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Enceinte à 18 ans : je me souviens très bien de l’annonce de ma 1e grossesse. Comment oublier ce qui a profondément bouleversé ma vie de jeune femme ? Alors tout juste sortie du bac, en 1e année d’études à Paris…
J’avais 18 ans. J’avais rencontré le père de mon enfant au lycée, une histoire d’amour hors normes, un peu folle, très controversée dans mon milieu social et familial. Mais je vivais cette relation légèrement car en partie cachée, peu soucieuse de l’avenir, pas vraiment engagée.
Autour de moi, c’était l’effervescence des années d’études, les premières expériences dans tous les domaines, l’indépendance, les fêtes, les soirées festives, la découverte de soi aussi.
Pourquoi ai-je directement voulu faire une prise de sang plutôt qu’un test de grossesse en pharmacie, je ne sais pas… Quoi qu’il en soit, je pars avec une copine chercher le résultat. Sur le chemin, on rit et on se détend après une journée de cours, presque certaines que le résultat est négatif.
La secrétaire du cabinet d’analyses me tend le papier, avec un pourcentage d’hormones assez élevé, au-dessus de la normale. Je suis naïve et novice, je lui demande de m’expliquer. “vous êtes enceinte, oui, et de 4 semaines”.
Ce jour-là, ce moment-là, est inscrit à jamais dans ma mémoire, car il marquera un tournant considérable dans ma vie sans que je le sache vraiment encore. J’appelle tout de suite le papa, qui me rassure à peine mais me dit qu’on en parle le soir-même.
Nous sommes au palais royal, nous nous asseyons par terre ma copine et moi, abasourdies. Mon amie ne s’arrête pas de parler, presque davantage paniquée que moi. Elle parle pour combler le silence qui visiblement l’angoisse. Moi, je suis sonnée et je ne comprends pas.
La soirée passe, et puis les jours. Je ne veux pas rester seule avec ça, mais mes parents habitent loin et j’ai peur de leurs réactions. J’habite alors dans une chambre de bonne, au-dessus de l’appartement de ma marraine et de son mari. Je suis très proche de ma marraine. J’ai tellement besoin de parler. Elle me soutient immédiatement, même si elle m’avouera plus tard qu’elle vivra à ce moment-là une tornade d’émotions contradictoires.Tout de suite, elle m’héberge, me rapatrie dans son appartement pour me protéger.
Grâce à elle et à son mari, je n’ai pas eu honte d’être enceinte, d’avoir été simplement très amoureuse, j’ai eu l’opportunité de réfléchir sans panique et d’écouter ce que je voulais pour ce bébé, pour moi et son papa. J’ai eu aussi des amies formidables qui contre toute attente, ont d’abord été enthousiastes.
J’ai tergiversé pendant 2 semaines, prise par la peur de rater mes études, d’assumer un enfant, de devoir m’engager avec le père car je savais notre relation fragile. Je sentais bien que ce n’était pas un “petit” changement. Je pressentais que j’allais l’élever seule. Et puis, un soir, avec le papa, nous comprenons que nous sommes heureux de cette grossesse. C’est complètement insensé, nous ne savons pas ou cela va nous mener mais c’est la joie qui nous habite. Alors, c’est décidé, on l’accueille.
J’ai dû affronter des médecins, des connaissances pour qui ce choix n’était pas le bon. J’ai dû assumer au sein de ma famille cette situation qui n’était pas honorable, j’ai reçu les peurs des autres, les injonctions à prendre telle ou telle décision, le regard des gens, les mots blessants. Je suis devenue marginale pour les gens de mon âge, une curiosité.
J’ai passé la fin de ma grossesse dans un foyer, pour fuir la pression, ce qui m’a beaucoup apaisée avant la naissance, même si un fossé était en train de se creuser entre le papa et moi.
Je suis devenue maman en chancelant, peu confiante, incapable d’allaiter. Chaque jour, j’apprenais, je découvrais et mon petit bébé m’a beaucoup aidé. J’étais très seule, habitée d’un grand désarroi face à un corps transformé, aux renoncements que je faisais, à cette lourde responsabilité qui m’incombait. Mais chaque jour, pour elle, vaille que vaille, je me battais.
Ma fille a été un rayon de soleil dans ma vie, une dynamite de joie et d’amour, une source inépuisable pour avancer, trouver le courage, aimer la vie. Je l’ai compris bien plus tard, mais elle m’a totalement révélée.
Sans le comprendre, j’ai bougé les lignes pour mon entourage, j’ai brisé des tabous, cassé des codes, j’ai laissé entrer un peu d’air dans une vie suffocante. J’ai dû développer mes propres ressources, revoir mes priorités, me mettre un peu entre parenthèse, affronter mes démons, mes traumatismes. J’en ai retiré beaucoup d’humilité, de gratitude, de force et une empathie profonde pour les plus fragiles même si j’ai dû me battre contre la solitude, le manque, le désespoir parfois.
Cela m’amuse d’entendre parfois que des connaissances ont mentionné mon histoire auprès d’une jeune femme qui s’est retrouvée dans la même situation et que cela a pu l’aider dans son discernement.
Et puis ma fille, ma pépite, en aura marqué plus d’un par ses rires, sa gaieté, sa générosité. Un bébé à cet âge, aux yeux des autres, ce n’est pas anodin. J’ai vu aussi beaucoup de bienveillance, j’ai reçu beaucoup de confidences, de jeunes femmes blessées dans leur maternité.
Quand je vois ma fille aujourd’hui, adolescente de 13 ans, belle comme un cœur, enjouée, profonde, je suis fière de ce chemin avec et pour elle.
J’ai seulement l’immense regret que le jeune couple innocent que nous formions avec son papa n’ait pas résisté à ce tsunami. Même si nos divergences nous auraient de toute façon séparés, nous n’avons pas eu le droit d’essayer et je sais combien il a souffert. Ce n’est pas par manque d’amour que notre couple n’a pas perduré, bien au contraire.
Parce que finalement, il suffit de regarder le regard lumineux de notre fille aujourd’hui, pour savoir qu’il nous a fallu beaucoup d’amour et de confiance en la vie pour qu’elle réussisse, elle, à venir au monde.