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Il est là. On l’a tant attendu, on l’a porté, senti, nourri, bercé pendant neuf mois et ça y est, il est là. Coup de foudre, extase voire choc ou panique, on est un peu sonnée par cette arrivée soudaine. Plus ou moins instinctivement, on entame souvent une phase de fusion presque animale avec ce tout-petit. Une phase à la longueur variable, durant laquelle la mère que nous devenons prend le dessus sur la femme que nous sommes.
Mais voilà, passés le tourbillon hormonal de la naissance et le tsunami émotionnel des premiers jours, se rappelle à notre conscience la femme enfouie sous la mère. L’amante cachée derrière la nourricière. L’amoureuse qui se tient timidement en retrait, effrayée par ce corps qui a changé, peinant à retrouver sa place et à reformer ce duo avec celui qu’elle aime.
Et pourtant. Les tabous séculaires puis l’érotisation factice de notre société nous ont fait oublier ce qu’est vraiment une femme et ce qu’est réellement le désir féminin. Le sexe après la naissance pose problème, car il vient chatouiller cette frontière pourtant si claire, si facile entre « la femme et la mère ». Cette distinction toxique, qui contribue à maintenir soumises beaucoup de femmes aux injonctions fantasmagoriques d’une culture masculine imprégnée de pornographie, ou aux exigences de retenue qu’elles pensent inhérentes à leur nouveau statut de mère. Cette vision réductrice, caricaturale, triste à pleurer, qui se refuse à entrer dans le mystère superbe du désir féminin. Qui se refuse à contempler la femme dans l’unité de sa nature, aussi séduisante qu’intérieure, aussi tendre que brûlante, aussi prompte à se donner qu’à recevoir.
Le désir féminin est complexe car il n’est pas mécanique. Il ne naît pas seulement d’une stimulation extérieure. Le désir féminin est avant tout intérieur. Une femme qui ne s’aime pas elle-même, qui ne se désire pas elle-même aura le plus grand mal à se laisser aimer et à se laisser désirer. Désirer, c’est « souhaiter pour soi la réalisation de quelque chose ». Se désirer, c’est souhaiter pour soi sa propre réalisation, son propre épanouissement. Loin des mirages du développement personnel égocentrique, c’est souhaiter ardemment répondre à sa vocation, remplir sa mission sur Terre, trouver sa place. Non pas pour se contempler avec autosatisfaction mais pour rayonner, auprès de ses proches et des autres, pour servir, pour accomplir ce à quoi on est appelée.
Aussi redevenir amante, c’est avant tout retrouver la femme en soi. Avant même de parler de sexe, il est capital de recréer après la naissance de son enfant une sphère personnelle, un « endroit » qui nous est propre, où l’on se réapproprie son individualité. Des lectures, une activité artistique, du sport, des moments entre amies, des instants de contemplation. Du temps pour soi, pour se redécouvrir nouvelle mais toujours la même. Messieurs, à votre femme qui vient de donner la vie et que vous sentez fatiguée, peinant à se laisser aimer, offrez-lui avant toute caresse du temps pour elle. Une balade. Un massage. Un soirée avec ses amies. Un moment pour se recentrer, pour réintégrer son corps et son esprit. C’est en se retrouvant qu’elle pourra s’aimer, c’est en se réalisant qu’elle pourra se désirer. Et c’est alors qu’elle pourra se donner.
Une fois son individualité retrouvée, une fois la flamme de son désir rallumée, il faudra pour certaines se réconcilier avec son corps. Accepter qu’un peu de temps et de volonté seront nécessaires pour retrouver certaines lignes, et faire la paix avec celles qui vont rester. Ne pas courber l’échine, ne pas baisser la tête devant ces corps osseux, masculins, plats et tristes. Ne pas soupirer non plus devant ces poitrines saillantes, ces fesses protubérantes et ces silhouettes hypersexualisées. Rire de ces corps irréels, objets de tant d’efforts pour tenter de maintenir l’illusion. Se regarder soi avec fierté. Contempler ses seins et son ventre : leur puissance n’a d’égale que leur beauté. S’émerveiller de ses courbes, de ce paysage rond et changeant qui a atteint sa plénitude. Dans la maternité le corps n’est pas manipulé, il n’est pas trafiqué, il n’est pas façonné. Il est habité, il est bouleversé, il est transcendé.
Après la naissance d’un enfant, la femme est fragile mais elle est aussi à l’apothéose de sa nature. Elle n’est plus jeune fille, elle n’est plus femme-enfant, elle n’est plus là, tremblante, à tenter de répondre aux attentes de celui qui la regarde. Elle est pleinement femme, et ce sentiment peut être libérateur. N’est-ce pas le moment de renouer avec ses désirs les plus profonds ? D’oser séduire sans complexe celui qu’elle aime ? De jouer à devenir la femme qu’elle a toujours rêvée d’être ? Ce rouge à lèvres si rouge qu’on osait pas le mettre, ce décolleté qui nous semblait trop profond, ces phrases qu’on a imaginé lui dire en rougissant : il est temps ! Magie du couple qui s’est juré fidélité, avoir au cœur de son intimité cette sphère de liberté, de fantaisie et de confiance. N’avoir rien à prouver et rien à craindre, mais tout à donner et à oser.
Car enfin, si le désir féminin est intérieur il s’oriente évidemment vers l’autre. Quand la femme a retrouvé son individualité et fait la paix avec son corps, c’est le moment des retrouvailles. Avec celui qu’elle a tant aimé que la vie a jailli. Ces retrouvailles, souvent timides au début, doivent être douces. Mais peu à peu elles pourront se charger d’une énergie nouvelle, d’un amour plus dense encore, d’une tendresse immense et d’une liberté profonde. Le désir après un bébé peut être décuplé. Le sexe après une naissance peut être libéré. Il suffit d’apprendre à s’aimer pour oser.
@victoire.eyraud
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