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Beaucoup d’éducateurs, d’enseignants, de parents ou de psychologues scolaires s’accordent à dire que de nombreux enfants, presque tous, dès l’âge d’environ 11 ans ont déjà vu ou aperçu sur un écran une vidéo pornographique. Soit sur un site de streaming, de téléchargement, ou sur une chaîne Youtube pourtant réservée aux enfants ou encore sur le portable d’un ami.
Si notre enfant vient aborder ce sujet de la pornographie, vient nous questionner que devons-nous faire ? Il est bien sur essentiel de toujours laisser la communication ouverte sur ce sujet délicat mais d’une grande importance.
La pornographie par ses caractères crus et violents peuvent agresser l’imaginaire des enfants, en leur donnant accès à un monde qu’ils ne connaissent pas. En effet, un enfant grandit jusque-là dans un univers enfantin, qui, normalement, ne donne pas accès à ces contenus sexuels. La sexualité est pour lui (presque) inconnue. Les caractères donc violents et incompréhensibles de ces images peuvent représenter pour lui un vrai traumatisme, il peut alors intérioriser cette image, surtout s’il ne peut pas la verbaliser, et se construire une représentation tout à fait fausse de son corps, de la sexualité et du consentement.
Un adolescent, lui, est dans un autre stade de maturation psychique, il peut donc déjà avoir une idée de la sexualité. Cependant, des images pornographiques par leur caractère violent à nouveau et factice peuvent venir bousculer toutes ses idées sur la sexualité et en modifier profondément son image. Il n’est alors pas forcément en mesure de faire la part des choses entre la fiction (bien plus croustillante et excitante) que la réalité et cela peut à long terme lui apporter de nombreuses difficultés relationnelles et intimes.
Certains peuvent penser que la pornographie peut permettre à nos enfants de découvrir une forme de liberté sexuelle à laquelle nos parents n’ont pas eu droit, ou à laquelle il est important qu’ils goutent. En réalité, la pornographie ne permet pas cela mais fait croire aux adolescents qu’il existe une recette toute faite dans ce vaste univers qu’est la sexualité et qu’en dehors de ce modèle, la sexualité ne serait pas « vraie » ni « vécue ». Nous savons toutes que la sexualité se construit entre deux personnes et elle est le fruit d’un consentement et d’une relation habitée, elle ne présente donc aucune recette, qui viendrait déshumaniser ces moments.
Beaucoup d’adultes aujourd’hui reconnaissent avoir été complètement victimes de cette industrie pornographique et s’aperçoivent aujourd’hui, dans la confidentialité de la thérapie à quel point ils sont devenus accrocs à ses images, cherchant toujours plus de violence et plus d’intensité. Cette sorte de dépendance peut tout à fait les éloigner de leur conjoint puisque la « simplicité » et la réalité de la sexualité conjugale devient alors bien ennuyante par rapport à l’intensité des images pornographiques. L’amour et/ou la tendresse à l’origine d’une union sexuelle ne leur suffit plus pour accéder au plaisir. Cela peut évidemment entrainer des conséquences psychoaffectives importantes puisqu’à l’origine de conflits voire de ruptures difficiles. Puisque nous connaissons ces conséquences, il est de notre devoir d’informer les enfants et les adolescents sur la facticité de cette approche de la sexualité.
Parler de la pornographie est une très belle occasion de parler de la nature humaine en général : pulsionnelle et imprévisible. En effet, il suffit de lire un article d’actualité pour se rendre compte de cette pulsionnalité jaillit partout (vol, viols, relations sexuelles non désirées, lynchage, cyber harcèlement…). Elle fait partie de la nature humaine, dès le plus jeune âge. Par ailleurs, si nous fonctionnons tout à fait correctement (travail, vie sociale, vie amicale et familiale…), c’est grâce à des remparts civilisationnels, éducatifs, culturels, qui nous poussent à réprimer nos pulsions et notre agressivité et à la diriger vers des activités plus intéressantes (travail, art, créativité, famille…). Ainsi, lorsque les hommes sont « lâchés » et qu’ils ont la possibilité de tout exprimer, de tout montrer et de communiquer (comme sur internet), l’homme montre ce qu’il a de plus grand et de plus civilisé (cours en ligne, reportages), mais aussi ce qu’il peut produire de plus triste et de plus laid. C’est ainsi que nous pouvons découvrir sur internet des scènes de grande violence (sadisme, guerre, génocide, harcèlement…) qui expriment les pulsions agressives des hommes ; et des scènes pornographiques qui jaillissent des pulsions sexuelles.
En parler est aussi une belle occasion d’évoquer la question de la sexualité. En effet, il est très important d’expliquer à votre adolescent que la sexualité est une pulsion sexuelle normale, mais que c’est un vrai geste de tendresse entre deux personnes adultes, que ce geste peut être mené pour faire des enfants ou pas, mais que dans tous les cas c’est un grand bonheur de la vie d’adulte. Cette sexualité peut avoir une place très différente dans la vie de chacun : certains refusent de le faire avant le mariage pour attendre sa femme ou son mari et d’autres le font au contraire sans être amoureux, mais dans tous les cas c’est un acte fort qui implique une vraie décision du côté de l’homme et de la femme. La beauté de la sexualité est en chaque couple qui invente et créer ces moments à deux.
Il faut bien expliquer à votre enfant qu’il s’agit d’une industrie (« des commerçants qui gagnent leur vie en filmant des gens en train de « faire l’amour » mais d’une façon parfois très particulière et souvent très brutale »). De plus, puisque la seule personne qui prend du plaisir est celle qui regarde la vidéo et que les acteurs n’ont aucune imagination et répondent simplement aux ordres d’un metteur en scène qui sait ce qui plait aux gens et ce qui va susciter le plus de vues et faire gagner le plus d’argent, alors on ne peut pas dire qu’il s’agisse de sexualité.
Enfin, vous pouvez aussi ajouter que beaucoup de choses sont vraiment inacceptables dans la pornographie, que ce sont surtout les résultats de la misère de cette industrie pornographique et que ce n’est pas du tout comme ça que vous souhaitez qu’il découvre la sexualité. L’image de la femme comme simple réceptacle des désirs de l’homme n’est pas réelle, la pauvreté des relations humaines et des sentiments ainsi que la détresse affective des acteurs/actrices ne valent en rien, absolument rien la vraie vie, c’est à dire celle remplie de liens habités, personnalisés, nourrissants et d’échanges de désirs réciproques.
Parler de la sexualité comme quelque chose de très beau pourra beaucoup aider vos enfants a en façonner une belle image dans sa tête et contribuera à faire naître en lui de belles choses et de grands désirs !
Lénaïg Steffens
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@lenaig.steffens.psy
Crédit photo : bice