Lettre à mon mari militaire

Cher mari,

C’est légèrement intimidée que je prends la plume aujourd’hui pour parler de toi. Tu n’es pas un mari comme les autres. D’abord parce que tu es le mien, et pas celui d’une autre ; mais aussi parce que tu as un métier très particulier. Un métier dont je suis fière parfois, mais que je n’ai pas choisi, et que j’ai l’impression de subir bien souvent.

L’étiquette de femme de militaire

Le jour où je t’ai épousé, j’ai reçu cette étiquette sur le front : femme de militaire. En te choisissant, j’ai aussi choisi celle qui est parfois ta deuxième famille : l’armée. Car ton métier de militaire n’est pas un métier comme les autres. Et il a énormément d’impact sur notre vie de couple et notre vie de famille. Le jour où tu t’es engagé, moi aussi j’ai signé.

C’est bien simple, j’ai l’impression que toute notre vie s’organise autour de ton travail et de ses contraintes. J’ai dû, et je dois encore aujourd’hui, renoncer à beaucoup de choses, que ce soit d’un point de vue personnel ou professionnel, pour te suivre, et pour m’adapter à ton planning riche en rebondissements.

D’extérieur, il semble acté que ma vie avec toi ne peut être que difficile, au vu des circonstances. Les absences, le danger, la pression de l’uniforme… tout un éventail d’aspects plus ou moins drôles à supporter. Mais bon, comme on me le dit souvent : je l’ai choisi, alors je peux prendre sur moi ! Comme si c’était aussi simple…

J’ai parfois l’impression d’être un ovni, d’avoir fait la folie d’épouser un militaire « mais où avais-je la tête, je savais pourtant qu’un militaire n’est jamais là ! » Mais j’ai eu la chance de rencontrer des femmes qui ont la même étiquette que moi, qui sont devenues des amies proches, et qui comprennent, mieux que personne, ce que je vis avec toi.

Une multitude de « oui »

En te disant « oui » le jour de notre mariage, j’ai dit oui à bien plus que d’être simplement ton épouse.

Oui aux absences

Elles sont nombreuses, et reviennent beaucoup trop souvent. Ces absences qui peuvent durer plusieurs mois. Quand on décide de se marier, habituellement on se pose cette question : est-ce que j’aime assez cette personne pour la voir tous les jours ? Mais, dans notre cas je me suis plutôt demandé si je t’aimais assez pour te laisser partir aussi souvent. Pas facile….

Et pourtant, ces absences sont le cœur de ton travail, les raisons mêmes pour lesquels tu t’es engagé. Et je suis désolée de ne pas toujours réagir du mieux que je pourrais. L’annonce d’un départ, quelqu’il soit, est toujours difficile à encaisser, et ne tombe jamais au bon moment.

Oui au danger

Tu t’es engagé au péril de ta vie, ce n’est pas anodin. Je ne vais pas nier la peur qui me prend quand tu es en mission. Je fais de mon mieux, au moment de te dire au revoir, pour ignorer cette petite voix qui me dit : et si c’était la dernière fois que je le voyais vivant ? Mais, ce danger, c’est ce qui, toi, te fait vibrer. Et, cela peut paraître paradoxal, mais je suis plutôt très fière de ton sens du sacrifice.

Oui aux imprévus

C’est un aspect parfois mal connu du monde civil, et pourtant c’est sans doute un de ceux qui prend le plus de place dans notre vie. Être ta femme c’est faire face aux aléas de l’armée, à ses changements de programme, et à ses décisions de dernière minute. C’est épuisant parfois, et il m’arrive de t’en vouloir, même si au fond, je sais que c’est un aspect que tu n’as pas forcément choisi.

Un militaire, mais avant tout un homme

La vérité c’est que ton métier n’est qu’une partie de toi. Et même si te voir en uniforme me fait toujours un peu chavirer, ce n’est pas pour cela que je t’ai épousé. Heureusement pour moi (et pour nous), j’arrive à voir l’homme au-delà du militaire.

Oui, ton métier tient une grande place dans notre vie. Mais je sais que notre famille est ta priorité. Et que, paradoxalement peut-être, c’est pour cela que tu te donnes autant dans ton travail. Pour que nous puissions vivre correctement, et pour donner un modèle à nos enfants.

Car je suis fière de l’image que tu leur renvoies. Celle d’un homme travailleur, qui ne craint pas de mettre les mains dans le cambouis, et qui sait se faire respecter. Un homme qui défend sa patrie et ce en quoi il croit. Quand je te vois, je ne vois pas d’abord un militaire, je vois un homme, un vrai et un véritable chef de famille. Et je suis infiniment fière de toi.  

Me donner pour toi

Ton métier, bien que parfois très difficile à vivre pour moi, m’a permis de me révéler. Je me suis découverte plus forte et plus résiliante que je ne le croyais. Même s’il m’arrive de craquer, je sais que tu seras forcément fier de moi. Les gens me demandent comment je fais seule aussi souvent avec trois enfants à charge. Je leur réponds simplement que je n’ai pas le choix. La vérité, c’est que, ce qui me fait tenir, c’est de le faire pour toi. Je mentirais si je disais que je n’ai pas encore des papillons dans le ventre à l’approche d’un de tes retours. C’est même parfois la seule chose qui me fait tenir !

On dit souvent qu’on fait des choses folles par amour. J’en suis la preuve vivante. Je ne savais pas forcément à quoi je m’engageais quand je t’ai épousé, et heureusement, sinon j’aurais peut-être fui ! Mais aujourd’hui, je ne regrette pas du tout. Et si d’aventure, tu venais à quitter l’armée un jour, je sais que tu garderas toutes les qualités qui font de toi un bon militaire. Car ce sont des qualités qui font de toi un homme digne, un bon époux et un excellent père. Tu réussis l’exploit d’être à fond pour ton travail, pour ta patrie, et aussi pour ta famille.  

Être heureux malgré tout

Je pense sincèrement que le bonheur, ce n’est pas nécessairement avoir la vie facile. Personne ne serait fondamentalement heureux sinon. On peut avoir une vie compliquée et être heureux. Je crois bien que c’est notre cas. Notre bonheur, nous y œuvrons au quotidien, jour après jour, coup dur après coup dur. Certains jours nous devons travailler plus durement que d’autres. Mais nous savons que c’est pour quelque chose de plus grand.

Alors, merci, cher mari, parce qu’à travers ton métier si particulier, c’est tout un ensemble de valeurs qui habitent notre foyer : la persévérance, le sens du sacrifice, la confiance et surtout la gratitude des moments passés ensemble.

Crédit photo: Anne Russocki