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Se lancer dans cette grande aventure, créer une famille est une grande décision qui nous rappelle à quel point nous sommes tout petits. Pour devenir parents, il faut s’en remettre à la vie. Exit le mode de l’effort – résultat, devenir puis être parents, ça ne marche pas comme ça. Quel que soit le niveau d’application que chacun mettra dans ce projet, aucune garantie que le bilan sera positif. La maternité et la parentalité sont, par nature, des épreuves de lâcher prise.
Notre génération a pris l’habitude de tout contrôler et de tout planifier. Légitime: dans une société qui demande beaucoup, il faut bien un peu d’organisation. Le syndrome du bon élève s’applique aussi aux enfants. En 2019, les modes et les méthodes de contraception nous permettent de décider quand sera « le bon moment », quand nous nous sentirons prêts pour un ou plusieurs enfants. Qui plus est, nos années de fertilité correspondent à une période de notre vie où nous construisons beaucoup dans nos vies professionnelles, nos relations, nos projets de vie,… Gonflés par les espoirs multiples, avec le souci de tout bien faire, les enfants viennent naturellement s’insérer dans le programme.
Mais voilà, c’est la vie qui décide, pas nous. La nature reprend irrémédiablement ses droits et nous laisse démunis. Pourquoi l’une tombe enceinte sans l’avoir désiré alors que l’autre se languit devant son ventre vide ? Pourquoi celle qui tombe enceinte est celle qui est déjà épuisée par sa progéniture ? Pourquoi celle qui a enfin trouvé le papa ne peut pas lui faire ce cadeau ? Pourquoi celle qui voulait l’enfant qui grandissait dans son ventre l’a perdu en chemin ? Pourquoi ce cœur s’est arrêté de battre ? Pourquoi cet enfant se présente avec une maladie génétique ? Vouloir, attendre puis élever un enfant sont des épreuves d’abandon. On nous rappelle à quel point il nous faut rester modeste devant quelque chose qui nous dépasse totalement.
L’accueil, l’attente puis la vie d’un enfant sont une forme sacrée de mystère. Rien ne sert de rationaliser les événements et les émotions. C’est ce qui le rend bien plus extraordinaire que tous les autres actes que nous allons poser dans nos vies. Mais aussi beaucoup plus difficile à vivre. Souffrance, incompréhension, colère, accablement mais aussi surprise, félicité, grandeur, amour inconditionnel, voilà ce qui nous attend dans ce projet.
Puis, il y aura les enfants qui nous seront confiés. Ils seront comme ils seront. Aussi imparfaits que nous, pleins de vie et de surprise, ils sauront nous déboussoler. Nos enfants ne seront pas le produit de l’éducation que nous leur donneront. Nous les accompagnerons avec ce que chacun estimera être le meilleur bagage possible mais ils viendront avec leurs personnalités. Dans une même fratrie, une même éducation ne portera pas les mêmes fruits. Toujours la vie qui nous rappelle qu’elle décide du plan.
Il y aura les fratries qui s’agrandiront ou pas selon les envies ou les surprises qui se présenteront aux parents. La frustration de ne pas réussir à agrandir la famille, la joie d’accueillir un nouveau frère ou une nouvelle sœur ou l’acceptation d’un petit tardillon qu’on n’attendait pas. Les familles seront polymorphes mais elles seront à l’image de ce que la vie nous aura donnée et de la façon que nous aurons eu de faire avec, d’accepter et de nous abandonner à son cours.
La famille est une grâce. Sa beauté est d’être portée par des êtres qui s’en remettent à la vie, à ce qu’elle apporte et reprend. Chaque histoire sera différente et chacun la vivra différemment. Gardons un cœur ouvert capable de se réjouir de chacun de ses bonheurs, de profiter à fond de ce qui nous est offert pour mieux accepter que nos plans soient parfois contrecarrés.
Famille nombreuse, famille heureuse
J’ai 3 filles mais la dernière est au ciel
Témoignages – Comment savoir si on veut encore des enfants ou non
©Nathalie Coster pour MAMAN VOGUE