Lorsque mon fils est né, il y a dix ans, j’ai très vite pensé à sa jolie petite allure d’écolier, cartable sur le dos, chaussettes qui tombent, feutre sur les mains. Alors forcément, sa toute première rentrée, à lui, à mon aîné, c’était une émotion toute particulière, un sentiment de fierté, d’entrer dans le cycle de la parentalité à part entière, mêlée à l’excitation de découvrir tout ce qu’il apprendrait, et qu’il nous raconterait, je connaissais d’ailleurs le prénom de chaque élève de sa classe, comme si j’y étais moi aussi, comme si je me rapprochais encore un peu de ce qu’il vivait à l’école. Et il y avait de l’inquiétude aussi : qui le consolera de ses chagrins ? Les autres enfants seront ils gentils avec lui ? La maîtresse assez attentive à ses émotions ?
Aujourd’hui, dans la boite aux lettres, est arrivé son dossier d’inscription en 6eme. Autant dire que l’eau a coulé sous les ponts et l’excitation des premières années est toute retombée… Et je repense à ces huit années d’école, à ce qu’il y a vécu, aux relations qu’il a eu avec ses enseignants, à ce que nous avons mis en place pour l’accompagner au mieux…
élève et enseignant : Nous suivons à 100% la maitresse
Il a quatre ans, déjà grand frère de deux zozos qui restent à la maison avec maman, eux. La maîtresse nous convoque : « Problème relationnel », « difficulté à s’intégrer au « groupe classe », « bouge tout le temps ». Un peu honteux,
comme si nous avions raté quelque chose dans son éducation, mais pleins de bonne volonté, nous écoutons attentivement la maîtresse, et nous nous mettons 100% de son coté. Nous remettons une couche de reproches à la maison quand la journée à l’école n’a pas été bonne. BIM.
Nous montons au créneau pour défendre notre fils
Il a six ans et une maîtresse de CP qui utilise des méthodes disciplinaires que nous trouvons quelques peu inadaptées, comme faire copier des lignes qu’il n’arrive pas encore à lire. On tente de le défendre. La maîtresse se braque. Les remarques continuent de fuser. Il subit. Les réflexions inappropriées se multiplient. Nous prenons rendez-vous : « n’écoute rien », « ne comprend pas qu’il doit se conformer aux règles » « croix noires ». Il se tend, nous voyons bien que
si l’apprentissage reste facile, la joie d’aller à l’école n’est plus là. Nous changeons de stratégie, nous montons vraiment au créneau pour défendre notre fils. La maîtresse ne veut plus nous croiser. La psychologue scolaire devient notre médiateur, avant que son poste soit réduit à peau de chagrin l’année suivante. Autant dire que niveau relationnel, c’est raté.
élève et enseignant : C’est avec le camarades que cela coince maintenant
Il a huit ans. Dès le premier
jour de la rentrée,
nous rencontrons la maîtresse pour lui exposer le profil de notre garçon ; un enfant brillant mais insolemment curieux, défiant l’adulte, déstabilisant de sagacité. Nous lui assurons notre soutien et notre disponibilité pour solutionner ensemble d’éventuelles difficultés. Elle en prend bonne note. Cette fois, ce sont avec les camarades que tout coince. La maîtresse fait l’autruche, le laissant endosser le rôle d’insupportable arrogant de cour de récré.
Le découragement dans l’accompagnement de son enfant
Il a dix ans.
Sa maîtresse est perspicace. Il est en confiance. Mais voilà que la maîtresse de l’an dernier, qui semblait avoir pris sur elle bon an mal an une année entière, n’hésite plus, comme libérée du poids d’avoir dans sa classe un enfant non conforme aux attentes académiques, à relever ses moindres faux-pas, le renvoyant à son « bon sens », à son « ingéniosité » toute teintée d’ironie.
Et nous voilà avec une
punition anachronique de cinquante lignes, un enfant furieux, en larmes devant l’injustice qui l’a mené à se faire à nouveau rabroué, et un immense découragement.
La colère et le découragement nous gagnent, nous aussi. Que faire ? Voilà, je crois, la meilleure question à se poser lorsqu’un conflit entre son enfant et son enseignant surgit.
élève et enseignant : Savoir composer avec des injustices et apaiser les tensions
Fort des expériences passées, nous allons nous contenter d’accueillir sa colère, de
comprendre l’injustice qu’il vit. Il doit faire sa punition, ne pas se mettre en tord à nouveau. Il la fera courageusement. Nous démêlons la situation, il n’est pas franchement responsable des faits, même s’il a consécutivement commis une erreur, ce qu’il admet. Nous nous entretiendrons avec l’enseignante en temps et en heure,
avec un peu de recul et non dans le vif des émotions du moment.
Nous lui assurons, tous les deux, que nous sommes attentifs à ce qu’il vit à l’école, et que nous prendrons rendez-vous avec son enseignante, celle de cette année, si la vie à l’école est trop pesante.
Nous lui exposons aussi notre volonté de conserver des relations cordiales sans passer pour des parents trop protecteurs, parce que la vie est ainsi faite, même adulte, il faut parfois savoir composer avec des injustices et apaiser les tensions. Il comprend, il sourit, il nous remercie d’être là.
Je finis de rédiger cet article, mon regard se pose sur le dossier d’inscription au collège. Je réalise qu’on est à la moitié de sa scolarité. Quelque chose me dit qu’on n’a pas fini de se triturer l’esprit !