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« Maman, Justine c’est ma copine. On a les mêmes pouvoirs » dit ma 3 ans en arrivant à l’école. Quelques minutes plus tard je la regarde, attendrie, courir rejoindre ladite copine et glisser sa main dans la sienne pour se mettre en rang. Je m’émerveille mille fois de la douceur et de la joliesse de ces premières amitiés. De leur simplicité et de leur vérité. Je m’interroge aussi : qu’est-ce que peut être l’amitié, pour elle qui ne parle correctement que depuis quelques mois, qui était encore à quatre pattes il n’y a pas si longtemps ? Que peut-il se passer dans son cœur de petite fille ?
Sur le chemin du retour, je repense à ces dernières années, à ces derniers mois. Il y a peu, elle mordait ceux qui l’embêtaient et câlinait ceux qui voulaient bien partager leurs jouets avec elle. C’était son moyen d’exprimer quelque chose : « tu m’énerves » ou « tu es gentil » mais bien vite après, elle jouait dans son coin et avait déjà oublié l’existence de son copain ou le sale coup de l’autre. Des affinités se créaient mais elles changeaient, variaient, s’adaptaient aux humeurs, aux périodes, aux présences et aux absences. Il y avait bien sur les enfants qu’elle voyait plus régulièrement que les autres et avec qui elle partageait, de fait, plus de choses mais, même-là, nous ne pouvions pas encore parler d’amitié.
En fait, le tournant a vraiment eu lieu lors de l’entrée en maternelle. À ce moment-là, la vie de notre enfant change. Il comprend qu’il rentre dans la cour des grands.
C’est impressionnant l’école. Ça fait un peu peur parfois. C’est grand aussi et il y a beaucoup de règles. C’est fatigant, un peu. Il y a plein d’enfants, tous différents. Tiens, cette petite fille à l’air gentille. En plus, elle a des chaussures Reine des Neiges. Peut-être qu’elle voudra bien jouer dans le coin des poupées avec moi.
Un ami, quand on arrive dans un nouvel endroit un peu intimidant, c’est rassurant. C’est un pilier, un secours, une main à laquelle s’accrocher. Alors on veille à la choisir avec soin. Inévitablement notre enfant va être attiré par ce qui le rassure, ce qui lui plaît chez l’autre. Tout ce qu’il a appris et connu à la maison ces trois précédentes années va donc être un point d’accroche.
«L’éducation est faîte à trois ans» : votre vieille tante ne vous a-t-elle pas toujours crié ce slogan ? De fait, on s’en rend compte dans le choix des premiers amis. Indéniablement, si ma fille a pris l’habitude de jouer à la princesse sauvée par un preux chevalier, elle va chercher des enfants qui seraient capables de rejoindre son imaginaire et le partager. Si mon mari et moi l’avons assez bien guidée pour qu’elle ouvre son cœur aux autres et aux différences, elle ira sans peine vers un enfant laissé un peu seul dans son coin pour lui tendre une main et le soutenir, lui aussi. Si nous l’avons assez bien éduquée pour qu’elle dise « merci » et « s’il vous plaît » au moment voulu, elle sera rassurée par des enfants ayant appris les mêmes règles.
Aussi, l’éducation donnée, les règles, les valeurs partagées par le cocon familial des premières années sont cruciales pour la construction de l’enfant, dès le plus jeune âge, notamment dans le choix de ces amitiés. L’école, ensuite et pendant de longues années, se charge également d’éduquer nos enfants et de leur apporter cette ouverture au monde, ce sens du partage, ce goût de l’apprentissage nécessaires à leur bon développement.
Évidemment, nos enfants vont aussi se tourner vers des camarades de classe au tempérament attirant. Chaque petit élève a son propre caractère qui plaît (ou non) aux autres enfants et attire leur attention (ou pas). Ainsi, vous serez peut-être très déçue de voir que votre numéro 2 ne s’entend pas du tout avec Louise, la fille de votre meilleure copine, alors qu’ils se voient tous les mercredis au centre aéré mais cela sera surement dû à des différences de tempérament, à un manque certain d’affinités. Il faudra ravaler votre déception et accepter que votre enfant ait fait ce choix, à un moment donné.
