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Voici le témoignage d’une maman qui a fait le choix avec son mari d’avoir des enfants rapprochés. Elle nous livre ses sentiments sincères sur ce choix, qui a radicalement changé sa vie, pour elle, son couple mais aussi son aînée qui a dû apprendre à grandir plus vite. Cette culpabilité qui l’a peu à peu submergée de faire grandir son aînée plus vite que la normale. Elle nous raconte aussi le moment où elle a dû faire le deuil de son ancienne vie de femme.
Mon mari est moi nous sommes mariés durant l’été 2016 à 27 ans. Un peu plus de deux ans plus tard, nous voilà parents de deux enfants : une fille de 18 mois et un garçon de 4 mois. Soit un écart de 14 mois et donc un espace de seulement 5 mois entre les deux grossesses.
Nous avons souhaité concevoir notre premier enfant tout de suite après notre mariage et avons eu la grâce d’être exaucés très rapidement. Notre petite fille était si facile que nous avons très vite eu le désir d’essayer de lui offrir un petit-frère ou une petite-soeur. Et là encore, nous avons eu la chance, car rapidement, nous avons attendu un autre bébé. Mon mari a 15 mois d’écart avec son grand-frère. Il est également son meilleur ami. Nous sommes convaincus que des enfants rapprochés peuvent créer et entretenir une profonde et belle relation. Celle-ci peut permettre d’encrer un esprit fraternel avant que les suivants n’arrivent dans la famille.
Deux grossesses assez similaires : des nausées, beaucoup de fatigue, de terribles maux de dos et de dents. Mais surtout un mari absent entre 4 et 6 mois soit une bonne partie des grossesses (mais présent aux accouchements, Dieu merci !). De même, deux accouchements presque identiques : par voie basse sous péridurale et sans réelles complications mais… longs, très longs, trop longs. 61 heures de contractions douloureuses pour l’un et 51 pour l’autre ! A chaque fois la tentation de se dire que c’est la dernière fois, que c’est beaucoup trop dur, qu’une famille nombreuse c’est pour les autres ! Et puis, une victoire, un premier regard, un premier sourire et des mois qui s’en suivent pleins d’évolutions, de progrès, d’échanges qui font presque tout oublier. Le rêve de famille nombreuse revient.
Mis à part, le changement de mon corps très complexant et très dur à vivre pour moi, l’après-naissance de notre ainée s’est plutôt bien passé. Notre fille a fait ses nuits au bout d’un mois, évoluait vite et bien, l ‘allaitement se passait à merveille. Un bébé adorable, on ne peut plus facile qui permet à ses parents de prendre leurs marques en douceur, de se reposer. Finalement, nous avons pu simplement profiter de cette nouvelle vie à 3 dans la joie et la bonne humeur, sans réelles contraintes. L’impression d’être une super maman, présente, aimante, heureuse.
L’après-naissance de notre second a été beaucoup plus difficile. Notre fille n’avait que 14 mois et avait encore besoin d’énormément d’attention. Le rythme est devenu très compliqué du jour au lendemain. Un garçon, beaucoup plus grand à la naissance, ayant des besoins nutritionnels considérables. Un bébé allaité qui, cette fois, au bout de 4 mois ne faisait toujours pas ses nuits. Et surtout, l’impression de tout faire en double (les repas, les couches, les bains, les machines…) Sans jamais avoir une minute pour moi. Prendre une douche de plus de 2 minutes, tranquille, à une heure raisonnable devient parfois un vrai parcours du combattant. Je ne compte plus les allers-retours à la crèche vêtue d’un vieux pull, de baskets trouées, les cheveux en bataille, fatiguée et essoufflée. Un bébé en poussette, l’autre en porte-bébé honteuse face aux autres mamans qui, elles, parviennent à garder une classe folle.
L’impression, cette fois, de ne plus être une si bonne mère, d’être souvent fatiguée, impatiente, grognon. L’impression de ne plus avoir de féminité et de n’être réduite qu’à changer des couches.
Tout d’abord, une immense joie. Pour chacun de mes enfants, j’ai été profondément émue en les découvrant. Quel bonheur de voir enfin le visage des petits êtres que l’on a portés pendant neuf mois. Une immense fierté d’être maman, d’avoir tenu le choc pendant la grossesse, pendant l’accouchement, malgré toutes les difficultés que cela peut parfois impliquer.
