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Phénomène encore largement incompris, le déni de grossesse est pourtant bien plus fréquent qu’on pourrait l’imaginer. En France, on estime que le déni de grossesse concernerait entre 600 et 1800 grossesses par an. Mais comment est-ce possible d’être enceinte sans s’en rendre compte ?
Le déni de grossesse se définit par le fait de ne pas avoir conscience d’être enceinte après le premier trimestre de la grossesse. Dans le cas d’une grossesse classique, le ventre commence à s’arrondir, la poitrine gonfle et l’on peut sentir le bébé bouger dans le ventre. Pour laisser la place au bébé, l’utérus vient se pencher vers l’avant.
Difficile d’imaginer que toute cette transformation physique puisse passer inaperçue. Et pourtant … En cas de déni de grossesse l’utérus va alors s’appuyer vers l’arrière et vers le haut. Résultat, c’est la ceinture abdominale qui va soutenir l’utérus.
Le bébé sera donc positionné d’une façon différente et la grossesse passera totalement inaperçue, peu importe la morphologie de la femme enceinte. Par ailleurs, pendant la grossesse, des saignements peuvent survenir qui seront alors pris pour des règles. En réalité, il s’agit d’un saignement du col utérin.
Le déni de grossesse peut être total ou partiel, selon le temps que met la femme enceinte à réaliser ce qui lui arrive. Le déni partiel est le fait de ne pas savoir que l’on est enceinte après les trois premiers mois, mais de le réaliser avant le terme. Ce cas étant le plus fréquent, il représenterait 62% des dénis de grossesse.
Cependant, lors d’un déni total, la femme enceinte n’a pas conscience de sa condition pendant tout le long de sa grossesse. Elle s’en rend compte le jour de l’accouchement. Ainsi, il arrive souvent que les femmes se retrouvent à accoucher seules. En effet, on estime que sur 340 accouchements liés à des dénis totales, 80 se déroulent lorsque les femmes sont seules et chez elles.
Le corps étant une machine extrêmement sophistiquée et intelligente, rien n’arrive par hasard. Le déni de grossesse est une stratégie du corps qui dissimule la grossesse à la femme enceinte pour se protéger.
« C’est une stratégie défensive inconsciente pour protéger la mère d’une angoisse : angoisse d’enfanter, angoisse de porter un enfant, angoisse d’être mère, etc. » explique Karine Denza, psychanalyste et auteure de l’ouvrage Le double déni de grossesse.
Certaines femmes peuvent redouter la grossesse pour diverses raisons. Traumatismes non réglés, rapport au corps compliqué, ambivalence du désir d’enfant, agression sexuelle etc. Quoiqu’il en soit, le déni de grossesse résulte toujours d’une souffrance psychologique, connue ou non de la femme enceinte.
Par ailleurs, il est important de préciser qu’il peut toucher toutes les femmes, peu importe leur âge, milieux social-économique, ou si elles ont déjà eu des enfants ou non. La femme n’est en aucun cas responsable de ce déni.
Le principe même d’un déni de grossesse est l’absence de tout symptôme. Il est donc extrêmement difficile de détecter un déni, et même les médecins peuvent passer à côté. En effet, on estime que 38% des femmes enceintes ont consulté un professionnel de santé pendant leur grossesse, sans que cette dernière n’ait été détectée.
Le phénomène le plus troublant sont les « fausses règles ». Comme évoqué précédemment, la plupart des femmes ayant vécu un déni de grossesse, déclarent avoir eu leurs règles pendant leur grossesse. Il s’agit en réalité de saignements utérins qui sont toutefois plus espacés que des règles normales. Certains éléments peuvent mettre la puce à l’oreille comme une légère bosse au niveau de l’abdomen ainsi que des douleurs abdominales régulières. Un test de grossesse par analyse d’urine ou prise de sang révélera toutefois la grossesse.
Si l’absence totale de symptôme peut déjà paraître étrange, l’apparition soudaine des symptômes l’est tout autant. Si la grossesse est finalement diagnostiquée par une prise de sang ou une échographie, les symptômes vont subitement apparaître. Le ventre va s’arrondir en seulement quelques heures, puisque le corps n’aura plus besoin de dissimuler le pot aux roses.
Le premier risque lié à un déni de grossesse est d’accoucher seule. N’ayant pas conscience de sa condition, la femme n’a pas pu préparer son accouchement, le plaçant donc à risque. Sous le choc de la révélation, il peut arriver que la mère rejette son enfant ou culpabilise de son comportement pendant la grossesse.
Quant à l’enfant, il est exposé au risque de prématurité entrainant un faible poids et un retard psychomoteur. Les médecins vont donc accorder une attention particulière au nouveau-né afin de détecter une éventuelle anomalie. Cependant, il est tout à fait possible que l’enfant n’ait aucune séquelle et qu’il se porte à merveille !
Il est vivement recommandé aux femmes ayant vécu cette expérience d’être accompagnées psychologiquement. Et de ne pas négliger l’impact mental et physique de cet événement.