et à sa mère, Élie a raconté son beau rêve.
Et le soir de ce jour-là, tous trois sont allés adorer l’Enfant Jésus dans la grotte. Ils y ont trouvé tout comme Élie l’avait décrit.
Et Élie a offert à la Sainte Vierge, de la part de ses parents, une belle cruche à lait, la plus belle que le potier n’eut jamais réussie, et qu’il avait toujours gardée comme un ornement sur le bahut de la cuisine.
II était une fois deux enfants, une sœur et un frère. C’était des enfants très sages et obéissants. Ils en étaient presque un peu fiers. Ils aimaient bien jouer avec leurs camarades, mais encore plus entre eux deux.
Un jour, – c’était la veille de Noël -, ils décidèrent de partir tout seuls fêter Noël au ciel, avec les anges et avec Jésus. Ils se mirent en route de bon matin, car ils pensaient bien que le chemin serait assez long. Ainsi ils marchèrent et marchèrent à travers les paysages, en direction du soleil levant.
Soudain ils entendirent au loin le grondement d’un torrent et se trouvèrent bientôt au bord d’un profond ravin longé de vertigineuses falaises. Prudemment ils s’approchèrent du bord. Comment faire pour traverser ? Alors ils aperçurent un pont, rectiligne comme une règle et tout aussi étroit, qui réunissait les deux bords. Oseraient-ils la traversée ? Cela parut de la folie.
Mais voilà : ce pont s’appelait « le pont du mensonge ». Celui qui n’avait jamais menti de sa vie pouvait l’emprunter sans danger. Les deux enfants se regardèrent et dirent d’un commun accord : « Nous n’avons jamais menti de notre vie, allons-y.» Un peu tremblants ils s’y engagèrent, un pied devant l’autre, et encore un pied devant l’autre, et ainsi de suite, et ils gagnèrent le bord opposé.
Un peu fatigués, ils continuèrent leur route. Au bout d’un certain temps ils entendirent de lointains rugissements. Malgré leur frayeur ils avancèrent. Les rugissements enflèrent, cela ressemblait bien à des rugissements de lions, mais ils ne purent rien voir, car le paysage était sauvage : des fourrés et des buissons épineux s’étendaient à perte de vue.
Brusquement ils virent quelque chose de jaune doré bouger à travers les branches. Ils s’arrêtèrent net : c’était bien deux lions, un à droite et l’autre à gauche du sentier. Que faire ? Rebrousser chemin ?
Mais voilà : c’étaient « les lions bagarreurs, les lions de la colère ». Celui qui ne s’était jamais bagarré ni mis en colère contre quiconque pouvait passer sans être attaqué. Les deux enfants se regardèrent et dirent d’un commun accord : « Nous ne nous battons jamais et ne faisons jamais de colère, Allons-y. »
Le coeur battant ils avancèrent et, lentement, passèrent indemnes entre les deux lions qui ne bougèrent pas.
Encore un peu plus fatigués ils continuèrent leur route. L’après-midi avançait. Le soleil avait passé le zénith depuis longtemps, Combien de temps encore jusqu’au ciel ? En sortant enfin des fourrés, le sentier semblait s’orienter vers un replat parsemé de bouleaux, reconnaissables à leurs troncs blancs.
Les enfants espérèrent pouvoir se reposer un peu sous leurs fins branchages. Mais en s’approchant, que découvrirent-ils ? Un marécage, des trous gluants d’eau noire entre des îlots de boue flottante, plus trace de sentier. Impossible de s’y hasarder.
Mais voilà : ce marécage s’appelait « le passage de l’obéissance ». Celui qui n’avait jamais désobéi à ses parents ni à quiconque, pouvait s’y risquer. Les deux enfants se regardèrent et dirent d’un commun accord : « Nous n’avons jamais désobéi, nous pouvons poser nos pieds sur le marécage, allons-y. » Et ils passèrent sains et saufs.
Arrivés de l’autre côté ils regardèrent : le soleil baissait, l’horizon commençait à se mettre au rose, mais le sentier continuait et semblait enfin monter. « Dépêchons-nous de grimper » se dirent-ils, « il ne s’agit pas d’arriver en retard. »
Ils s’engagèrent en hâtant le pas et, à la tombée de la nuit, un peu essoufflés, ils se trouvèrent devant l’immense portail du ciel. Un silence absolu régnait. Les enfants s’étaient attendus à entendre de la musique, des répétitions de chants de Noël, certes atténuées par l’épaisseur de la porte, mais quand même.
Alors timidement, ils frappèrent au portail. Rien ne bougeait.
Ils frappèrent plus fort et encore plus décidés et encore plus fort. Enfin ils entendirent de lourds pas, un peu traînants, s’approcher de l’intérieur. Et le portail s’ouvrit un peu grinçant, l’espace d’une fente. La tête barbue de Saint Pierre apparut et il dévisagea les enfants d’un air étonné : « Que voulez-vous, les petits ? », « On est venu pour fêter Noël au ciel ce soir » dirent-ils avec une certaine assurance. « Ah ! » dit-il, en se lissant la barbe, « Mais voyons, le soir de Noël tout le ciel, Jésus et tous les anges descendent sur la terre. II n’y a personne ici. Ils sont tous descendus pour fêter Noël avec les hommes, avec tous les hommes, toutes les femmes, tous les enfants, filles et garçons, sages ou méchants. Ici le ciel est vide. »
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