Mais aussi des sentiments plus néfastes. De la culpabilité. La culpabilité d’imposer un petit-frère à ma si gentille petite fille au caractère si doux et de devoir la « délaisser » un peu. La culpabilité de ne plus passer assez de temps avec elle, de moins la stimuler voire de la laisser régresser un peu pendant quelques temps, de la rendre autonome un peu trop tôt.
Un peu de colère. Mon petit garçon n’y est pour rien mais parfois j’en veux un peu à cette nouvelle situation. Notre rythme était bien rodé à trois. A présent, il faut tout recommencer à quatre et l’adaptation parait beaucoup plus difficile et surtout bien plus longue.
C’est peut être ce qu’il y a de plus dur pour moi. J’ai beau aimer mes enfants du plus profond de mon coeur, je ressens parfois une certaine tristesse. Etre maman est une chance, voir mes enfants grandir est une chance et j’en suis infiniment reconnaissante mais perdre son entière liberté, égoïstement, est parfois dur à admettre.
La maternité est un don de soi total, généré par d’innombrables renoncements qu’il est parfois dur d’accepter. Garder un corps harmonieux, avoir une carrière lorsqu’on choisit d’être mère au foyer alors qu’on a fait de longues études, une maison toujours propre et rangée, sortir boire un verre sur un coup de tête, partir en weekend entre amis, se faire un cinéma ou un restau sans penser au budget babysitter, être stimulée intellectuellement, ou être tout simplement seule, seule avec soi-même. L’attention portée à mon mari en a aussi pris un coup. Tout demande anticipation et organisation. J’ai dû faire le deuil de la spontanéité, des imprévus ce qui peut être paradoxal tant la vie d’une maman a son lot de surprises quotidiennes, de chamboulements sortis de nulle part !
Mais quand on est maman, on ne pense plus uniquement pour soi. On pense pour deux, trois, quatre, etc… et par conséquent on ne peut plus faire ce qu’on veut quand on veut. La moindre décision, aussi futile soit-elle, a une incidence sur toute la famille. On n’a plus aucune tranquillité d’esprit.
Par moment, je ne gère justement rien. Tous ces sentiments sont tellement contradictoires et changeants qu’ils s’entrechoquent et sont incontrôlables. Souvent, je craque. Seule, devant mon mari, devant mes enfants mais toujours en intimité, jamais en dehors de la maison. A l’extérieur, je garde la tête haute et le sourire, ce qui est parfois terriblement épuisant. Je n’ai pas fait de dépression postpartum mais je comprends parfaitement comment on peut s’y engouffrer sans même s’en rendre compte. Pas de dépression mais parfois un ras le bol gigantesque. L’impression être seule, incomprise tout en sachant que ça n’est pourtant pas vraiment le cas. L’impression de devoir toujours faire bonne figure alors qu’au fond on aimerait tout plaquer pour aller se reposer sur une île déserte paradisiaque.
Le paradoxe d’être profondément heureuse de ma vie, chanceuse, mais aussi si malheureuse face aux difficultés qui s’imposent à moi, à échelles variables et quelques fois disproportionnées. Parfois une couche sale alors qu’on s’apprête à sortir et que tout le monde est enfin prêt peut me faire fondre en larmes.
Mais j’essaie toujours par la suite de prendre assez de recul pour positiver. J’essaie de ne pas constamment voir ce à quoi j’ai dû renoncer, ce à côté de quoi je passe mais les belles choses que j’accomplis. Peut-être que mon plus bel accomplissement du jour aura été d’apprendre un nouveau mot à ma fille. Ça n’est pas extraordinaire dans l’absolu mais ça reste beau parce que cela nourrit la relation que nous entretenons. J’essaie de transformer chaque frustration en quelque chose de beau. Ça n’est pas toujours facile, j’échoue souvent mais je pense que c’est le point de départ pour gagner en épanouissement, reprendre le contrôle. Voir la beauté dans les petites choses concrètes et non la grandeur des aspirations que je pouvais avoir et que je ne pourrais probablement jamais atteindre.