Néanmoins, notez bien que même si nous pouvons parler d’amitié dès la maternelle, celle-ci s’adapte à l’âge des enfants et répond à leurs besoins : il ne faut pas s’étonner de voir votre enfant changer de camarades régulièrement, devenir inséparable avec l’ennemi d’hier et connaître de gros chagrins. On parle d’amitiés girouettes… Un jour, votre enfant rentrera peut-être très heureux d’une après-midi avec Louise en chantonnant que c’est « sa meilleure copine de la vie ». Un autre jour, il rentrera chagriné de l’école en vous expliquant que « Baptiste est vilain » alors que, hier encore, il était « génial » ! Il ne faut pas minimiser ces chagrins : pour nous ce sont des petites histoires insignifiantes, pour eux cela peut être extrêmement douloureux, compte tenu de leur propre représentation du temps et de l’espace. Veillons dans ces moments-là à leur apporter l’écoute et le soutien dont ils ont besoin, tout en prenant garde à ne pas trop interférer dans leurs relations. Laissons-les communiquer leurs émotions.
Dans la même veine : qui de l’ami imaginaire ? Nombreux sont les enfants de 3-5ans qui s’en invente un ! Étrange, n’est-ce-pas ? Chez ma fille de 3 ans, j’ai mis du temps à comprendre. Elle me parlait régulièrement d’une Ouanechou (n’étant pas sûre de l’écriture, je me permets une traduction phonétique !) : une amie gentille, toujours là, qui jouait avec elle et sa meilleure copine. J’ai d’abord cru que c’était un personnage de dessin animé que je ne connaissais pas (étonnant, vu ma connaissance -jusque-là inégalée- en termes de dessin animé !) et petit à petit j’ai compris que c’était, en fait, une amie imaginaire qui la suivait partout et l’aidait à se sentir plus forte. Pas étonnant, nous étions en train de traverser des mois extrêmement éprouvants pour elle : l’annonce de l’arrivée d’un nouveau bébé, Noël COVID où toute la famille était malade, papa et maman régulièrement absents à cause de leur travail, arrivée et départ d’une jeune fille au pair, etc… Notre fille avait tout simplement besoin de ce compagnon invisible pour partager avec elle toutes ces aventures si particulières. Aujourd’hui, lorsqu’elle me parle de Ouanechou, je rentre dans son jeu et l’écoute. Je ne solliciterai pas moi-même cette amie imaginaire mais je prends soin de ne pas me moquer de ma fille comprenant bien qu’elle en a besoin le temps que les choses se calment, qu’elle retrouve son équilibre et que Ouanechou perde son utilité rassurante.
En bref, quelques phrases clés à retenir à l’issue de cette lecture :
-Donnez à votre enfant les bonnes clés : l’amitié est essentielle dans la vie, guidez-le dès le plus jeune âge pour qu’il prenne ensuite les bonnes décisions sans ses choix et s’engage dans de belles relations pleines de partage.
-Veillez à l’équilibre des choses : laissez votre enfant construire ses amitiés à sa manière et se construire lui-même au passage et notez bien que, même s’il ne faut pas se mêler de ses choix amicaux, il faut s’assurer de la qualité de ses relations : qu’il soit épanoui, qu’il ne devienne pas despote ou, au contraire, asservi, souffre-douleur.
-Montrez-lui votre intérêt lorsqu’il vous parle de ses joies, de ses chagrins. Faîte preuve de reconnaissance.
-Et pour le mot de la fin, je rajouterai que l’amitié n’est pas l’amour : de même qu’il ne faut pas confondre frères-sœurs et amis, il est important de notifier que la relation amicale est très différente de la relation amoureuse. Inutile de coller l’étiquette d’ « amoureux » sur le petit camarade de classe dont vous parle régulièrement votre fille ; laissons à nos enfants leur place d’enfant, ils grandiront bien assez vite.
Anne-Victoire Courcelle
Crédit photo : Nathalie Coster
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