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L’amour fou dès le test de grossesse, la première échographie ou la naissance, je savais que ça existait. On m’en avait parlé et j’y croyais pour nous. Pour lui, niché dans mon ventre, et pour moi, sa maman. Nous allions vivre quelque chose d’extraordinaire avec mon fils. J’en étais sûre.
Et pourtant.
L’accouchement n’a correspondu en rien à ce que j’avais imaginé. Ou bien si. Mais la pire version du scénario. Un dimanche soir du mois de janvier. Mon mari à quelques milliers de kilomètres de là. Une césarienne par facilité de l’équipe médicale pressée de rentrer chez elle. Parce que la grande star de la soirée n’est pas mon bébé mais celle qui s’agite dehors. La neige. La neige qui bloque toutes les routes et inquiète le médecin, le rendant imprécis et inattentif à ses gestes.
Je me sens seule au monde. Mais je ne le suis pas justement, seule. Car il y a ce petit être que l’on vient de poser sur moi. Il est si beau, si calme, si doux. Mais je n’étais pas prête. Pas comme ça. Pas sans son papa. Pas au milieu de ces personnes que je ne connais pas et qui ne seront rien pour lui.
Je n’ai pas fait de dépression post-partum. Même si, presque 4 ans après, je me pose toujours un peu la question. Mais je me suis sentie dépossédée de ma vie et de moi-même. J’ai beaucoup pleuré et ai eu tant de mal avec ce nouveau rôle qui me tombait dessus. La perte de mon insouciance, la responsabilité, la dépendance de ce tout petit. Tout était si nouveau et si dur.
J’aurais aimé savoir. Pas seulement les contractions, les suites de couches ou l’allaitement. Mais j’aurais aimé que l’on me raconte l’envie de pleurer qui ne nous quitte pas, la perte de repères, l’impression de mourir à soi-même et à sa vie. J’aurais aimé que l’on me dise que c’est normal et que ça prend du temps. Mais qu’un jour ça irait mieux.
Il m’aura fallu une bonne année pour retomber sur mes pattes et me sentir à l’aise à nouveau. Un an pour accepter. Faire le deuil de ce qui a été. De ce que j’ai été. Un an pour imaginer accueillir la vie à nouveau.
Et puis, j’ai eu mon second fils. Un accouchement naturel, avec un papa là in extremis et reparti 24h plus tard. Mais tout était différent. Pourtant j’ai pleuré, j’ai été fatiguée, j’en ai eu marre. Mais je savais. Je savais que ça passerait, qu’il fallait que je me laisse du temps et, surtout, surtout, que c’était normal.
J’ai accepté de ne pas tomber folle amoureuse au premier regard et d’avoir besoin de connaitre cet autre pour que l’amour animal fasse place à un amour de mère.
Nous valorisons l’instantané, la passion et le coup de foudre, mais un amour se construit de mille petites choses simples et lentes. De temps passé ensemble. De douceur.
Nous parlons de devenir mère, en oubliant justement que le devenir est le « mouvement par lequel une chose, un être se forme ou se transforme » et le « commencement à être ce qu’on n’était pas ».
J’aimerais que les nouvelles mamans entendent parler de cet état du devenir, de ce rite de passage entre ce qui a été et ce qui sera. Qu’elles sachent recevoir cette dépossession et comprennent combien il faut d’abandon. Qu’elles acceptent de mourir un peu afin de renaître. Pour être à nouveau. Être, non plus comme fille, mais comme maman.
Et, enfin, qu’on leur dise qu’elles fléchiront mais, surtout, qu’elles se relèveront.
Alors, elles seront mères.
Marie-Amélie Clement
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