Le papa est un peu désolé de me voir triste et épuisée certains jours mais il fait preuve d’une grande compréhension. Il essaie de me rassurer, de m’encourager, de me faire réfléchir et relativiser. Il me rappelle souvent les raisons pour lesquelles on a fait certains choix. Celui d’avoir des enfants rapprochés, celui de faire de moi une maman à plein temps à la maison. Il n’est pas dans ma tête et ne peut donc pas réellement maitriser les sentiments qui sont les miens (qui sont, avouons-le, très féminins et souvent guidés par les hormones) mais il m’écoute, prend sur lui, et c’est déjà beaucoup. Il me rappelle également à la raison lorsqu’il m’arrive de trop me plaindre et essaie de me soulager autant que possible lorsqu’il est à la maison. Il m’accepte et m’aime telle que je suis, encore plus dans mes moments de faiblesses. J’ai une chance incroyable. Il est un fidèle allier, un réel pillier.
Pour ce qui fait du bien, le simple fait de voir que d’autres mamans, elles aussi, rament un peu, sont heureuses et pourtant paradoxalement malheureuses.
La disponibilité de certaines amies qui seraient prêtes à « sacrifier » leur propre confort, leurs propres enfants le temps d’une journée pour rendre service sans nous faire ressentir l’obligation d’être redevable.
Les mots doux, réconfortants, motivants de mon époux.
Pour ce qui fait du mal, des répliques faciles et inappropriées « 14 mois d’écart, ah oui ouch… c’est rapproché quand même ! » « ah bah tu l’as choisi ! Il faut assumer maintenant » etc. Des regards, des avis, des jugements à peine déguisés… Du coup, le silence indifférent de certaines personnes fait du bien comparativement !
J’essaie d’améliorer des petites choses petits à petits. Des petites choses pour mes enfants, des petites choses pour moi. Je me suis enfin mise au petits pots faits-maison pour ma fille alors que je déteste cuisiner ! J’essaie de prendre un tout petit peu plus de temps pour moi. Ces petites choses mises bout à bout m’aident à me sentir meilleure et donc mieux. Meilleure en tant que maman, mieux en tant que femme et je suppose que cela m’aidera à être une meilleure épouse.
Je fais partie des chantiers éducations des AFC. Voir d’autres mamans régulièrement, parler de nos enfants en toute confiance libère ma parole et me fait du bien. Cela me permet également de prendre de la hauteur et de comprendre ce que je ressens et ce que je veux pour mes enfants, pour ma famille.
Lors de ma première grossesse, j’ai créé une conversation WhatsApp avec deux amies ayant des termes proches du mien. 1 an et demi après, nous échangeons encore beaucoup. Outre les petites photos et nouvelles sympas, nous nous donnons et demandons des conseils. Je sais que je peux compter sur elles et j’imagine qu’elles savent que c’est réciproque. Nous n’hésitons pas à nous confier nos coups durs.
Je leur dirais de faire tomber le masque de la parfaite petite maman catho qui se fait un devoir d’être toute pimpante en toute circonstance et de faire mine de tout réussir de front, les doigts dans le nez !
Je leur dirais de faire fi de la légende de cette mère parfaite qui ne ressent que de l’amour et de la joie H24, reste pétillante, toujours bien apprêtée, dont les enfants ont l’air si sages, qui parait épanouie en tout point et qui semble n’avoir aucune difficulté. C’est faux, cette femme parfaite n’existe pas, on le sait toutes. Elle a juste le mérite de prendre considérablement sur elle pour ne rien laisser paraitre. Elle galère aussi forcément certains jours où il lui arrive d’être en colère, de pleurer, de se négliger, d’être fatiguée dès que les autres ont le dos tourné.
On peut très bien être reconnaissante du cadeau qui nous est fait lorsqu’un enfant nous est confié, rendre grâce au Seigneur pour ce don si précieux, avoir le coeur rempli d’amour et de joie, se donner sans compter avec générosité et sincérité et pourtant avoir des moments de ras le bol, de désespoir, de colère, d’impatience et parfois même de rage intérieure.
L’important est de prendre conscience de ces émotions contradictoires, de ces frustrations, et de prendre toujours le recul nécessaire pour les analyser et les relativiser. Elles finiront par passer. Même si nous sommes toutes imparfaites, nous sommes aussi toutes faites pour aimer nos enfants. C’est la seule chose réellement importante à retenir.
Nous sommes toutes humaines et c’est pourquoi la confrontation d’émotions, parfois belles, parfois mauvaises sont possibles. Ça ne fait pas de nous des monstres, juste des mamans, des mamans entières et vraies ! Avouer ses faiblesses à une amie lui procurera sans doute plus de réconfort qu’on ne le croit, et vice versa !
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