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Chères mamans,
Je vous ai parlé récemment de la façon dont le bébé met en place et développe ce qu’on appelle les pré-requis langagiers, compétences qui préparent le langage. https://mamanvogue.fr/les-pre-requis-langagiers/
J’ai choisi de consacrer une série d’articles au développement du bébé porteur de Trisomie 21. Ces articles me tiennent à cœur car, pour ma plus grande joie, je rencontre souvent ces enfants dans mon métier d’orthophoniste ! Je vous propose aujourd’hui d’étudier comment la Trisomie 21 va influencer le développement de ces pré-requis, comment les compétences de communication vont se mettre en place chez ces bébés.
Encore une fois, comme à chaque fois que l’on parle du développement du bébé, et peut-être encore plus dans le cadre du handicap, ces indicateurs ne sont pas à prendre au pied de la lettre. Chaque bébé est différent, la Trisomie 21 est un handicap complexe, qui ne se manifeste pas de la même façon chez tous les enfants. Mais, si vous me permettez de faire quelques généralités, voici ce que je pourrais vous dire.
L’enfant trisomique 21 va développer son langage selon un schéma classique, mais décalé. L’important est qu’il passe bien par toutes les étapes, et donc, qu’il mette bien en place ses pré-requis langagiers, même si cela prend du temps !
Les difficultés se situent sur le plan de la compréhension et de l’expression. Deux principales difficultés rencontrées.
La première est une hypotonie musculaire, qui entraîne une déficit musculaire bucco-facial et des troubles de la posture qui influencent la communication et le développement du langage.
Un temps de latence, ensuite, plus long, peut dérouter et rendre le dialogue difficile : selon les études il est de 5 secondes chez l’enfant trisomique contre 3 seconde chez ses camarades. Quelques détails.
On s’accorde à dire que ces enfants ont une vraie appétence à la communication, un désir d’échanger, s’exprimer et être compris plus fort que chez les autres enfants.
Pourtant, les signaux de communication qu’ils envoient sont faibles, et d’un autre côté ils ont du mal à décoder les informations reçues, en raison d’un manque de coordination entre la vision et l’audition, la vision et le kinesthésique.
Ils sont donc moins bien compris par l’adulte, et le comprennent moins bien. Petit à petit, leur entourage étant dérouté, les enfants seront moins exposés aux situations de communication, alors qu’au contraire, en raison de leurs difficultés et en réponse à leur désir de communiquer, ils ont d’autant plus besoin de ces situations pour développer leurs compétences.
Le contact oculaire se met se place tardivement chez l’enfant trisomie 21, en raison de la maturation tardive de leur système visuel, en particulier de la zone maculaire, ou foyer central de la rétine, qui permet l’observation des petits objets.
Les regards seront de plus courte durée : en raison de l’hypotonie faciale, les muscles des yeux lâchent plus facilement. Un exemple : Ainsi durant les tétées, l’enfant porteur de Trisomie 21 ne passe en moyenne que 20 % du temps à regarder sa mère, tandis que l’enfant tout-venant y consacre 80 % du temps.
L’exploration visuelle est réduite pour plusieurs raisons. La maturation tardive des zones périphériques de la rétine, qui interviennent dans la perception du champ visuel élargi, peut l’expliquer. Le déficit postural est aussi mis en cause. Le contact œil-à-œil une fois mis en place, le bébé trisomique 21 investit ce canal d’échange, qu’il privilégiera plus longtemps que les autres enfants. Ainsi, petit, il regarde moins sa mère, mais plus tard il la regardera beaucoup, en négligeant les regards vers l’extérieur. Enfin, ils regarderaient exclusivement leur mère jusqu’à un âge avancé parce qu’ils auraient du mal, et donc besoin de plus de temps, pour apprendre le schéma de la face humaine, en particulier de celui de leur mère.
L’enfant trisomique 21 présente souvent un déficit auditif.
La maturation de son système auditif étant plus lente, il met moins à profit les stimulations auditives. Il rencontrera des difficultés de traitement des informations sonores, en particulier du rythme et des phonèmes. On observe une grande distractibilité aux stimuli auditifs, en même temps qu’un temps de réaction plus long à ces stimuli.
Les enfants porteurs de Trisomie 21 auront du mal à développer l’imitation verbale pour deux raisons : le temps de latence, et une faiblesse de la mémoire auditive et verbale.
A l’inverse, ils ont souvent une bonne mémoire visuelle, et seront donc souvent – voire trop souvent – dans des conduites imitatives.
Les enfants trisomiques 21 n’ont pas de difficulté à utiliser les gestes. C’est même le mode de communication qu’ils privilégient longtemps car ont du mal à investir le langage oral.
C’est pourquoi les moyens de communication gestuels fonctionnent très bien avec eux.
Ils maîtrisent un stock de geste petit mais efficace, qui va leur servir à pallier la faiblesse de leur lexique verbal.
Une particularité : ils utilisent plus de gestes déclaratifs (qui servent à montrer, parler de quelque chose) que de gestes instrumentaux (nécessitant une intervention de l’adulte sur un objet).
Les tours de rôle verbaux et donc la mise en place du dialogue sont perturbés par ce temps de latence dont nous avons parlé : l’adulte parle, il attend la réponse de l’enfant, et cette réponse tardant à venir, il émet un deuxième signal … l’enfant n’a pas eu le temps de prendre son tour de parole, les tours de rôle se chevauchent.
La deuxième difficulté rencontrée est un défaut d’inhibition qui, à l’inverse, fait que l’enfant trisomique 21 a du mal à attendre pour prendre son tour de parole dans un dialogue.
Le pointage apparaîtra tardivement mais ne fera ensuite pas défaut.
Par contre, il n’est pas forcément inclus dans la communication de l’enfant trisomique 21, qui aura du mal à le coordonner avec un regard. L’adulte aura du mal à comprendre ce pointage non associé à un regard, et à l’interpréter comme une demande.
Si les premiers échanges sont ainsi perturbés, le développement du langage oral aura aussi ses particularités.
Je vous propose de vous en parler la prochaine fois ! Pour pouvoir enfin vous présenter le travail de l’orthophoniste auprès de ces enfants.
Pascaline Olivier
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