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Je n’ai que des garçons : toute mère d’une famille un tant soit peu nombreuse aura entendu, à l’occasion d’une quelconque sortie en famille, cette phrase qui agace « Ils sont tous à vous ?! ». On aura aussi entendu quelques variantes subtiles et agréables « Ils ont le même père ? », « Ha mais vous n’avez pas chômé ! », « ils étaient tous voulus ?? », « Vous allez vous arrêter maintenant, j’espère ! » ou encore, le délicieusement frais et printanier, surtout dit devant les enfants « Avec monsieur, c’est une fois par an et ça marche c’est ça ? Qu’il ne vous approche plus ! », ou « Vous connaissez pas la pilule ? » – florilège non exhaustif -. Ça agace, oui. Mais ce n’est pas bien grave et ça change des discussions habituelles relatives aux cumulonimbus.
Ces mères ont la chance suprême d’avoir leurs réflexions spéciales : « Vous ne savez pas faire de fille/garçon? », «Vous en avez fait autant pour essayer d’avoir un(e) fille/garçon ? », « Allez, faut en tenter encore un ! ».
J’ai même vécu, en allant acheter mon pain avec ma joyeuse équipe, trois semaines après la naissance de mon dernier, le regard plaintif d’une femme qui me demandait comment s’appelait le tout nouveau né dans mon écharpe, posant une main délicate sur le dos de mon tout-petit, accompagné d’un « Mon Dieu ! Vous n’étiez pas trop déçus ? ». J’ai failli avaler de travers le quignon du pain frais dans lequel je venais de croquer…
Ou encore ma peste de belle-sœur, enceinte en même temps que moi… Qui découvre fort à propos qu’elle possède mon numéro de téléphone pour m’envoyer par sms, suite à sa deuxième échographie, un « On aura une fille, et vous vous aurez quoi ?! »*. Alors il faut se rendre à l’évidence, nous devons être une sorte de mères un peu foireuses, qui n’ont même pas réussi la sacro-sainte parité.
Toutes foireuses que nous sommes, nous voilà néanmoins face à des êtres individuels élevés malgré eux en groupe. Parce qu’est-ce leur faute, à eux ?
J’ai quatre fois un fils qui demande de l’attention, qui veut partager son rêve, qui suivra sa passion, qui aime mieux la glace au citron que celle au chocolat, qui fait de la natation et pas du tennis parce que le tennis, lui, ça ne lui plaît pas. J’ai quatre fois un fils qui est soit anxieux et drôle, soit rêveur et sentimental, soit susceptible et tendre, soit têtu et comédien. Et j’ai quatre fois un fils à qui va mieux le rouge que le bleu, à qui le vert met en valeur son exceptionnelle couleur de cheveux, qui porte mieux le sweat à capuche que la chemise, qui porte des lunettes… J’ai quatre fois une personnalité d’homme à exploiter.
A la question, inévitablement posée par l’un de mes garçons, à force d’entendre les réflexions qui sont faites par des inconnus « Maman, quand même, tu aurais aimé avoir une fille, toi ? ». J’ai marqué un temps d’arrêt. Et répondu de plus profond de mon cœur « Oui, mon chéri. Si j’avais pu choisir, j’aurais eu une fille. C’est vrai. Mais je n’aurais jamais pu savoir combien cela me rend fière d’avoir quatre fils. Combien c’est fabuleux de vivre dans une ambiance de garçons, vous m’apprenez tant de choses ! Alors, je serais passée à côté de l’immense joie que vous me procurez tous les jours.
Alors oui, j’aurais très certainement pris beaucoup de plaisir à tricoter des écharpes à d’inertes poupées, à boire du thé virtuel, à choisir la barrette assortie au pull. J’aurais très certainement aimé coudre des rubans sur des pointes de danseuse et coiffer une mariée d’un voile de famille…. Mais il n’en sera pas ainsi et j’avance dans l’inconnu, dans l’inconnu de ce que peuvent être les passions et préoccupations de jeunes hommes. Et j’apprends, j’apprends beaucoup plus. Sur eux, sur moi, sur nous. Chacun d’entre eux est indispensable, essentiel. Ils ne sont pas un rêve, ils ne revêtent pas mes propres envies de fille, de femme et de mère, ils sont simplement une magnifique réalité, une réalité que je ne changerais pour rien au monde.
Christel
* Pas du genre à me laisser démonter… J’ai envoyé une photo de notre poisson rouge fraîchement acheté pour répondre : « Alors nous on vient d’avoir un poisson rouge ! ».